Les Delsarte : une famille d’artistes

jeudi 3 novembre 2022
par  Philippe Landru

Un des plus grand plaisir de la taphophilie : prendre une personnalité (en l’occurrence le sculpteur Maxime Réal del Sarte), retrouver l’ensemble de son environnement familial composé d’autres personnalités, puis mener l’enquête pour débusquer le plus exhaustivement possible les dernières demeures de chacun !

Une immersion dans cette bourgeoisie artistique parisienne, catholique, mystique, royaliste et réactionnaire.


Les Andrien


Les Andrien étaient une famille d’artistes : nous entamerons l’arbre avec Martin-Joseph, dit la Neuville (1766-1822). Originaire de Liège, il fut le premier bassiste de l’Opéra de Paris de 1785 à 1804, puis chef de chœur à l’Opéra. Il fut également compositeur. Il avait cinq frères et sœurs, dont beaucoup étaient musiciens. Les deux autres frères de Martin-Joseph, Arnold-Michel Andrien dit Adrien l’Ainé (1756-1814) et Jacques-François-Ferdinand Andrien (1760-1830) furent également impliqués dans le monde musical parisien. Ils composèrent de la musique pour le gouvernement révolutionnaire à Paris. J’ignore où tous ces artistes furent inhumés.

Avec son épouse, la baronne Gabrielle-Constance de Philippy de Bucelly d’Estrées, Martin-Joseph eut deux filles :

- Atala Thérèse ANDRIEN (1814-1865) fut pianiste et pédagogue. Elle étudia la musique au Conservatoire, devint accompagnatrice et, de 1831 à 1838, enseigna comme professeur au Conservatoire. En 1838, elle fut la première femme soliste jamais admise à l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire. On trouve sa trace en 1865 dans les registres d’inhumation du cimetière des Batignolles, mais elle y est précisée avoir été transférée au cimetière du Nord, c’est-à-dire le cimetière Montmartre. Malheureusement, aucune trace de son arrivée sur les registres de Montmartre... Mystère donc. Elle avait épousé le ténor Pierre- François WARTEL (1806-1882). Ce dernier avait été l’élève de Fromental Halévy, de David Banderali et d’Adolphe Nourrit. De 1831 à 1846, il joua de petits rôles de ténor à l’Opéra de Paris, où il créa le rôle de Francesco dans Benvenuto Celini de Berlioz et des rôles dans des opéras de Donizetti. Il fit progresser l’appréciation des lieder de Schubert en France en les interprétant fréquemment dans ses récitals, puis se consacra après 1842 à l’enseignement, étant considéré comme l’un des meilleurs professeurs de l’époque (Christine Nilsson fut l’une de ses élèves). J’ignore totalement où il fut inhumé : on ne trouve aucune trace de lui dans les registres parisiens. Né à Versailles, c’est peut-être là-bas qu’il faudrait rechercher son hypothétique tombe.

Avec Thérèse Andrien, il eut un fils : Emile WARTEL (1834-1907). Également chanteur, il effectua l’essentiel de sa carrière au Théâtre-Lyrique à Paris de 1858 à 1868, y chantant de nombreux rôles de barytons. Il fonda en 1879 une école de chant.
Il fut inhumé au cimetière parisien du Montparnasse, d’abord dans un caveau provisoire puis en bordure de la 21ème division. En 1992, ses restes furent relevés et menés à l’ossuaire du Père Lachaise.

- Rosine-Charlotte ANDRIEN (1817-1891), qui épousa François Delsarte (qui suit), et qui repose avec lui dans le caveau familial de la 9ème division du cimetière Montmartre.


Les Geraldy


Nous partirons d’Antoine GERALDY (1766-1836), originaire de Rodez (12), qui fut commissaire à la guerre sous Napoléon. Il fut inhumé en 1836 au Père Lachaise, mais le 20 mars 1847 fut transféré au cimetière Montparnasse, en 1ère ligne de l’allée transversale, dans le caveau de famille de son gendre Adorne de Tscharner [1].

Parmi ses six enfants, deux retiendront notre attention :

- Flora GERALDY (1802-1849), peintre portraitiste et miniaturiste connue sous son nom d’épouse (Reynard) et qui exposa au Salon. Elle fut inhumé en novembre 1849 dans un caveau temporaire de la 11ème division du cimetière Montparnasse, puis transféré le 4 février 1855 dans un autre tombeau de la 10ème division de ce même cimetière [2].

