Champagne !

Les dynasties du champagne au cimetière du Nord de Reims
samedi 4 novembre 2023
par  Philippe Landru

L’origine du mot « champagne » provient de l’ancien terme français « canpayne ». Datant du XIe siècle, ce mot signifie « grande étendue de terrain plat ». Ce sont alors les nombreux champs ouverts sur des plateaux pâles qui ont inspiré le nom que porte la région même de Champagne. Historiquement, dès le Moyen Âge, cette province a commencé par produire des vins tranquilles, non effervescents. Des vins clairs appelés aussi « nature », dont la renommée commença à dépasser leur région d’origine au XVIe siècle, par l’entremise d’un ambassadeur de renom, le roi Henri IV, puis au XVIIe siècle, grâce aux talents de Dom Pérignon, un moine cellérier de l’abbaye bénédictine d’Hautvillers, notamment avec l’assemblage de différents crus et le contrôle de la prise de mousse lors de la deuxième fermentation.

Le champagne ne commence à acquérir son rayonnement international qu’à la fin du XVIIIe siècle grâce à des familles bourgeoises propriétaires de vignes qui organisent le marché : de producteurs, elles vont passer courtiers assurant le transport et mettant en place une promotion efficace de leur vin. Ces familles sont principalement de souche allemande, comme Florens-Louis Heidsieck ou Claude Moët puis, au XIXe siècle, la famille Bollinger.

Tout naturellement, les villes de Reims et d’Epernay devinrent les capitales de cette production de prestige. Tout aussi naturellement, le cimetière du Nord de Reims, le vieux cimetière patrimonial de la ville, devint l’un des Panthéons des dynasties locales au renom désormais international. Intéressant (mais finalement pas surprenant) d’observer l’endogamie professionnelle de ces familles de négociants, quasiment toutes reliées entre elles par des liens généalogiques.

Vous ne trouverez néanmoins pas ici toutes les Maisons de champagne : pour Moët et Chandon, Perrier-Jouët ou Eugène Mercier, c’est au cimetière du Nord d’Epernay qu’il vous faudra aller.


RUINART - 1729


Maison de Champagne fondée en 1729 à Épernay par Nicolas Ruinart [1] (1697-1769), le neveu du moine bénédictin Dom Thierry RUINART (1657-1709) ; Elle fut la première et la plus ancienne maison de Champagne. Un arrêté du roi Louis XV permit cette création : il autorisait le transport du vin en bouteilles, alors qu’avant cette date le vin ne pouvait voyager qu’en fûts, chose impossible pour le vin de champagne. Fortement inspiré par son oncle Nicolas, Claude RUINART (1731-1798) posa alors les fondements de la Maison de Champagne en commençant par transférer la Maison et les caves à Reims, à l’emplacement actuel. Ses premiers envois de vins de Champagne étaient destinés à ses clients acheteurs de draps, ce que l’on pourrait aujourd’hui considérer comme des cadeaux d’affaires. Comme son oncle vingt ans auparavant, il s’aperçut rapidement que le marché du vin était bien plus fructueux que celui du drap. Dans les ports, sur les bateaux, les paniers de bouteilles de vin de Champagne remplacèrent très vite les balles et les rouleaux de tissus, si bien qu’en 1735, la vente de champagne devint l’unique activité de la Maison Ruinart.

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Le déjeuner d’huitres - 1735 (détail)
En 1735, six années après la fondation de la Maison Ruinart, le peintre français Jean-François de Troy réalise sur commande du roi Louis XV Le Déjeuner d’huîtres. Ce tableau, est la plus ancienne représentation connue de la consommation de vin effervescent de Champagne. On y reconnait la forme traditionnelle des flacons de champagne de l’époque et son bouchon caractéristique qui semble avoir été propulsé à l’ouverture de la bouteille. A cette époque, seules deux Maisons de champagne avaient été fondées : Chanoine Frères et Ruinart.

