Les Sarraut, où comment se jouer des cimetières...
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Lors de ma rapide incursion dans l’Aude en août 2012, j’avais prévu de rendre visite à l’ensemble de la famille Sarraut, se partageant entre Carcassonne (cimetière Saint-Vincent) et le cimetière de Bram. Les sources étaient sûres : Omer et Maurice à Carcassonne, Albert à Bram...
La quête allait finalement s’avérer plus compliquée que cela...
A l’origine de la dynastie, le journaliste républicain et anticlérical Omer SARRAUT (1844-1887), qui fut de mars à septembre 1887 un éphémère maire de Carcassonne. L’édile donna non seulement son nom à un boulevard de la ville, mais ses obsèques donnèrent lieu à l’érection, au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne, à un monument « don de la ville et de ses concitoyens ». On y trouve un médaillon en bronze le représentant par Paul Ducuing.
Dès le départ, les sources se contredisent : le guide fait par la ville le situe dans la tombe familiale. En réalité, il semble bien qu’il repose sous ce monument.
Omer eut trois enfants :
Maurice SARRAUT (1869-1943) : figure politique majeure de son époque, il dirigea dans les années 30 le journal La Dépêche de Toulouse à la forte audience. Membre du Parti radical-socialiste dont il fut président en 1926-1927, il fut sénateur de l’Aude de 1913 à 1932, date à laquelle il démissionna pour devenir propriétaire de La Dépêche. Il soutint son frère Albert dans sa carrière politique et exerça une grande influence dans le Sud-ouest. En juin 1940, il soutint Pétain, mais à partir de 1943, il prit ses distances avec Pierre Laval, en particulier sur la question de la création de la Milice. Cette même année, il est assassiné par des miliciens.
Il repose au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne, dans son caveau de famille orné d’un bas-relief en bronze par Auguste Maillard (daté de 1930). Dans cette même tombe repose sa mère, la veuve d’Omer (qui précède).
Albert SARRAUT (1872-1962) : figure politique de premier plan, il exerça une longue carrière ministérielle : il fut plus de quinze fois ministre entre 1906 et 1940, dont deux fois président du Conseil, en 1933 et en 1936. Auparavant, il avait été de 1911 à 1914, puis de 1917 à 1919, gouverneur général de l’Indochine [1] Député, puis sénateur radical-socialiste de 1902 à 1945, il fut enfin président de l’Assemblée de l’Union française en 1951 ! Seule la fonction de président de la République lui échappa !
Sa fiche Wikipedia l’indique au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne, où il ne semble pas être. La source de cette erreur est sans nul doute le guide des cimetières de Carcassonne, qui l’y indique.
Les autres sources l’indique au cimetière de Bram, à commencer par les guides de Bertrand Beyern. Hélas, à moins d’une inattention de ma part, ce qui est évidemment possible, je ne l’ai pas trouvé (malgré un repérage systématique des tombes, ce qui n’est pas rien, le cimetière étant grand).
Seule trace du patronyme (et encore !) : de part et d’autre d’un conifère, deux tombes semblables. Celle de gauche est totalement anonyme.
Celle de droite porte pour unique inscription « Omer Sarrault : 1902-1969 » : il s’agit du fils d’Albert [2]. Il fut l’époux de Colette Andrieux du Tertre, qui repose dans ce même cimetière mais dans une tombe séparée (Omer s’était remarié après la mort de cette dernière). Sa tombe porte l’épitaphe : « Colette Andrieux du Tertre : 1908-1996 / Médaillé de la Résistance française 1940-1945 / Maman bien aîmée des filles d’Omer Sarrault ». Ils eurent plusieurs enfants, dont la réalisatrice Marion Sarraut, qui repose au cimetière des Batignolles à Paris.
Plusieurs hypothèses, qui ne se valent pas toutes :
Albert Sarraut est bien inhumé à Bram, et sa tombe m’a échappé
il est inhumé près de cet « Omer » (peu probable : pourquoi une tombe anonyme ?)
Il fut inhumé à Bram mais fut transféré ensuite ailleurs (où ? Saint-Vincent de Carcassonne ne semble pas l’avoir reçu).
Jeanne Sarraut (1876-1963) : sœur des deux précédents, elle épousa l’avocat et chansonnier Osmin NOGUÉ (1865-1942). Ils reposent dans une tombe de famille, ornée d’une tête de jeune fille en albâtre non signée, au cimetière Saint-Vincent de Carcassonne.
[1] Pour l’anecdote de la minuscule histoire, il fut à ce titre le parrain de... ma grand-mère, née à Saïgon en janvier 1917, mon arrière-grand père appartenant à la gendarmerie coloniale ! Il lui offrit une timbale et une cuillère à bouillie en argent qui sont encore en ma possession !
[2] Sur cette tombe, Sarraut devient « sarrault », avec un L.
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