- Jean-Antoine Just GERALDY (1808-1869) : après ses études à l’Ecole des mines de Saint-Etienne, il fut nommé ingénieur civil en 1827. Après la Révolution de 1830, il se consacra à la musique, étudia le chant avec Manuel Garcia. Il se produisit dans les salons et en concerts et se concentre sur l’enseignement. Il fut nommé professeur de chant au Conservatoire de Bruxelles en 1837. Il composa également. Il fit réaliser son propre caveau dans la 6ème division du même cimetière Montmartre.

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Le caveau Geraldy de la 6ème division, ou repose Just et sa fille Thérèse parmi d’autres descendants.

- Son fils Louis-Paul Lucien GERALDY (1844-1926), également peintre. Il épousa Marie-Anne Delsarte (qui suit), mais ne repose pas avec elle : tandis qu’il repose avec son père dans la 6ème division, son épouse repose dans le caveau familial Delsarte dans la 9ème division du cimetière Montmartre.

Avec lui repose en revanche une fille qu’il eut avec Marie-Anne Delsarte : la peintre Thérèse GERALDY (1884-1965) [3]. Elève à l’Académie Julian à Paris dans les ateliers de Marcel Baschet et d’Henri Royer, ainsi que de sa tante Magdeleine Réal del Sarte (voir plus loin), elle se spécialisa dans le portrait. Elle exposa au Salon de la société des artistes français.

On trouve sur le net un éventuel lien entre cette banche Geraldy et le poète Paul Geraldy (et par voie de conséquence son épouse, la cantatrice Germaine Lubin). Si cette parenté est tout-à-fait possible, les liens généalogiques que proposent le net sont totalement fantaisistes. Dans l’état actuel des recherches, il m’est impossible d’aller plus loin.


Les Delsarte


On lit parfois que cette famille serait apparenté -voire descendrait- du peintre florentin Andrea del Sarto (on ne prête qu’aux riches !). Je serai curieux de voir une généalogie étayée et raisonnée qui les relieraient ! On remonte en revanche l’ascendance de cette famille jusqu’au XVIIe siècle dans le Nord, à Solesmes. On constate que la graphie varie beaucoup : Delsarte, Del Sarte, Delesart, Delsart...

Le docteur Jean-Nicolas Joseph Delsarte eut parmi ses enfants Jean-Nicolas Toussaint, qui suit, et une fille, Marie-Thérèse Sophie, qui épousa Jean-Baptiste Réal. Nous aurons l’occasion d’en reparler car de cette première union entre les deux familles descend Désiré Louis Réal, qui épousa sa cousine Madeleine Delsarte.

Nous entamerons notre étude par les deux enfants de Jean-Nicolas Toussaint Delsarte, décédé en 1846 à Solesmes [4] :
- Aimée, la benjamine (1815-1861) épousa Adolphe Adam Bizet : ils furent les parents du compositeur Georges Bizet, qui repose bien évidemment au Père Lachaise.
- François Alexandre Nicolas Chéri DELSARTE (1811-1871), l’aîné, est le pivot de cette étude généalogique. C’est par lui que sont reliées les trois familles présentées dans cet article. Élève au Conservatoire de Paris, puis ténor à l’Opéra-Comique, il composa plusieurs mélodies et romances, et publia Les Archives du chant, compilations de pièces vocales du VIIIe siècle au XVIIIe siècle arrangées pour piano, qui eurent une grande notoriété jusqu’au début du XXe siècle. Il perdit rapidement sa voix, ce qui l’obligea à une rééducation basée sur ses observations, qui déboucha sur une pédagogie expérimentale et un travail vocal, oratoire et gestuel précis. Ses enseignements jouèrent un rôle déterminant dans l’émergence de la danse moderne, et sont plus généralement considérés comme l’une des sources de la modernité des arts du spectacle vivant. Sa renommée finit par être internationale. Cela est en partie dû à sa notoriété posthume aux États-Unis, où son « disciple » le dramaturge américain Steele MacKaye (1842-1894) rapporta ses idées et où se développa dans les dernières décennies du XIXe siècle une véritable « Delsartemania », donnant naissance à un mouvement important dans l’histoire de la culture américaine, le delsartisme. Le travail de Delsarte inspira des danseurs, telle Isadora Duncan.