Les générations Ruinart se succédèrent et développèrent la renommée de la Maison en France comme à l’international. Entre 1827 et 1831, Edmond Ruinart (1795-1856) voyagea en aux États-Unis et en Russie, où il noua des relations commerciales avec la noblesse des pays. En 1859 puis en 1861, son fils Edgar (1829-1881) voyagea lui aussi par deux fois au pays des tsars avant de s’établir en Angleterre pour y commercialiser les vins Ruinart. André (1861-1919), le neveu d’Edgar, homme de communication, utilisa les nouvelles techniques du XXème siècle pour faire connaître la Maison. Il eut notamment l’idée de faire appel à l’artiste tchèque Alfons Mucha pour réaliser ce qui devint la première réclame d’une Maison de Champagne. Dès lors, la Maison commença à tisser un lien privilégié avec les artistes et le monde de l’art.

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Publicité par Alfons Mucha.

En 1877, la Maison acquit un lieu unique, les crayères, caves naturelles de craie, situées plusieurs mètres sous la ville de Reims. Identifiant des conditions idéales à la conservation des vins, Ruinart fut la première Maison de Champagne à y entreposer ses bouteilles afin de profiter d’une température stable, d’une humidité constante et d’une faible luminosité.

Négociante mais pas viticultrice, la maison Ruinart ne possède pas de vignes et achète à plus de soixante-dix producteurs, une trentaine à Reims et dans les villages du pourtour.

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Plaque funéraire de Claude Ruinart (+1798)

La famille Ruinart possède deux tombeaux familiaux au cimetière du Nord de Reims (51). La grande sépulture familiale se trouve dans le canton 7 : outre Claude, on y trouve en particulier Nicolas (1765-1850), son fils, époux de Julie Vanderveken (voir Abelé), ainsi que son autre fils François Jean Irénée RUINART de BRIMONT (1770-1850), qui fut maire de Reims de 1821 à 1827 et député de la Marne à trois reprises (1816-1821), (1824-1827) puis 1830. En 1817, il fut anobli et devint Ruinart de Brimont. Il participa activement à la renommée de la Maison Ruinart, auquel il contribua à donner un grand essor. Premier magistrat de la ville lors du sacre de Charles X, il accueillit le roi avec cette adresse lapidaire : « Sire, nous vous offrons nos vins, nos biscuits et nos cœurs ». En siégeant au centre-droit, il siégea parmi les « constitutionnalistes » et non dans le camp des ultras, siégeant à l’extrême-droite. La révolution de Juillet le rejeta plus à droite, dans le camp des légitimistes, attachés aux Bourbons et au drapeau blanc. Alors qu’il était toujours député, il donna sa démission en désavouant le régime qui avait émergé en juillet 1830.

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Plaque de Irénée Ruinart de Brimont. Tombeau du canton 7.
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Sépulture familiale des Ruinart - canton 7.

La seconde se trouve dans le canton 2 : y reposent Jacques Edmond (1795-1856), son fils Edmond (1829-1881), et sans doute également son premier fils, Charles Edmond (1824-1896), qui par son mariage avec Julie Hennessy, relia généalogiquement les grandes dynasties du champagne à celles du cognac !


TAITTINGER - 1734


En 1734, Jacques Fourneaux, qui s’associa avec Antoine Fourest [2], créèrent une maison de commerce de vin de Champagne et travaillèrent avec les grandes abbayes bénédictines alors propriétaires des plus beaux vignobles champenois. Cette propriété fut exploitée par le Frère bénédictin Jean OUDART (1654-1742), qui fut en 1678 affecté à Pierry, où une petite communauté bénédictine directement dépendante de Châlons gérait les biens de l’abbaye, et où il resta pendant 63 ans, devenant au fil des ans, le principal gestionnaire. À ce moment, le vin pétillant acclimaté en Champagne par Dom Pérignon commençait à être à la mode et Pierry en a produit. La tradition attribue à Oudart l’introduction du liège espagnol pour les bouchons et l’invention de la liqueur de tirage.

