Cimetière SAINT-VINCENT de Montmartre
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On lit souvent que le cimetière Saint-Vincent est le seul véritable cimetière Montmartrois. C’est très exagéré dans la mesure où il y a davantage de gens qui firent Montmartre au grand cimetière de l’Avenue Rachel que dans ce petit enclos qui fait figure de résistant aux promoteurs immobiliers. Néanmoins, il est vrai que l’exiguïté des lieux et la difficulté à s’y faire inhumer créent un sentiment de proximité feutrée avec le quartier. Avec le cimetière du Mont-Saint-Michel, il est sans doute le lieu de repos qui est le plus à l’unisson de la population environnante. En outre, il est l’une des manifestations du particularisme Montmartrois, la population de la butte étant très attaché à ce qui fait son individualité. En dehors de la place de Tertre qu’en journée elle a abandonné à tous, la population de ce quartier singulier défend jalousement ce qui marque son identité, du Montmartrobus à sa vigne, de ses commerçants à son cimetière Saint-Vincent.
Il est vrai également que ce cimetière attire peu, non seulement parce que les personnalités de premier ordre n’y sont pas légions (et personne qui ne puisse faire de l’ombre à Dalida, Truffaut ou Stendhal), mais également parce que le lieu n’est pas à proximité immédiate de « l’autoroute à touristes » que constituent la place du Tertre et la rue Norvins. « Tant mieux ! », diront les Montmartrois, qui peuvent du coup le visiter ou aller s’y recueillir en paix.
Pourtant, si les personnalités qui attirent sont peu nombreuses, le cimetière Saint-Vincent, comme nous allons le voir, est d’une très grande richesse. Inconnus du grand public, Goudeau, Paulo, Gabriello et bien d’autres encore sont des figures absolument incontournables dès qu’on s’intéresse un peu à l’histoire de la butte. Dans un tel lieu, évidemment, les peintres sont nombreux, et l’inscription « artiste peintre » sur les tombes recouvre de grands artistes ou des croûteux, mais tous à leurs manières ont participé à la légende de Montmartre.
La légende justement, parlons en ! Il existe plusieurs Montmartre : celui du XVIIIe siècle, petit village sans renom particulier, vivant autour de son abbaye, de ses nombreux moulins, et déjà de ses cabarets. C’est plutôt au petit cimetière du Calvaire, ouvert un jour par an, le 1er novembre, qu’il faudra aller le chercher. Il y a le Montmartre du XXe siècle, celui de ses restaurants, de ses « peintres-à-poulbot » mais aussi de ses foules interlopes descendant la butte jusqu’aux boulevards. Le Montmartre qui fait rêver le monde entier, celui de Lautrec et de la Goulue, de Salis et de Bruant, des estampes de Jules Chéret et du club des Hydropathes ; le seul et unique Montmartre vendu par les boutiques de souvenirs, est une sorte de rêve mythifié s’inscrivant dans une histoire extrêmement courte de la butte (des années 1870 à 1900 environ). On dit souvent qu’on vient « s’encanailler à Montmartre » : on y rêve des brumes d’absinthe et de tripots, des filles faciles s’offrant dans une ambiance de fête ininterrompue, le tout dans un quartier populaire crasseux et dangereux aux alentours de son maquis ! C’est oublié la réalité : le Montmartre de Zola est mort depuis bien longtemps. C’est aujourd’hui l’un des quartiers les plus bourgeois de la capitale, et les populations modestes qui y vivent encore sont très âgées, pour avoir pu conserver des loyers décents. Le cimetière Saint-Vincent est à cette image : impeccablement entretenu, feutré et intimiste, sur fond de réservoir de Ste Rustique et de clocher du Sacré-Cœur finalement pas si loin… Les amateurs d’apaches, de rixes et de loulous du Maquis devront désormais aller chercher leur dope dans des terres plus périphériques, comme dans le triste cimetière parisien de Saint-Ouen, où les derniers prolétaires de la butte se sont fait inhumer dans des tombes devenus depuis longtemps illisibles.
Ouvert en 1831, le cimetière Saint-Vincent, malgré ses allures de vieil enclos paroissial et la présence de quelques anciennes chapelles, est donc le cimetière Montmartrois le plus récent, après celui du Calvaire, puis celui du Nord, communément appelé « cimetière Montmartre » comme s’il n’y en avait pas d’autres. Il fut inauguré par le maire de Montmartre de l’époque, Jacques Edmé Bazin, qui y reposa ensuite. Sa superficie initiale de 21 ares fut portée, entre 1842 et 1844, à 69 ares, puis réduite lors de l’élargissement des rues des Saules et Saint-Vincent. Jusqu’en 1909, son entrée se trouvait au 40 de la rue Saint-Vincent : elle fut reportée à cette date dans la rue Lucien Gaulard qui venait d’être percée. Devenu à son tour insuffisant, il fut fermé en 1858 et remplacé par un nouveau cimetière, le 4ème de la butte, à savoir le cimetière ancien de Saint-Ouen. Devenu parisien suite à l’annexion de 1860, il fut rouvert mais réservé aux concessions perpétuelles.