On l’a vu, il avait épousé Rosine Andrien (voir plus haut) avec laquelle il eut de nombreux enfants. C’est pour l’un d’entre eux, mort jeune, que fut édifié le caveau qui allait devenir familial dans la 9ème division du cimetière Montmartre. Le caveau d’origine a aujourd’hui disparu, remplacer par une dalle contemporaine on ne peut plus discrète, sur laquelle n’apparait que son nom.

De la descendance du couple, nous nous focaliserons sur trois enfants :
- Gustave Adrien DELSARTE (1836-1879) qui dirigea un chœur de quatre voix de chansons médiévales mais qui fut également compositeur. Il repose dans le caveau de son père, dans la 9ème division du cimetière Montmartre.
- Marie-Anne Elisabeth DELSARTE (1848-1918), qui épousa le peintre Louis-Paul Geraldy (voir plus haut). Elle fut peintre et enseigna le dessin. Elle aussi repose dans le caveau paternel.
- Marie-Madeleine-Blanche-Geneviève DELSARTE (1853-1927). Ses parents la destinaient comme eux à la musique, mais elle préféra la peinture et le dessin et devint peintre, pastelliste et aquarelliste. Elle intégra en 1874 l’Académie Julian où elle fut élève de Gustave Boulanger, Tony Robert-Fleury et Jules Lefebvre. En 1877, elle exposa pour la première fois au Salon. Elle devint professeur à l’Académie Julian dès 1880 et eut comme élèves sa fille Geneviève Bouts Réal del Sarte et sa nièce, Thérèse Geraldy (voir plus haut). En 1892, après un différend avec la sculptrice Hélène Bertaux, sa présidente et fondatrice, elle quitta l’Union des femmes peintres et sculpteurs et créa avec Amélie Valentino et Marguerite Souley-Darqué la Société des femmes artistes. Elle épousa Désiré Louis RÉAL (1852-1909), officier mais également sculpteur, qui était en outre son cousin. C’est par ce mariage que furent combinés les deux patronymes RÉAL et DELSARTE pour devenir Réal del Sarte. Marie-Madeleine et son époux ne reposent pas ensemble : elle fut inhumée dans le caveau paternel de la 9ème division du cimetière Montmartre tandis que lui le fut dans le caveau de sa famille maternelle, les Desse, dans la 30ème division du Père Lachaise.


Les Réal del Sarte


Nous nous limiterons dans cette présentation à la première génération à porter officiellement ce patronyme, à savoir les enfants de Désiré et Marie-Madeleine Réal del Sarte.

- Maxime RÉAL del SARTE

- Yves RÉAL del SARTE (1891-1979) : compositeur, il est surtout connu pour son activité politique. Secrétaire général de la Ligue d’Action française de 1929 à 1930, il avait rejoint l’organisation des Camelots du Roi dès sa fondation. En 1929, il composa un Hymne à Jeanne d’Arc. Comme son frère Maxime, il repose au cimetière Aïcé Errota de Saint-Jean-de-Luz (64), mais dans un autre tombeau, celui de la famille de son épouse Gaigneron Jollinon de Marolles.
- Serge RÉAL del SARTE (1892-1917) : étudiant aux Beaux-Arts, camelot du roi comme ses frères, et héros de la Première Guerre mondiale. Il mourut en 1917 des suites de ses blessures pendant la Première Guerre mondiale. Il repose au cimetière civil de Soissons (02).
- André RÉAL del SARTE (1893-1965) : camelot du roi comme ses frères, il fut peintre. Il repose dans la 29ème division du cimetière Montmartre à Paris.
- Geneviève RÉAL del SARTE (1896-1974), peintre également, qui survécut à tous ses frères. Elle décéda en 1974 à Clichy (92) et j’ignore où elle repose.

Il est à noter que plusieurs descendants contemporains de cette fratrie se sont distingués dans les arts picturaux.


[1J’ignore pour l’instant si ce tombeau s’y trouve encore.

[23ème ligne sud, 7 par l’Est. J’ignore pour l’instant si ce tombeau existe encore.

[3Il est néanmoins intéressant de constater qu’un autre enfant du couple, René Félix Geraldy (1886-1918), repose avec sa mère dans le caveau Delsarte.

[4Peut-être que son tombeau s’y trouve encore !


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