A sa mort, il fut inhumé dans la nef de l’église de Pierry (51), ce qui était contraire aux usages du temps (il n’était ni noble ni prêtre). Cette tombe fut retrouvée en 1972 grâce aux archives de la commune de Pierry. On y retrouva le squelette d’un homme mesurant environ 1,80 m, des débris de verre et un bouchon en terre cuite. On constata que la tombe avait été violée de toute évidence pendant la révolution française. Cette sépulture fut remise en ordre et l’on ajouta dans un tube de plomb un compte-rendu de la découverte du 17 avril 1972, une photocopie de l’acte de décès et l’inventaire de la tombe signé. Plus tard, cette propriété appartint à l’écrivain et philosophe Jacques Cazotte, guillotiné en 1792.

Les Taittinger sont une famille de négociants en vin de Champagne, installée dans la région parisienne après avoir quitté la Lorraine en 1870, pour rester français, après la guerre franco-prussienne de 1870 et le traité de Francfort. En 1932, Pierre TAITTINGER (1887-1965) acquit auprès de la maison de champagne « Forest-Fourneaux », le château de la Marquetterie, près d’Épernay. Figure de la droite nationaliste, il dirigea les Jeunesses patriotes dans l’entre-deux-guerres. Entre 1919 et 1940, il fut député de Charente-Inférieure puis de la Seine. Il fut également maire de Saint-Georges-des-Coteaux (17) entre 1919 et 1937. Soutien du régime de Vichy après l’armistice de 1940, il exerça sous l’Occupation la fonction de président du conseil municipal de Paris en 1943-1944 et contribua à ce titre à éviter la destruction de la capitale française par l’armée allemande. Inéligible à la suite de la Libération, il redevint maire de Saint-Georges-des-Coteaux en 1953 et fut réélu jusqu’à sa mort. Il repose dans le caveau familial du cimetière du Nord de Reims (51) (canton 38).

Signalons au passage que la famille (dont les parents) de Pierre Taittinger repose au cimetière d’Issy-les-Moulineaux (92).

Pierre Taittinger eut huit enfants, parmi lesquels :

- Guy (1918-1978) : président de la société du Louvre et des Grands Magasins du Louvre, après le décès de son père, il créa en 1970 l’enseigne Concorde Hôtels & Resorts, qui rassemble les hôtels de prestige (Crillon, Lutetia, le Martinez à Cannes...). La grande réalisation hôtelière de Guy Taittinger fut le Concorde Lafayette, premier hôtel de 1000 chambres dans la capitale. Proche de Jacques Chirac, il contribua à la création du RPR en 1976. Il repose dans le caveau familial du cimetière du Nord de Reims (51).
- Michel (1920-1940) : élève de l’École polytechnique mort pour la France le 15 juin 1940. J’ignore où il fut inhumé [3].
-  François (1921-1960), mort prématurément dans un accident de voiture. Il repose dans le caveau familial du cimetière du Nord de Reims (51).
- Jean (1923-2012) : député UNR-UDR de 1958 à 1973, maire de Reims de 1959 à 1977, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances chargé du Budget (1971-1973), puis Garde des Sceaux (1973-1974) de Georges Pompidou, il repose au cimetière d’Epalinges - Suisse.
- Pierre-Christian (1926-2009) ; maire du 16e arrondissement de Paris (de 1989 à 2008) et sénateur (de 1968 à 1995). Il repose au cimetière parisien de Passy (75).
- Claude (1927-2022) : père de Brigitte qui a été président-directeur général des parfums Annick Goutal jusqu’en décembre 2012 et qui a épousé Jean-Pierre Jouyet en 2006. Il repose dans le caveau de son frère Pierre-Christian au cimetière de Passy.
- Colette, née en 1928 et toujours vivante ; mère de Christophe de Margerie, qui fut président de Total de 2010 à 2014.

De 1945 à 1960, la maison fut dirigée par François Taittinger, son troisième fils, en collaboration avec ses deux frères Jean et Claude. Sous la direction de celui-ci, la Maison Taittinger s’établit dans les caves de l’abbaye Saint-Nicaise, bâtie au XIIIe siècle sur des crayères gallo-romaines. Après la mort accidentelle de François en 1960 et l’engagement politique croissant de Jean dès le début de la Cinquième République, la maison fut dirigée de 1960 à 2005 par Claude Taittinger, qui permit à la maison de se développer et contribua à en faire une des grandes maisons de renom de Champagne.


