Familles Kriegel - Becker
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Deux personnalités viennent de décéder (août 2023), liées par des ponts généalogiques, et ont été inhumées dans deux caveaux distincts du cimetière Montparnasse : occasion pour moi de rétablir une petite généalogie marquée par les sciences humaines et le communisme.
Maurice KRIEGEL-VALRIMONT [1] (1914-2006) était issu d’une famille juive ayant fui la double monarchie austro-hongroise pour l’Alsace alors allemande. Militant à la CGT et aux Jeunesses communistes en 1936, il s’engagea dans la lutte antifasciste. Il prit une part active dans l’organisation des Mouvements unis de la Résistance (MUR) et en 1942, Raymond Aubrac lui proposa d’organiser la branche militaire du mouvement Libération en zone sud. Au printemps 1944, avec Pierre Villon et Jean de Vogüé, il fut l’un des trois dirigeants du comité d’action militaire (COMAC) créé par le Conseil national de la Résistance (CNR). C’est à ce titre qu’à la fin du conflit, il reçut le 25 août 1944, avec Henri Rol-Tanguy et le général Leclerc la reddition du général von Choltitz, chef de la garnison allemande de Paris. En 1945, il fut membre de l’Assemblée consultative, et dirigea Action, grand hebdomadaire politique dans lequel on retrouve les signatures de Claude Roy, Vercors ou Roger Vailland. Il fut un des rouages essentiels de l’application du programme du Conseil national de la Résistance, notamment pour la fondation de la Sécurité sociale. Elu député de Meurthe-et-Moselle en 1946, vice-président de la Haute Cour de justice (1946) qui jugeait les dirigeants collaborationnistes ; Maurice Thorez lui proposa alors de devenir un élu du PCF. Kriegel-Valrimont accepta la proposition, intégra le comité central en 1947, et resta donc député communiste de Meurthe-et-Moselle jusqu’en 1958. Après 1956 néanmoins, ses relations avec le parti resté stalinien furent conflictuelles.
A sa mort, il fut inhumé en bordure de la 10ème division du cimetière Montparnasse.
Sa fille Blandine, philosophe et historienne toujours parmi nous, épousa le journaliste et historien Alexandre ADLER (1950-2023), qui travailla pendant dix ans à Libération (1982-1992), puis à Courrier international, dont il fut le rédacteur en chef puis le directeur éditorial (1992-2002). Connu pour sa grande érudition et sa connaissance des relations internationales, il a aussi collaboré au Monde, au Figaro, au Point, à France Culture… Il fut lauréat du Prix du livre politique, en 2003, pour son best-seller sorti l’année précédente, J’ai vu finir le monde ancien, sur les conséquences des attentats du 11-Septembre. Il repose pour l’instant dans un caveau provisoire de la 18ème division du cimetière mais sera à terme transféré dans le caveau de son beau-père.
Maurice avait un frère, Arthur KRIEGEL (1923-2011), militant communiste également, qui s’engagea fin 1944 dans la 1re Armée française sous les ordres du général de Lattre de Tassigny. Devenu après la guerre un célèbre rhumatologue, il fonda la revue Clarté avec Jacques Hartmann et Annie Besse, qu’il épousa quelques années plus tard. Il resta un militant communiste actif jusqu’à l’insurrection de Budapest en 1956. À la suite de cet évènement, il s’éloigna progressivement du Parti qu’il quitta en 1957. Il épousa en seconde noce Annie BECKER-KRIEGEL (1926-1995), militante communiste et historienne qui changea progressivement d’orientation politique après les évènements de 1956. Devenue ensuite éditorialiste au Figaro, elle porta un regard de plus en plus critique sur le passé du communisme français.
Annie était la sœur de l’historien contemporanéiste Jean-Jacques BECKER (1928-2023), qui fut un des spécialistes de la Première Guerre mondiale et du mouvement ouvrier. Il enseigna dans le secondaire, puis dans le supérieur, en particulier à l’université de Paris X - Nanterre où il fut l’un de mes enseignants. Il fut le père de l’historienne Annette Becker.
Arthur, Annie et Jean-Jacques Becker reposent dans un même tombeau au sein de la 25ème division du cimetière Montparnasse.
[1] Il aurait voulu par dérision prendre comme nom de guerre Warlimont, par analogie au général de la Wehrmacht qui s’appelait ainsi, mais une erreur de graphie lui valut de passer dans l’histoire sous le nom de Valrimont.
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