Curiosités
Les œuvres marquantes sur des tombes de personnalités anonymes :
- Les bas-reliefs
- « Maman-Perdon », infirmière servant durant la Première Guerre mondiale, représentée avec ses décorations (2ème division).
- Un bas-relief en bronze sur la tombe Marello (12ème division).
- Bas-relief corrodé sur la tombe Viguier-Vuldy (7ème division).
- Les médaillons
- Médaillon en bronze Ardely, par Pourquet (2ème division).
- Médaillon en bronze des Roset par Emile Meunier (4ème division).
- Les bustes
- Buste en bronze Hunebelle, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement (8ème division).
- Buste en bronze du conseiller municipal Le Grandais par Oscar Waldmann (13ème division).
- Buste en bronze de Claire Mars sur la chapelle Lion (13ème division).
- Les statues et sculptures
- Le jeune Georges Bieber, mort à 22 ans, est représenté en bronze dans une pose rêveuse dont l’effet éthéré est accentué par les nuages sur lesquels il semble posé (Abel et Bournerie ciseleurs / Barbedienne fondeur). Cette tombe est également ornée de deux médaillons en bronze de ses parents par Albert Combescot (9ème division).
- la tombe Biziere est ornée de deux ébauches de bustes nus enlacés (14ème division).
- La tombe Pascal est ornée d’une statue néoclassique placée dans l’alcôve et de plans de bâtiments gravés sur les parois. Dans l’absence de documents plus précis, il est difficile d’avoir une idée de l’identité précise des résidents de la sépulture pour cette tombe qui est sans doute l’une des plus anciennes du cimetière (3ème division).
- Une tête de Christ en bronze sur la tombe François est signée de Rude (7ème division).
- La belle tombe ouvragée (lyre et ornements en bronze) du directeur de l’Echo de l’Orphéon, Victor Lory (7ème division).
- Un très bel ange en bas-relief constitue la stèle de la famille Rochet-Barthes de Montfort (14ème division).
- Les bas-reliefs
Dans le 4ème division se trouve le tombeau de famille de Paul Chevalier, frère de Maurice dont il fut l’intendant.
A l’intersection des divisions 5, 7,8 et 11 se trouve un ancien calvaire.
En bordure de la 11ème division, plusieurs belles chapelles délabrées constituent parmi les plus anciennes tombes du cimetière. Elles appartiennent à des familles de plâtriers montmartrois, telle les Tourlaque, qui donnèrent leur nom à l’une des rues du villages, ou encore la chapelle Leclaire, ornée d’une petite ruche. On se dit que les plâtriers d’aujourd’hui ne pourraient plus se faire édifier de monuments aussi imposants.
la tombe du Docteur F. Soulier est ornée d’une plaque de bronze qui indique la reconnaissance des mères de la Goutte de Lait de Montmartre, institution charitable qui distribuait du lait "maternisé" aux mères travailleuses qui ne pouvaient allaiter et versait quelques subsides à celles qui interrompaient leur travail pour allaiter (14ème division).
Dans la 4ème division, on admirera l’ornementation en bronze de la tombe Radigue.
Une tombe insolite à cet endroit : la sépulture Reine est surmontée d’un menhir et ornée d’une ancre de marine sculptée sur la dalle (2ème division).
La tombe de la « révérende mère Sainte-Dominique, née Marie Sauton, fondatrice de l’Adoration réparatrice perpétuelle et universelle du Sacré-Cœur de Jésus à Montmartre ». Elle mourut en 1888 (13ème division).
Célébrités : les incontournables…
Saint-Vincent fut le lieu d’inhumation temporaire des généraux Lecomte et Clément-Thomas avant que ceux-ci ne soient transférés au Père-Lachaise. Il le fut également de l’épouse de Berlioz, Harriet Smithson (+1854), avant que le compositeur ne fasse édifier son tombeau au cimetière Nord. A l’inverse, certaines célébrités inhumées à Saint-Vincent le furent auparavant au cimetière de Saint-Ouen.
A noter l’erreur reproduite dans plusieurs ouvrages et plusieurs sites : Henri Poupon, l’acteur cher à Pagnol, ne repose pas dans ce cimetière, mais au cimetière de Plan de Castellet dans le Var. Il existe effectivement un Henri Poupon dans la 14ème division de ce cimetière, mais il s’agit d’un homonyme.