ABELÉ - 1757



Né à Lille, Théodore VANDERVEKEN (1725-1799) s’installa à Reims au milieu du XVIIIe siècle. Il fonda en 1757 une maison de champagne à son nom. Tout porte à croire qu’il fut inhumé dans ce cimetière malgré l’absence de registres. A sa mort, son fils Remi-Marie (1766-1841) reprit la succession mais, sans enfant, celle-ci passa, en raison du mariage de sa sœur, dans la famille Ruinart.

Antoine de MULLER (1788-1859), qui épousa en 1821 Elisabeth Ruinart de Brimont, reprit les rennes de la désormais maison Muller-Vanderveken. Il prit pour associé en 1837 son neveu et gendre, François ABELÉ (1811-1876) : l’association ne dura pas et François Abelé créa sa propre maison à Ludes (51) : Abelé de Muller.

Il eut un fils, Henri ABELÉ (1852-1923), qui reprit l’entreprise à la mort de son père. Il innova à son tour. Soucieux du bien-être de ses équipes, il adopta un tout nouveau système de dégorgement dit « à la glace » ; une technique de refroidissement qui permet d’extraire efficacement les dépôts présents dans les flacons, tout en soulageant le travail en cave. Il racheta également l’entreprise maternelle Muller. L’entreprise Abelé connut d’énormes destructions et pillages durant la Première Guerre mondiale. La maison cessa d’être familiale en 1939.

- Remi-Marie Vanderveken repose dans le canton 2 de ce cimetière.
- Antoine de Muller repose dans le canton 7 de ce cimetière
- François et Henri Abelé reposent dans le canton 7 de ce cimetière.
Je ne possède aucune photo de ces tombes de famille.


LANSON - 1760



En 1760, François Delamotte créa la maison de Champagne Delamotte à Reims, l’une des plus anciennes de l’histoire. François Delamotte s’associa par la suite à son fils aîné Alexandre pour créer Delamotte Père & Fils. Lors de la dissolution de l’Ordre de Malte, à la suite de la conquête de l’île de Malte par Bonaparte, en 1798, le fils cadet de François Delamotte, Nicolas Louis DELAMOTTE (1768-1833), rentra de l’île, où il servait comme Chevalier de l’Ordre de Malte. Il s’établit à Reims et rejoignit la maison paternelle. Nicolas-Louis Delamotte succéda à son père et adopta la Croix de Malte comme emblème commercial.

Jean-Baptiste LANSON (1777-1858), ami de longue date puis associé des Delamotte depuis 1828, prit progressivement un rôle déterminant dans la conduite de la maison. Après un pacte conclu entre les deux familles, il succéda à Nicolas-Louis Delamotte lorsque ce dernier décéda et rebaptisa la maison J-B Lanson et Cie. La même année en 1837, deux des fils de Jean-Baptiste Lanson, Victor-Marie (1808-1893) et Henri (1809-1891) [4], entrèrent dans l’affaire familiale. En 1900, La Reine Victoria décerna à Lanson le prestigieux mandat de fournisseur officiel de la cour d’Angleterre, le Royal Warrant, distinction que Lanson a toujours conservée depuis.

De 1919 à 1967, lorsque fut entreprise la reconstruction de Reims, Henri-Marie Lanson reçut l’aide de ses fils Victor et Henri pour relever la maison Lanson Père et Fils de ses ruines, reconstituer un outil de production durement éprouvé par quatre années de guerre et conquérir une nouvelle clientèle. Alors que dans le même temps certains grands négociants se défaussaient en vendant quelques-uns de leurs meilleurs vignobles, la maison agrandit le sien en achetant plusieurs prestigieux vignobles.

Tous reposent dans des tombes différentes du canton 2 du cimetière.


