Les BUGATTI : la méprise du Père Lachaise
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Il existe des erreurs colportées sur les cimetières qui deviennent pénibles tant elles survivent malgré les démentis. Ecrire aujourd’hui qu’Ettore Bugatti repose au Père Lachaise relève de la bêtise la plus obstinée !
En réalité, tous les Bugatti connus reposent dans le même cimetière, à Dorlisheim, en Alsace. Il ne devrait donc a priori pas avoir de problème.
Dans le caveau de famille reposent effectivement :
Ettore BUGATTI (1881-1947) : industriel et inventeur italien, naturalisé français peu de temps avant sa mort, pionnier de l’automobile, il fut le fondateur de l’industrie automobile de luxe et de compétition avec les automobiles Bugatti. C’est parce qu’il s’associa avec le fabricant De Dietrich qu’il s’installa en Alsace. Il mourut d’épuisement des suites d’une congestion cérébrale après avoir déposé 1 000 brevets et fabriqué en 37 ans près de 7 500 voitures de grand luxe et de course toutes entrées dans la légende et devenues des objets cultes de riches collectionneurs.
son père, l’architecte et décorateur Carlo BUGATTI (1856-1940), qui fabriqua du mobilier et des pièces d’orfèvrerie. Il s’installa en France dans le sillage de son fils et fut même maire de Pierrefonds, dans l’Oise.
son fils, Jean BUGATTI (1909-1939), qui était appelé à prendre la suite de son père. Il fit preuve de talents d’ingénieur en mécanique et contribua à la modernisation des voitures produites par son père qu’il stimula : moteurs à culasse à double arbre à cames en tête, châssis surbaissé, freins hydrauliques ... Il se tua dramatiquement au cours de l’essai d’une 57 C à l’âge de 30 ans.
son frère, le sculpteur Rembrandt BUGATTI (1884-1916), qui se spécialisa dans la sculpture animalière : c’est à lui que l’on doit celle de l’éléphant dressé qui au cours des années vingt figura sur la calandre du célèbre modèle Royale de son frère Ettore. A partir de 1910, influencées par le cubisme, les statuettes de Rembrandt perdirent leurs formes naturelles et devinrent plus géométriques, avec des angles plus vifs. Dépressif, miné par des problèmes d’argent et traumatisé par la guerre, il mit fin à ses jours.
Dès lors, d’où vient la confusion ?
Elle provient de deux tombeaux du Père Lachaise :
le premier, situé dans la 97ème division, se présente sobrement sous la forme d’une simple stèle entourée de 12 poteaux. Il s’agit en réalité d’une concession qu’Ettore avait acheté au Père Lachaise et où Rembrandt, puis lui, reposèrent bien, mais d’où ils furent transférés plus tard à Dorlisheim. Cette très grande concession fait dire d’ailleurs aux petits guidaillons qui ne manquent pas dans le cimetière, prêt à raconter n’importe quoi de sensationnel, qu’Ettore y repose bien installé dans l’une de ses voitures ! On ne prête qu’aux riches, c’est bien connu...
La seconde, dans la 35ème division, est encore plus l’objet de méprise : le tombeau est surmonté d’une massive statue de Rembrandt Bugatti (oeuvre signée) ; en réalité une copie du portrait de Samuel White Stockton. La présence de cette oeuvre fait ainsi dire à certains qu’il s’agit du tombeau de Rembrandt, voire d’Ettore ! Il s’agit en réalité de la tombe du chirurgien Philippe Dahhan (1934-2012), collectionneur d’art.
Merci à Michel Schreiber pour les photos de Dorlisheim.
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