Anouk AIMÉE (5ème division)
Marcel AYMÉ (10ème division)
Harry BAUR (9ème division)
Eugène BOUDIN (12ème division)
Marcel CARNÉ (4ème division)
Jules CHÉRET (5ème division)
Roland DORGELÈS (13ème division)
Arthur HONEGGER (8ème division)
Roland LESAFFRE (4ème division)
MICHOU (12ème division)
Claude PINOTEAU (3ème division)
Théophile STEINLEN (14ème division)
Maurice UTRILLO (4ème division)
Le plan officiel vient d’être refait : mon article, à n’en pas douter, a été recopié pour offrir cette nouvelle liste de célébrités situées.
…mais aussi
1ère division
La peintre Jeanine ALAJOUANINE (1893-1988). La tombe est ornée d’un médaillon en bronze.
Le musicien Richard CAPEZ (1885-1964).
Frédéric LAGNAU (1967-2010) : compositeur de musiques nouvelles
(dans la lignée de Steve Reich ou de Pierre Henry), auteur d’un oratorio (B-Attitude) ; on lui doit également de nombreuses musiques pour le théâtre, le cinéma ou la télévision. Il fut maître de choeur à l’Opéra Garnier. Bien que né à Evreux, il était issu d’une vieille famille montmartroise.
Le chirurgien de la Fondation Curie André TAILHEFER (1896-1963).
2nde division
La basse Paul AUMONIER (1872-1944), qui chanta à
l’Opéra. Sa tombe sera dans quelques temps totalement anonyme.
La soprane Mireille BERTHON (1889-1955), qui connut une belle carrière à l’Opéra dans l’entre-deux guerres. Elle s’adonna ensuite à l’opérette et à des pièces musicales pour la radio.
Le peintre et sculpteur Louis CARRIER-BELLEUSE (1848-
1913) : fils du sculpteur Albert Ernest Carrier-Belleuse, il suivit ainsi les cours des peintres académiques Gustave Rodolphe Boulanger et d’Alexandre Cabanel. Il développa son talent artistique tant en peinture qu’en sculpture dans les arts industriels. Il exposa ses travaux au Salon des artistes français de 1870 à 1910 et reçut un prix au salon de 1881 comme peintre et un autre au salon de 1889 comme sculpteur : il s’intéressa en peinture à décrire les petits métiers parisiens. Il fut nommé directeur artistique de la faïencerie de Choisy-le Roi. Sa tombe est ornée de deux médaillons en bronze le représentant ainsi que son épouse par Paul Gasq.
La peintre Jacqueline CAZALIÈRES (1913-1988) et son frère architecte, Jacques Charles CAZALIERES (1904-1992). Dans ce même tombeau repose également Jacques-Charles Wiggishoff.
Le peintre paysagiste Alphonse Alexis MORLOT (1838-1918), ancien élève de Corot.
Jacques-Charles WIGGISHOFF (1842-1912) : maire du XVIIIe arrondissement de Paris de 1889 à 1899, il fut l’un des fondateurs de la Société du Vieux Montmartre dont il fut le président de 1894 à 1907. Il fut a priori inhumé à Saint-Ouen mais fut ensuite retransféré ici dans le caveau de famille. On lui doit quelques ouvrages, dont un Dictionnaire des dessinateurs et graveurs d’ex-libris français.
3ème division
Le peintre Marc DJADEL (1938-2010).
L’ingénieur Alexandre DUMEZ (1864-1932) qui créa en 1880 son entreprise qui se spécialisa en 1914 dans le béton armé, et qui devint le noyau
du futur groupe Vinci. Pierre CHAUFOUR (1901-1970), qui reprit l’entreprise après sa mort, repose également dans ce cimetière, dans la 12ème division.
André GABRIELLO (André Galopet : 1896-1975) :
chansonnier et acteur de théâtre et de cinéma, où il tourna des années 30 aux années 60. Dans la même tombe repose sa fille, Suzanne GABRIELLO (Suzanne Galopet : 1932-1992) : chanteuse comique, elle parodia les paroles d’autres artistes et fit, au début des années 60, partie du trio
Les Filles à Papa avec Perrette Souplex et Françoise Dorin. On l’a vit également au cinéma. Elle fit plus tard partie des habituées du jeu télévisé « Les jeux de vingt heures ». Elle avait été l’une des compagnes de Jacques Brel, pour laquelle il écrivit Ne me quitte pas (bien que ce soit lui qui l’ait quittée).