VEUVE CLICQUOT - 1772


La Veuve CLICQUOT (Barbe Nicole Ponsardin : 1777-1866) fut la première femme à diriger une maison de Champagne. Avec son époux, elle parcourut les coteaux champenois. Ensemble, ils firent le tour de tous les domaines de champagne. A la mort prématurée de ce dernier, elle reprit la maison de champagne créée en 1772. Elle décida alors de s’opposer à la vente des vignes et de prendre les rênes de l’établissement, malgré les objections de sa belle famille. Avec son chef de cave, elle inventa le procédé de « la table de remuage », permettant d’obtenir des « vins plus clairs, nets et limpides ». Avisée, malgré les guerres napoléoniennes, elle envoya ses correspondants à travers toute l’Europe ; ces derniers voyageant sous pavillon américain, afin d’éviter le blocus anglais. Son champagne s’imposa dans toutes les cours, notamment celle du tsar Alexandre Ier.

Dans sa chapelle reposent également :
- Nicolas PONSARDIN (1747-1820), son père, qui fut choisi en juin 1775 pour complimenter Louis XVI lors de sa venue à Reims pour son sacre. Principale fortune de Reims, il fut députés du Tiers en 1789 et devint membre du Club des Jacobins. Maire de Reims de 1810 à 1820, il fut gratifié par Napoléon du titre baron, titre plus tard confirmé par Louis XVIII. Il fut encore député de Reims, pendant les Cent-Jours, en 1815.
- François CLICQUOT (1774-1805), son époux mort très jeune. Il transforma le négoce de laines légué par son père en négoce de vins et de champagnes, qui fut repris par sa veuve.
- Clémentine Clicquot (1799-1863), leur unique fille [5]
- Louis-Marie-Joseph, comte de CHEVIGNÉ (1793-1876), époux de cette dernière, auteur du livre Les Contes rémois qui connurent un très grand succès et firent connaître la ville.

Leur chapelle familiale se trouve dans le canton 2 du cimetière.


Louis ROEDERER - 1776


En 1776 fut fondée à Reims la Maison de champagne Dubois Père & Fils. En 1833, Louis ROEDERER (1809-1870), cousin éloigné du comte Roederer, hérita du domaine et lui donna son nom. A contre-courant des usages de son époque, il décida d’acheter des parcelles de vignes pour assurer la constance et la qualité des approvisionnements.

A sa mort, son fils Louis II (1845-1890) reprit l’entreprise. Député de la Marne de 1877 à 1878, il développa la promotion de son champagne, particulièrement en Russie, qui constitua le tiers de sa clientèle. En 1876, à la demande du tsar Alexandre, il créa pour la consommation exclusive des Tsars la cuvée Cristal, première « cuvée de prestige » de l’histoire. Le Tsar Nicolas II rendit hommage à la Maison en lui décernant le titre de « Fournisseur officiel de la Cour de Sa Majesté l’Empereur », ce qui lui donna le droit de faire figurer les armoiries du tsar sur les bouteilles, qui y figurent toujours aujourd’hui. il mourut célibataire en 1880, à l’âge de 34 ans, et c’est sa sœur Léonie (1839-1887) qui reprit les rênes de la maison de Champagne. Elle épousa Jacques OLRY (1833-1901), député conservateur de l’Eure de 11889 à 1893, qui prit la suite de la direction à la mort de son épouse et qui la confia à son fils, Léon OLRY-ROEDERER (1869-1932), qui écarta son frère aîné Victor (1860-1903). Lorsqu’il décéda, la Maison était au bord de la faillite, victime de la Première Guerre mondiale, de la Révolution russe qui ferma le premier marché de la Maison, de la prohibition aux États-Unis en 1922 puis de la crise de 1929. Deux mois avant sa mort, il avait épousé Camille MILPIED (1892-1975), 23 ans plus jeune que lui !

C’est elle qui reprit alors la direction de la maison de champagne, poste qu’elle conserva jusqu’à sa mort, évinçant son beau-frère, Paul Mure, qu’elle jugeait trop dépensier, ainsi que l’ensemble des membres du conseil, puis constitua une nouvelle équipe : la maison Roederer continua malgré une rupture généalogique nette !

Ce sont ensuite ses descendants, qu’elle avait eu d’une première union, qui conservèrent la direction jusqu’à aujourd’hui (les Rouzaud).

