Les Jaurès : des amiraux... et Jean !
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Jaurès !... Jean bien entendu, mais il ne fut pas le seul de la famille a avoir un destin national. Paradoxalement -ou peut-être justement- , ces natifs du Tarn, département n’ayant aucun littoral maritime, firent quasiment tous leur carrière dans la Marine !
Focus sur une famille de combattants...
l’amiral Charles JAURÈS (1808-1870), qui après avoir pris part à l’expédition d’Alger en 1830, avait embarqué sur le Louxor chargé d’amener en France l’obélisque offert au roi par le Pacha d’Égypte Méhémet Ali (et qui se dresse désormais sur la place de la Concorde). Il participa aux opérations sur les côtes de Chine pour réprimer la révolte des Taiping, en particulier à l’attaque de Shanghai en janvier 1855. Il repose de manière totalement anonyme dans le tombeau de Félix de Beaujour [1] au Père Lachaise, une colonne creuse de 22m en forme de phare, qui se trouve au point le plus haut du cimetière, en fait le point culminant de cette nécropole ! Edifiée par l’architecte François-Alexis Cendrier, représentant une lanterne des morts, elle comporte en sous-sol une crypte circulaire et un oratoire.
Benjamin JAURÈS (1823-1889), frère cadet du précédent et grand- cousin de Jean Jaurès qui l’appelait affectueusement « mon oncle » en raison de leur différence d’âge. En effet, Benjamin Jaurès avait 36 ans quand Jean Jaurès est né. Il entra dans la marine en 1839 et participa aux opérations à Tahiti et aux îles Marquises. Il prit part ensuite à la guerre de Crimée (notamment au siège de Sébastopol), aux expéditions de Chine, de Cochinchine. Lorsque survint, en 1870, la guerre avec la Prusse, Jaurès fut appelé à un commandement dans l’escadre de la mer du Nord ; mais l’expédition maritime qu’on projetait n’ayant point eu lieu, il fut chargé de fortifier Carentan. Il dut débarquer en septembre 1870, car il fut appelé par Léon Gambetta, et nommé général de division d’armée de Terre, où il s’illustra. Il fut appelé pour renforcer l’armée de la Loire. Après la signature de la paix, il déposa son commandement et reçut, en 1871, le grade de contre-amiral, en récompense de ses brillants services pendant la guerre. Élu député du Tarn en 1871, député à l’Assemblée nationale, Jaurès, qui appartenait à l’opinion républicaine modérée, siégea au centre gauche, auquel il s’associa pour appuyer de ses votes la politique de Thiers. Il devint sénateur en 1876, Vice-amiral en 1878, ambassadeur de France à Madrid de décembre (1878-1882), puis à Saint-Pétersbourg jusqu’en 1883. En février 1889, il fut nommé ministre de la marine mais mourut subitement à ce poste moins d’un mois après.
Il repose au cimetière de Notre-Dame-des-Vignes à Graulhet (81).
Jean JAURÈS (1859-1914) : docteur en philosophie, Jean Jaurès fut élu député du Tarn de centre gauche en 1885. La grève des mineurs de Carmaux en 1892 le marqua profondément : il découvrit alors la lutte des classes et acquit la conviction que la révolution était inéluctable. Il fonda dès lors un journal, La petite République, dans lequel il défendit le socialisme républicain. Il prit la défense de Dreyfus, faisant paraître les preuves de son innocence. Farouche partisan de l’unité socialiste, il fut l’un des principaux artisans de la fusion des différentes sensibilités de gauche au sein de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) et du journal L’Humanité qu’il fonda en 1904. Dans le même esprit, il milita pour un dialogue entre les partis et les syndicats. Anticolonialiste, pacifiste, il s’insurgea contre l’entrée en guerre de la France en 1914. C’est la raison pour laquelle il fut assassiné par Raoul Villain, un nationaliste, en plein cœur de Paris.
Figure morale de la Gauche française, son talent d’orateur et la force de ses convictions continuent de frapper les mémoires.
Inhumé au cimetière des Planques à Albi (Tarn), il fut transféré au Panthéon de Paris en 1924.
- Tombeau de Jean jaurès de 1914 à 1924
Le vice amiral Louis JAURÈS (1860-1937), frère cadet du précédent. Après avoir participé, en 1888, aux essais du premier sous-marin français, le Gymnote, il fut envoyé en 1903 au cap Juby pour sauver les marins de la Frasquita — le yacht de Jacques Lebaudy — abandonnés en Afrique par l’industriel Jacques Lebaudy (devenu fou, il s’était proclamé « Empereur du Sahara » sous le nom de Jacques Ier, puis avait abandonné ces cinq marins qui se retrouvèrent captifs dans une forteresse). Il réussit sa mission : les marins furent libérés, sains et saufs. Promu capitaine de vaisseau, il devint en 1910 commandant du cuirassé Liberté. Il fut mis en cause en 1911 lorsque le Liberté fut détruit par une explosion accidentelle en rade de Toulon, violemment attaqué par la presse de droite. Il fut acquitté à l’unanimité par le Conseil de guerre. Pendant la Première Guerre mondiale, il fut préfet maritime de Cherbourg. Vice-amiral, il se lance dans la politique et fut élu député républicain-socialiste de Paris de 1924 à 1928.
Il repose au cimetière Saint-Roch de Castres, dans un tombeau orné d’un bas-relief par Georges Crouzat. Il est à noter que sa mère - et donc celle de Jean Jaurès - repose dans ce caveau. On n’y trouve cependant pas mention du père.
Louis JAURÈS (1898-1918) : fils cadet de Jean Jaurès, il s’engagea un an après l’assassinat de son père volontairement dans l’armée française au 7e régiment de dragons, à dix-sept ans, durant la Première Guerre mondiale. Il rejoignit les rangs de l’armée « pour défendre la patrie en danger... Quand on a l’honneur d’être le fils de Jean Jaurès, on doit donner l’exemple », écrivait-il. Il fut finalement tué à Pernant sur le plateau de Chaudun dans l’Aisne le 3 juin 1918 en faisant face à une patrouille allemande pour couvrir la retraite de ses compagnons. Ni son corps, ni sa plaque militaire n’ont jamais été retrouvés. Il est tout de même déclaré « mort pour la France », figure au tableau d’honneur de la Grande Guerre sous le prénom de Paul, et une stèle (surmontée du buste de Jean Jaurès) est inaugurée le 15 novembre 1936 à Chaudun avec un discours de Léon Blum.
[1] l’épouse de l’amiral Jaurès, Louise Pierrugues de Beaujour, était une parente de Félix de Beaujour.
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