L’architecte André GRANET (1881-1974), qui fut l’auteur de
nombreux hôtels particuliers, immeubles de rapport, usines, cités ouvrières (usine Gnome et Rhône à Gennevilliers, cités ouvrières à Lomme…). Avec Auguste Perret, il participa à la réalisation du théâtre des Arts décoratifs à l’Exposition internationale de 1925. Ses œuvres majeures demeurent l’hôtel Splendid (1927) et le casino (1928) de Dax, deux chefs-d’œuvre de l’Art déco. Il dessina en outre les décors éphémères de l’Exposition coloniale de 1931 et de l’Exposition universelle de 1937. Son nom reste surtout attaché à la production de tous les décors des salons de l’Aviation, de l’Auto et de l’Enfance qui se sont tenus à Paris de 1909 à 1968, donc sur plus d’un-demi siècle. On rencontre de ce fait parmi ses commanditaires beaucoup de savants et d’industriels du milieu de l’aéronautique. En 1938, il fut nommé architecte en chef des bâtiments civils et des palais nationaux, et architecte en chef du Conservatoire national des arts et métiers, avant de devenir en 1939 l’architecte en chef du palais de l’Elysée. Son épouse, Geneviève Salles, inhumée avec lui, était la petite-fille de Gustave Eiffel.
STELLO (Paul Fichter : 1882-1945) : chansonnier du Lapin Agile
durant toute la première moitié du XXe siècle. Il était unijambiste des suites de la Première Guerre mondiale. Sa dalle est recouverte de lierre. Le médaillon en bronze qui ornait sa tombe a été déposé à la conservation.
Paul YAKI (1883-1964) : écrivain et historien de Montmartre, il fut avec Claude Charpentier le cofondateur du Musée de Montmartre dont il devint le premier conservateur. Modigliani fit un portrait au crayon de lui.
4ème division
Le peintre Jules ADLER (1865-1952), surnommé « le peintre des
humbles ». Ancien élève de Bouguereau et de Robert-Fleury, il développa une œuvre qui trouve son écho dans la contexte de la révolution industrielle. Il représenta le « petit peuple », celui des campagnes et plus encore celui des villes, qui sut émouvoir le spectateur par la vérité d’expression des visages et des mouvements.
Eugène Léon CORNUCHÉ (1867-1926) : entrepreneur dans l’industrie du luxe, il fut à la fois le créateur du casino de Deauville et celui du restaurant Maxim’s, dont il fit une adresse prestigieuse en le transformant en chef-d’œuvre de l’Art Nouveau. Il repose dans l’unique chapelle de cette division, qui est ornée d’un buste en bronze de Francis La Monaca.
Le peintre Georges GUIGNARD (1861-1935), dont la tombe est ornée d’un médaillon en bronze.
Edouard KLEINMANN (1844-1927) : graveur sur camée, ancien communard, collectionneur d’art et éditeur d’estampes, il fut maire du XVIIIe arrondissement de 1906 à 1927. Dans la même tombe repose la peintre aquarelliste Alice KLEINMANN (1876-1939).
Le spirite SÉDIR (Yvon Le Loup : 1871-1926) : ésotériste
et mystique français, il fut l’auteur de très nombreux ouvrages sur l’ésotérisme et la mystique chrétienne. Autodidacte, il se forma auprès de l’occultiste Papus dont il devint le collaborateur. Affilié à de très nombreux « ordres » (ordre rosicrucien de Guaita, ordre Martiniste de Papus), il obtint dans chacun des grades élevés. Il avait choisit « sedir », anagramme de « désir », comme pseudonyme. Brusquement, il abandonna ses titres, rejeta toute initiation, toute sagesse ésotérique et se consacra uniquement à l’idéal de l’Évangile. Il fit dès lors de nombreuses conférences sur la voie mystique chrétienne et en juillet 1920 fonda « Les Amitiés Spirituelles », association chrétienne libre et charitable. Sa tombe est ornée d’un profil du Christ en bronze.
La peintre Lucie VALORE (voir tombeau Utrillo)
Jean VERTEX (Joseph Sau : 1904-1971) : poète, essayiste et auteur
dramatique, il fut l’auteur de Montmartre, le village inspiré qui fut illustré par Utrillo.
5ème division
Roger FERRÉOL (Eugène Roger : 1880-1959) : comédien
marseillais, il débuta auprès de Sarah Bernhardt au théâtre de l’Odéon. Il devint par la suite chansonnier et directeur de salles de spectacles : avec André Dahl, il créa le Théâtre des Deux Anes, et ouvrit le Théâtre des Dix Heures à l’emplacement de la Lune rousse où il avait fait ses débuts. Il créa également de nombreuses revues et opérettes qui connurent un grand succès.
Le romancier Pierre de SALES (1856-1914).
6ème division
Luigi CHIALIVA (1841-1914) : peintre suisse installé en France après
avoir suivit sa formation artistique à Munich, on lui doit des paysages et des scènes champêtres. Dans le caveau repose également son fils, l’architecte Jules CHIALIVA (1875-1934), mort accidentellement. Tous deux étaient des proches de Degas.