Bilan taphophilique maintenant :
- Louis I et Louis II reposent dans la chapelle familiale du cimetière du Nord de Reims (canton 25).
- Léonie mourut dans l’Eure, au château de Souvilly (Bémécourt) que la famille possédait : j’ignore où elle fut inhumée.
- Jacques Olry son époux fut inhumé au Père Lachaise, en bordure de la 69ème division. C’est dans ce caveau de famille que le rejoignirent ses fils Victor et Léon Olry-Roedener [6].
- Camille Olry Ordener mourut à Biarritz : j’ignore où elle fut inhumée.


HEIDSIECK - 1785


Florens-Louis HEIDSIECK (1749-1828), originaire de Westphalie, fut le fondateur en 1785 de la Maison de négoce de draps et de vins de Champagne Heidsieck & Cie. N’hésitant pas à parcourir l’Europe, il rencontra même en Lorraine la reine Marie-Antoinette pour lui faire découvrir « une pinte » de son meilleur vin. Il accompagna Napoléon Ier en Russie en 1811, transportant des caisses de champagne pour célébrer son éventuelle victoire.

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Son fils Henri Louis étant décédé à l’âge de cinq ans, son affaire fut dirigée à sa mort (1828) par trois de ses neveux : Heinrich Ludwig WALBAUM (1780-1869 [7]), Frédéric-Auguste Delius et Christian Heidsieck. C’est Ferdinand Walbaum père qui fut désigné comme seul et unique héritier testamentaire de Florens Louis Heidsieck son grand oncle. Des dissensions familiales aboutirent en 1834 à la dissolution de la société originelle « Heidsieck & Co » : c’est ainsi qu’apparurent d’autres marques familiales avec des durées de vie plus ou moins longues : Walbaum-Heidsieck, Heidsieck Monopole, Charles Heidseick, Charles Heidseick Henriot, Piper-Heidsieck.

Effectivement, À la mort de Florens-Louis Heidsieck, en 1828, Christian HEIDSIECK (1793-1835), son neveu, s’associa avec Henri-Guillaume PIPER (1802-1870), un homme doué d’un prodigieux sens du commerce, qui épousa la veuve de Christian Heidsieck. Des princes de Habsbourg aux empereurs de Chine, quatorze cours royales ou impériales lui accordèrent alors le privilège de « fournisseur patenté ». À travers le monde, toute la bonne société désirait « le vin de Piper, élaboré par Heidsieck ». En 1835, Christian Heidsieck mourut et, en 1838, sa femme se remaria avec Henri-Guillaume Piper. Le nom Piper-Heidsieck était né.

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Au 1er plan : tombe de Christian Heidsieck (+1835), au second, Charles-Henri Heidsieck (+1824) et son épouse Emilie Henriot.

Signalons encore Charles HEIDSIECK (1822-1893), neveu de Christian, qui commença sa carrière au sein de la Maison Piper-Heidsieck. Fort de cette première expérience, il fonda sa propre Maison de Champagne portant son nom, Charles Heidsieck, en 1851. Il est connu pour avoir popularisé le champagne aux États-Unis, où il était surnommé « Champagne Charlie » [8]. Soucieux de la qualité de ses vins, il adopta une stratégie différente de la plupart de ses concurrents. Au lieu d’acquérir des vignobles, Charles eut l’idée d’investir dans des crayères, anciennes carrières gallo-romaines situées sous la colline Saint-Nicaise de Reims et aujourd’hui inscrite au registre du patrimoine mondial de l’Unesco, qui selon lui, offraient les conditions idéales pour le vieillissement des vins. Il acheta les vins aux meilleurs vignerons lors des meilleures années, lui permettant ainsi d’obtenir un champagne d’une très grande qualité. Ces crayères sont encore aujourd’hui utilisée pour vieillir les bouteilles de champagne de la Maison Charles Heidsieck. Il mourut en léguant à son fils, Charles Marie Eugène (1855-1930) une affaire florissante, qui resta dans la famille jusqu’en 1976. S’il fut bien inhumé au cimetière du Nord de Reims, sa tombe, canton 3, fut détruite lors de la Première Guerre mondiale.

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Publicité par Alfons Mucha.