Jean GÉRARD (1890-1956) : affairiste sans lien avec le milieu
scientifique mais disposant de réseaux avec le monde industriel, il fut l’un des fondateurs de la Maison de la Chimie. Il repose sous un médaillon en bronze de Georges Guiraud.
Emile GOUDEAU (1848-1906) : employé de ministère, il
eut le loisir de se consacrer à la poésie (Fleur de bitume). Il est surtout connu pour avoir fondé en 1878 dans le Quartier latin où il habitait le célèbre club des Hydropathes, ou poésie et absinthe faisaient bon ménage. En 1881, Rodolphe Salis le persuada de « monter » à Montmartre dans son établissement, le Chat noir, dont les Hydropathes assurèrent un succès devenu mythique. Goudeau donna son nom à l’une des plus charmante place de Montmartre, donnant sur le Bateau Lavoir. Sa tombe mériterait un petit rafraîchissement : elle est constitué d’un entourage rouillé et bancal tandis que la plaque sur laquelle est indiquée son nom est quasiment illisible. Dans cette tombe repose également Henri Paillard.
Le chansonnier Marcel LEGAY (1851-1915), surnommé «
le barde chevelu », qui fut l’une des figures de Montmartre. Il vendait ses chansons dans la rue et se produisit également souvent dans les cabarets et les salles de spectacles. Il fut introduit au club des Hydropathes.
Henri PAILLARD (1844-1912) : peintre et graveur, il
exposa des paysages, des marines ainsi que des gravures sur bois. Il est inhumé dans le même tombeau qu’Emile Goudeau, dont il illustra certaines des œuvres.
7ème division
Le docteur Louis DUCHASTELET (1858-1910), qui compta dans sa clientèle pas mal de célébrités, dont le roi Alphonse XIII d’Espagne. Il mourut écrasé par sa propre automobile. Il repose à l’entrée du cimetière dans un tombeau assez pompeux orné d’un buste.
Candido de FARIA (1849-1911) : illustrateur, caricaturiste, affichiste
et peintre d’origine brésilienne, il créa au Brésil ses propres journaux qu’il illustra, tout en collaborant à d’autres revues. Arrivé à Paris en 1882, il illustra de nombreuses couvertures de partitions musicales, plusieurs ouvrages, et créa quantité d’affiches. Dans ce secteur il aborda tous les domaines, même s’il travailla surtout pour le monde du spectacle, immortalisant les grands noms du café-concert de l’époque. On connaît aussi de lui des affiches de cirque, de sport ou de tourisme. Il se distingua en donnant naissance à la première affiche de cinéma, et s’investit beaucoup dans ce nouveau secteur répondant aux nombreuses demandes de la société Pathé. Avec lui repose son fils, le peintre Jacques FARIA (1898-1956), qui fut également concepteur d’affiches. Tout deux reposent sous une belle statue de femme envahie par le lierre, œuvre de F. Charpentier. Sur la droite se dessine, gravé dans la pierre, le visage de Candido de Faria.
8ème division
Le musicographe René DUMESNIL (1879-1967), qui fut critique
musical au Mercure de France et au Monde. On lui doit de nombreux ouvrages sur la musique. Il était membre de l’Académie des Beaux-Arts. Il repose sous une statue en bronze par Emile Bailly.
Roger LACOURIÈRE (1892-1966) : directeur des Editions de la
Roseraie, il créa en face du Sacré-Cœur sa propre imprimerie où les artistes venaient eux-mêmes graver leurs plaques. Cet atelier fut un centre important de la création artistique de Montmartre. Avec lui repose son épouse, Madeleine LACOURIÈRE (1899-1986), qui travailla avec lui et poursuivit son œuvre.
Lazare PYTKOWICZ (1928-2004) : jeune résistant de 12 ans aux
côtés de sa famille, il aida à distribuer des tracts contre l’occupant, dont celui appelant à la manifestation étudiante du 11 novembre 1940 à Paris sur les Champs-Élysées. En juillet 1942, le jeune Lazare, avec le reste de sa famille, fut arrêté lors de la rafle du Vél’d’Hiv mais parvint à s’échapper. Libre, il réintégra les rangs de la Résistance. Refusant de se « mettre au vert », il devint agent de liaison des groupes francs des Mouvements unis de résistance (MUR). En 1943, il fut arrêté par la Gestapo à Lyon. Il parvint de nouveau à s’échapper et rejoignit à Paris le Mouvement de libération nationale (MLN). En 1944, il fut arrêté une troisième fois par la Milice. Remis à la Gestapo, il s’échappa encore. Après la Libération, ses parents n’étant pas revenus d’Auschwitz, il fut pris en charge par des amis qui l’avaient déjà hébergé sous l’Occupation, et reprit ses études. Il rejoignit alors le PCF où il milita toute sa vie. Il fut fait Compagnon de la Libération et fut le plus jeune décoré de cet ordre de son vivant.