À la mort d’Henri-Guillaume Piper, en 1870, Jacques-Charles Théodore Kunkelmann, associé depuis 1851, prit les rênes de la Maison. En 1892, son fils, Ferdinand-Théodore, lui succéda. Sa fille Yolande épousa en 1926 le marquis Jean de Suarez d’Aulan. Pionnier de l’aviation, il assura la promotion de la Maison en parcourant le monde aux commandes de son propre appareil.

Tous les protagonistes de l’épopée Heidsieck, mentionnés en gras dans mon paragraphe, reposent au cimetière du Nord de Reims.

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Sépulture Heidsieck - Walbaum

DELBECK - 1832



Le Champagne Delbeck est une Maison de Champagne fondée en 1832 par Félix-Désiré DELBECK (1799-1878). En 1838, la maison « Delbeck et Cie » devint « le fournisseur exclusif breveté » de la Cour de France. Dans l’histoire de la Champagne, elle est la seule maison à avoir reçu l’autorisation de porter le « privilège royal » symbolisé par les trois fleurs de lys sur ses étiquettes.

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Publicité par Leonetto Cappiello.

Bien que né à Laon, il n’était pas totalement hors-sol : il avait épousé la baronne Balsamie Barrachin, petite fille du baron Ponsardin et nièce et filleule de la célèbre Veuve-Cliquot-Ponsardin (voir généalogie). Cette alliance l’amena naturellement à s’intéresser aux vins de champagnes. En 1832, il liquida ses affaires et acquit des vignobles sur la Montagne de Reims et sur la côte des Blancs. Grâce aux talents de son maître de chais, il commença à produire des vins superbes qui acquirent une belle renommée. Fournisseur de la plupart des Cours d’Europe (notamment d’Autriche-Hongrie, d’Espagne, de Belgique), elle devient, au fil des ans, une des gloires de la Champagne et fut, plus tard, l’invitée privilégiée des dîners hollywoodiens de la Belle Époque.

Lui et son épouse furent inhumés dans la chapelle familiale au cimetière du Nord (canton 7).


POMMERY - 1836



L’histoire du champagne Pommery remonte à 1836, lors de la création, à Reims, de la maison de négoce Dubois-Gossart. Un an plus tard, M. Gossart laisse sa place à Joseph-Narcisse GRENO (1810-1892), voyageur-négociant de l’entreprise, pour créer la maison Dubois & Greno. En 1839, M. Dubois décède et André Wibert lui succède. Greno et Wibert créent la société en nom collectif Wibert & Greno, ayant comme activité le commerce de vins fins de Champagne. Narcisse Greno repose au cimetière de Landouzy-la-Ville (02).

En 1856, Alexandre Louis POMMERY (1811-1858), négociant en laine, procéda à une totale reconversion de son activité en reprenant pour 60.000 francs la part d’André Wibert qui se retira des affaires. La Société Pommery & Greno, dont l’objet social était le négoce et la production de champagne, était née. C’est en 1858 à la mort d’Alexandre Louis que Madame Louise POMMERY (1819-1890), mariée à 20 ans, prit le contrôle intégral de l’entreprise. Elle fut assistée par Greno jusqu’en 1860. Elle étendit la production jusqu’à environ deux millions de bouteilles par an et fit de la maison Pommery l’une des plus grandes marques de champagne. Progressivement, la société acheta d’autres parcelles jusqu’à constituer un domaine de 65 hectares. La construction du domaine Pommery s’étendit de 1869 jusque dans les années 1910. En 1866, la marque fut renommée Veuve Pommery & fils en raison de l’entrée de son fils, Louis Pommery, dans la société. Elle inventa le champagne brut afin de l’exporter en Russie et dans les pays baltes. Elle en fit aussi importer aux États-Unis et en Angleterre. Amatrice et collectionneuse d’art, elle fut propriétaire des Glaneuses, de Jean-François Millet, qu’elle légua par la suite au Louvre.

Alexandre Louis et Louise Pommery reposent dans le caveau de famille du cimetière du Nord (canton 7).