La pianiste Andrée VAURABOURG (voir tombeau Arthur Honegger).
9ème division
Pierre BUSSOZ (1872-1958) : inventeur français du juke-box ! Effectivement, il mit au point en 1920 le bussophone, le premier juke-box mécanique. Il vendit en 1932 son brevet à un Américain. Sa tombe est ornée d’un minéral ange en prière par G.Thomassen.
Le restaurateur Edouard CARLIER (1933-2003), propriétaire du
Beauvilliers.
La jeune comédienne Jane DANJOU (Jeanne Decron : 1885-1926), dont la tombe est ornée d’un buste en bronze souriant.
François DUFAY (1962-2009) : rédacteur en chef du
service livres de l’Express après avoir travaillé pour les rubriques politique et littéraire du Point de 1990 à 2007, il fut également écrivain et se fit remarquer dans l’art du portrait comme en témoignent des essais comme Les Normaliens consacré à des personnalités issues de la prestigieuse institution ou Le Voyage d’automne sur les écrivains de la Collaboration. Il mourut accidentellement.
Le peintre et graveur au burin originaire de Valenciennes Arthur Edmond GUILLEZ (1885-1916). L’importance de son tombeau n’est pas proportionnelle au souvenir qu’il laissa, mais il est vrai qu’il mourut jeune à la guerre. Sa stèle est ornée d’un buste en bronze, tandis qu’un bas-relief le représentant en train de travailler orne l’arrière de sa tombe.
Gustave Victor QUINSON (1868-1943) : directeur du théâtre du
Palais-Royal en 1910, ce financier devint bientôt un véritable empereur du théâtre parisien en y ajoutant la direction du Gymnase, du Vaudeville, des Bouffes Parisiens et de quelques autres. Non content de régner sur les théâtres, il voulut aussi régner sur le répertoire et essaya de rééditer ce que Labiche avait si bien réussi : signer des comédies en collaboration avec d’excellents auteurs (Yves Mirande, Tristan Bernard, Albert Willemetz…). Il fut également auteur de scénarii pour le cinéma. Le fronton de sa chapelle est orné d’un petit relief de femme en bronze.
TERNOIS (1881-1928), « fondateur de l’orphelinat général de France ».
10ème division
La comédienne François ARNAUD (voir tombeau Marcel Aymé)
Le baryton-basse Jean-François DELMAS (1861-1933), il
demeura toute sa carrière fidèle à l’Opéra de Paris. Admiré dans le registre wagnérien, il créa plusieurs rôles, en particulier pour Massenet (Thaïs). Avec lui repose son épouse, la soprane Blanche d’ERVILLY (1853-1920).
GEN PAUL (Eugène Paul : 1895-1975) : peintre
montmartrois difficilement classable dans la mesure où son style évolua durant sa longue carrière, il perdit une jambe durant la Première Guerre mondiale. Ami de Juan Gris, il développa rapidement une œuvre expressionniste qui se distingua de celle des autres artistes de ce mouvement par ses colories gaies et par le mouvement de ses compositions. Il sombra dans l’alcool à partir des années 30. En 1937, il fut engagé pour peindre une grande fresque pour le « Pavillon des Vins de France » à l’Exposition internationale de Paris. Son œuvre est variée, suivant ses passions et les époques de sa vie : les clowns, les paysages, en particulier montmartrois, les visages, les courses hippiques… Il repose sous une dalle minérale brute de manière totalement anonyme.
Suzanne GRANDAIS (Suzanne Gueudret : 1893-1920) :
elle fut l’un des pionnières du cinéma et fut l’une des grandes actrices du muet, tournant beaucoup entre 1911 et sa mort, notamment dans les films de Louis Feuillade. Surnommée la Mary Pickford française, nul ne sait si elle eut réussit à passer la cap du parlant qui fut fatal à tant d’actrices puisqu’elle mourut accidentellement lors du tournage d’un film. Elle reposa jusqu’en 1921 dans la tombe Defradas ornée d’une belle stèle de facture antique représentant Orphée et Eurydice (les lettres du nom du poète sont inversées). Elle repose depuis cette date dans un tombeau à son nom, dans la même division, face à la tombe de Marcel Carné [1].
Le pianiste de jazz et compositeur Alain ROMANS (1905-1988) :
ancien élève de Vincent d’Indy, il travailla avec Stéphane Grapelli, Josephine Baker et Django Reinhardt. Il lança la mode du « piano-bar » et fut l’auteur de plusieurs musiques de film, dont Mon Oncle et Les vacances de M. Hulot pour Jacques Tati.
11ème division
L’architecte Joseph BIEHLER (1843-1922).
L’homme de lettres Marcel COLLIÈRE (1863-1932), auteur de poésies, de théâtres et de chroniques. Sa tombe est ornée d’un médaillon.
Le peintre et graveur MONTEIL (Louis Jacque : 1897-1987). Il était, comme le précise sa tombe, le petit-fils du peintre animalier de l’école de Barbizon Charles Jacque (1813-1894), qui se fit connaître également par ses lithographies et ses eaux-fortes, qui repose lui dans la 32ème division du Père Lachaise. Ici repose également sa veuve, Marie Mathis, qui fut également peintre.
Le peintre Pierre SINDICO (1820-1893), dans la chapelle Richard.
12ème division
GAZI le Tatar (ca1900-1975) : difficile de connaître avec exactitude l’origine de ce peintre montmartrois. Certaines sources en font le descendant de Genghis Khan, né en Crimée dans l’hôtel particulier où furent plus tard signés les accords de Yalta ! Chassé par les Bolchéviques, il serait, après un séjour en Italie, arrivé à Paris. Rien n’est moins sur ! Ce qui est certain, c’est qu’il devint à partir des années 30 une figure de la butte. Il habita chez Suzanne Valadon (qu’il considérait comme sa mère adoptive) rue Lepic. La grande mission de sa vie fut la restauration du culte de Notre-Dame de Montmartre, patronne des artistes. Ses peintures et dessins sont proches de ceux d’Utrillo, son « frère de lait ». Mort dans la misère, inhumé au cimetière de Pantin, il fut transféré ensuite ici dans la tombe d’un chanoine montmartrois sous l’identité Igna Ghirei Gazi.
Désiré INGHELBRECHT (1880-1965) : compositeur et chef
d’orchestre, il fut l’ami de Debussy qui l’inspira et dont il fut l’un des meilleurs interprètes. Directeur de la musique au théâtre des Champs-Élysées, puis chef d’orchestre à l’Opéra Comique, il créa en 1934 l’Orchestre national de la Radiodiffusion française. On lui doit en outre de nombreuses compositions. Sa tombe est discrète dans la mesure où elle est recouverte de végétation.
L’architecte et sculpteur ornementiste Ernest Hubert LAVIGNE (1834-1893).
LUDOVIC-RODO (Ludovic Pissarro : 1878-1952) : fils de
Camille Pissarro qui guida ses premiers pas artistiques, il fut également un peintre paysagiste et un graveur qui travailla à Montmartre. Son identité est difficilement lisible sur sa tombe.
Robert NALY (1900-1984) : peintre et graveur suisse installé à Montmartre en 1927, il mourut atrocement brûlé par l’explosion chez lui d’une bonbonne de gaz. Dans ce tombeau repose également de manière anonyme son amie, la peintre figurative Katia KA (Catherine Amiouny : 1916-1994), qui peignait des icônes.
PAULO (Paul Gérard : 1895-1977) : fils de Frédé, il racheta en 1922 à
Aristide Bruant le Lapin Agile et continua à l’animer. Il parvint à maintenir cette institution mythique de Montmartre à une époque où la vie artistique s’était pourtant déplacée rive gauche. Avec lui repose son épouse, la chanteuse Yvonne DARLE (1902-1994).
Le peintre Georges ROSE (1895-1951), originaire de Sétif, auteur d’une peinture impressionniste à l’aquarelle. Alcoolique et drogué, il mourut sur un banc de la place Pereire. Sur sa tombe s’épanouit un magnifique rosier.
Miguel VILLABELLA (1892-1954) : ténor espagnol, ancien
élève de Lucien Fugère, il fit toute sa carrière en France (Opéra et Opéra comique) où il connut un très grand succès. Il était également recordman du monde de patin à roulettes !
Hélène VILLEFRANCHE (1879-1951) : mystique française, elle
fut la fondatrice des Auxiliaires du Coeur de Jésus.
13ème division
Ninette AUBART (Léontine Aubart : 1887-1964) :
chanteuse au Lapin agile, elle était la maîtresse du milliardaire américain Benjamin Guggenheim. Celui-ci lui proposa de le suivre aux Etats-Unis et c’est ainsi que le couple embarqua…à bord du Titanic ! On connaît la suite… Bruno Guggenheim mourut de manière très digne, tandis que Ninette Aubart fut recueillit sur le Carpathia. Sa filleule a fait graver récemment sur sa tombe la mention « rescapée du Titanic ». A ma connaissance, elle est la seule rescapée du naufrage inhumée dans un cimetière parisien.
Le restaurateur Henri BORDE (1928-2002), propriétaire du célèbre Cadet de Gascogne puis du restaurant Patachou. La gravure sur sa tombe reproduit la place du Tertre où figure en bonne place le Cadet de Gascogne.