Après le décès de Madame veuve Pommery en 1890, son fils Louis [9], l’associé Henry Vasnier [10] et sa fille Louise, marquise de Polignac [11], reprirent le flambeau. En 1907, les deux administrateurs de la société, Louis Pommery et Henry Vasnier, décédèrent. Melchior de Polignac [12], le petit-fils de Veuve Pommery, prit leur succession. Après la Grande Semaine d’aviation de la Champagne, en 1909, premier meeting aérien du monde, il eut l’idée de créer la Coupe Pommery, une compétition d’aviation, afin de faire de la publicité à la marque. Louis Pommery [13] (1907-1978), fils de Louis (+1907), fut administrateur de la Maison Pommery, puis, de 1947à 1956, vice-président et directeur général de la Société. La famille de Polignac a continué à diriger l’entreprise jusqu’en 1979.


KRUG - 1843



Johann-Joseph KRUG (1800-1866), originaire de Mayence, entra au service de la maison de champagne Jacquesson & fils à Châlons-sur-Marne. Très rapidement, il y devint directeur faisant fonction. Après avoir été pendant sept ans directeur pour Adolphe Jacquesson, il épousa en février 1841 l’anglaise Anne Emma Jaunay. En 1843, Johann-Joseph Krug migra vers Reims et commença à produire du champagne à son compte, fondant officiellement la Maison Krug & Cie. Au début, ils firent commerce de champagne et autres vins de la région champenoise. C’est seulement deux ans plus tard qu’ils débutèrent avec la production de leurs propres vins mousseux.

Après un court intérim par sa mère, Paul (1842-1910), leur fils unique, prit la tête de la société. C’est au cours de sa direction que les bâtiments de la rue Coquebert furent construits en 1874. Aujourd’hui encore, le siège de la Maison Krug s’y trouve. Sous la direction de Paul, la société se développa pour devenir une référence de qualité parmi les maisons de champagne. Parmi les principales techniques utilisées, on trouve la vinification sous bois dans des petits fûts de 205 litres fabriqués avec du chêne de la forêt d’Argonne. Âgés en moyenne de trente-cinq ans, les tonneaux sont entretenus par les tonneliers de la maison et réutilisés d’une année sur l’autre.

À la mort de Paul, son fils Joseph (1869-1967) lui succéda. C’est son épouse, Jeanne, qui dirigea la maison lors de la captivité de Joseph durant la Première Guerre mondiale. C’est dans les années 1920 que furent créées les cuvées Vintage 1926 et 1928, considérées comme faisant partie des meilleurs champagnes.

Au milieu des années 1930, Paul (1912-1997), fils de Joseph, commença sa carrière au sein de la maison familiale et en prit la tête de 1959 à 1977.

En 1962, Henri (1937-2013), fils de Paul, rejoignit également l’entreprise, trois ans après son frère Rémi. Leur arrivée donna naissance à une série d’innovations, notamment l’extension de leurs gammes.

La maison appartient depuis 1999 au groupe de luxe LVMH.

Pratique pour le taphophile : ils reposent tous dans la même sépulture du cimetière (canton 25).


Tombes Ruinart, Greno et Oudart : Wikipedia.


[1J’ignore où il fut inhumé.

[2J’ignore où ils reposent.

[3Est-il à Saint-Parres-aux-Tertres (10) où il tomba où dans un cimetière parisien ?

[4Il repose dans le canton 12 de ce cimetière.

[5Sa petite-fille, Anne de Rochechouart de Mortemart, mariée à Emmanuel de Crussol, duc d’Uzès, devint la célèbre Duchesse d’Uzès, première française à obtenir le permis de conduire.

[6J’ai cherché, entre 1887 et 1910, si Léonie avait rejoint ce caveau mais on ne trouve pas de trace de son arrivée sur les registres.

[7Inhumé canton 25.

[8En 1989, Hugh Grant interpréta le rôle de Charles Heidsieck dans le film « Champagne Charlie » d’Allan Eastman, une production de télévision franco-canadienne retraçant l’épopée du fondateur et la création de la Maison Charles Heidsieck.

[9Mort à Cannes en 1907, j’ignore où il repose.

[11Elle repose au cimetière de Guidel (56).

[12Il repose au cimetière de Guidel (56).

[13Il repose au cimetière de Chigny-les-Roses (51).


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