Claude CHARPENTIER (1909-1995) : neveu de Gustave Charpentier, architecte et musicien –il était contrebassiste-, il s’intéressa après la guerre à la reconstruction et à l’embellissement de plusieurs villes françaises (notamment Compiègne), mit en valeur la ville de Senlis, et aménagea à paris le site de Montmartre, les rives de la Seine et le quartier Maubert. Il est évident que Montmartre lui doit beaucoup : il fut, entre autres, le reconstructeur du Bateau-Lavoir et le restaurateur de l’hôtel particulier de la rue Cortot dans lequel s’installa en 1960 le musée de Montmartre (dont il devint conservateur). Avec lui repose son fils Jean-Marie CHARPENTIER (1939-2010), également architecte, qui fut l’un des premiers architectes européens à s’établir en Chine et qui réalisa l’opéra de Shangaï.
Le tombeau de famille des DEBRAY, vieille famille de meunier montmartrois dont les plus anciens représentants possèdent une tombe (surmontée d’un moulin !), au vieux cimetière du Calvaire. On sait bien aujourd’hui que la tragique et fantastique anecdote du meunier Debray crucifié aux ailes de son moulin lors du siège de Paris de 1814 n’était qu’une fable (elle a pourtant la vie dure : il faut dire qu’elle est vendeuse !). Le caveau de ce cimetière est orné d’un médaillon.
David GRUBY (1810-1898) : médecin hongrois installé à Paris, il fut
l’un des pionniers de la microbiologie et de la mycologie. Il fut décrié car l’idée que certains parasites issus des plantes pouvaient être une cause de maladie pour l’homme était quelque chose de tout à fait nouveau avant Pasteur ; mais fort de ses expériences, il imposa progressivement ce principe. Il fut un des praticiens les plus populaires à Paris, et compta parmi sa clientèle Frédéric Chopin, Alexandre Dumas père, Heinrich Heine, Alphonse de Lamartine, Alphonse Daudet, George Sand, Ambroise Thomas ou encore Franz Liszt. Sa tombe est ornée d’un buste en bronze de Georges Lemaire.
Papoue (1908-1961) et Nicolas-Constantin (1888-1968) PLATON-ARGYRIADÈS : céramiste et verrier, il fut l’une des grandes figures de Montmartre où il fut le dernier habitant de la maison de Mimi Pinson. On ne risque pas de louper leur tombe, l’une des plus originales et sympathiques du cimetière, qui figure, de manière naïve, la fenêtre d’une maisonnette derrière laquelle le couple fixe les visiteurs à travers les rideaux.
Max REVOL (Maxime Revol : 1894-1967) : fantaisiste de
music-hall, il fut également acteur de revues, d’opérettes et de cinéma, pour lequel il tourna à partir des années 30.
Le peintre et galeriste André ROUSSARD (1897-1968), dont la tombe moderne est ornée d’une palette.
14ème division
La jeune artiste dramatique Alice BARGER (Alice Baranger : 1891-1922). Elle est inhumée dans le même tombeau qu’Eugène Verdevoye.
La très prolixe et très oubliée romancière Cécile CASSOT (1843-1913).
Le peintre et graveur Jean-Gabriel DARAGNÈS (1886-
1950), qui illustra de nombreux auteurs devenus ses amis qui fréquentèrent avec assiduité sa maison-atelier de la rue Junot.
Le chansonnier MAURICET (Georges Renaut : 1888-1968), qui reprit
le Moulin de la Chanson avec Fursy. Il tourna également pour le cinéma des années 30 aux années 60.
L’architecte Xavier SCHOELLKOPF (1869-1911), élève de Guadet et de Paulin, qui fut l’admirateur de Guimard et qui, tout comme lui, fut l’un des maîtres de l’art nouveau parisien. On lui doit plusieurs immeubles et hôtels particuliers à Paris, dont celui d’Yvette Guilbert. Sa tombe de facture art nouveau est ornée d’un médaillon en bronze. L’ensemble fut réalisé par Marcel Rouillère.
Le peintre Eugène VERDEVOYE (1856-1926).
Romain VIGOUROUX (1831-1911), qui fut médecin-chef de l’Institut
d’électrothérapie de la Salpétrière. Sa tombe a été récemment endommagée (stèle renversée).
Trois ouvrages très riches -et très richement illustrés pour les deux premiers- sont parus récemment sur Montmartre, qui permettent d’enrichir la connaissance de la Butte. Tous trois des éditions André Roussard, il s’agit des Montmartrois, du Dictionnaire des lieux à Montmartre et du Dictionnaire des peintres à Montmartre.
Merci à Michel de Laconnay pour le complément photo.
[1] information donnée par un membre de la famille Defradas
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