BAGNEUX (92) : cimetière parisien 1/5 : présentation générale - commentaires, compléments, questions
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Naguère, le cimetière parisien de Bagneux faisait l’objet d’un article unique, mais l’immensité du lieu et le nombre croissant de personnalités qui s’y font inhumer m’a obligé à le saucissonner en 5 et de créer une rubrique pour lui seul car je ne pouvais plus gérer le script de l’article !
En cas de recherche, il vous faudra désormais couvrir les 5 articles qui se décomposent ainsi :
1/5 : présentation générale du cimetière. Si vous avez des compléments d’infos, merci de les poster sur cet article sur lequel j’ai laissé tous les commentaires concernant le cimetière quand il faisait l’objet d’un article unique (sauf si vous connaissez la division, en auquel cas vous pourrez l’indiquer dans la tranche concernée).
2/5 : divisions 1 à 30
3/5 : division 31 à 60
4/5 : division 61 à 90
5/5 : division 91 à 115
Ouvert en 1886 sur un lieu qui avait été le terrain de terribles combats pendant la Commune, le cimetière de Bagneux est le troisième plus grand cimetière de l’agglomération parisienne (après Pantin et Thiais). Malgré son éloignement, il est l’un des cimetières de la capitale où l’on se fait le plus inhumer. Il est souvent considéré comme le cimetière d’élection de la communauté israélite de Paris : ce caractère est à relativiser (il y a aussi beaucoup de tombes israélites à Pantin). En revanche, même si ce n’est pas une réalité absolue, on remarque que les Ashkénazes sont plus nombreux à Bagneux là où les Sépharades l’emportent à Pantin. De manière générale, si les populations chrétiennes et athées poursuivent leur évolution vers des crémations de plus en plus nombreuses là où encore beaucoup de populations juives y rechignent, il sera normal de voir augmenter la proportion de tombes israélites dans les cimetières parisiens.
Le cimetière de Bagneux est l’un de ces géants extra-muros qui déconcertent et découragent les moins motivés des taphophiles. Beaucoup d’éléments jouent contre lui :
Sa taille tout d’abord : 61 hectares sur 115 divisions, soit quasiment une fois et demi le Père-Lachaise ! Inutile de dire que les talons ne sont pas recommandés ! C’est d’autant plus vrai que même si le cimetière est très bien entretenu, l’intérieur des divisions est très boueux en cas d’humidité.
Son cadre : une surface plane en ondulation, monotone à la longue, donnant sur un site d’immeubles et de tours. Bref, un paysage de banlieue comme il y en a tant ailleurs, mais qui participe à la monotonie du lieu (à l’inverse, le cimetière offre aux résidents de ces immeubles un vaste lieu de verdure). Sa faible fréquentation compte tenu de sa taille peut rendre sa visite mélancolique.
Son éloignement : à moins d’habiter au sud de la ligne 13, c’est toujours un périple que d’y aller. En bout de ligne, il vous faudra encore marcher 5 minutes avant de joindre la porte la plus proche.
Les célébrités qui y reposent n’ont pas, pendant longtemps, été très médiatiques ! Beaucoup de « seconds couteaux » y résident (en cela, il nous intéresse). Pourtant, les choses changent : l’inhumation de Barbara, puis celles de Jacqueline Maillan, Claude Piéplu, et plus près de nous de Claude Berri, tendent à démarginaliser Bagneux. En outre, beaucoup de gens ne viennent pas au cimetière de Bagneux pour le visiter, mais pour aller voir une personnalité en particulier (c’est le cas de Barbara, mais aussi de Francis Carco, de Stéphane Sirkis…). A noter l’existence près de l’entrée d’un grand plan du cimetière indiquant les « principales célébrités » du lieu. Outre le fait qu’il n’a pas été réactualisé depuis très longtemps, il contient un très grand nombre d’erreurs (en particulier sur l’orthographe de l’identité des occupants, rendant la liste totalement inopérante). Heureusement, une mise à jour énergique a été faite en avril 2011.
Malgré ces préventions, Bagneux a également quelques atouts pour lui :
Sa végétation : les autorités ont veillé à couvrir ce cimetière d’un très grand nombre d’arbres d’essences différentes dont les noms ont été donnés aux avenues. Ces allées interminables sont donc ombragées en été. En outre, chaque division est « camouflée » par des rangées d’arbustes.
Son calme : on est évidemment loin ici des troupeaux du Père-Lachaise. En hiver, vous pouvez être amené à arpenter les 115 divisions sans jamais rencontrer une seule personne ! L’été, les chants d’oiseaux sont agréables. Les écureuils y sont nombreux.
La diversité des divisions : c’est là une des caractéristiques essentielles de Bagneux. Si les divisions du fond, plus récemment peuplées, sont généralement uniformes et sans grand intérêt, les divisions à Bagneux ne se ressemblent pas : peu de points communs entre les plus vieilles parcelles, proches de l’entrée principale, dotées de monuments vénérables et non exemptes de statues, médaillons et œuvres d’art ; les divisions militaires et leur alignement impeccable de croix similaires ; les divisions déshéritées, où de nombreuses reprises ont été faites et où quelques tombeaux très usés sont entourés de tas de terre ; et enfin les étonnantes divisions israélites, caractérisées par d’immenses et souvent impeccables tombeaux collectifs [1], égrenant des centaines de noms, parfois tous accompagnés de photographies. L’étude des prénoms d’origine ashkénaze est passionnante. Les ravages causés par la guerre sont ici évidents.
Il est intéressant de noter que ce type de tombeaux n’existe quasiment pas dans les divisions juives des cimetières intra-muros.
Sociologiquement, Bagneux est intéressant pour le regard qu’il porte vers des populations essentiellement modestes. Là où le Père-Lachaise, Montparnasse ou Passy sont des vitrines de la bourgeoisie parisienne, Bagneux est une fenêtre sur les coutumes funéraires plus populaires. Ici, tout est plus humble, des monuments au renom des célébrités. Quasiment aucune chapelle comme on en trouve intra-muros. En revanche, beaucoup plus de photographies, de petits témoignages, de « fauvettes et autres rossignols ». Dès le début du XIXe siècle, on pose devant l’objectif : Monsieur, Madame, le bébé, la famille, le chien… Mobilier funéraire « prêt-à-porter » à bas coût, épitaphes rappelant un attachement associatif, politique… Présence d’une culture ouvrière, naissance d’une culture de banlieue. Pour les plus récents, c’est le souvenir des maisons de retraite ayant toujours de jolis nom d’oiseaux même quand ce sont des mouroirs, ou du club de boules, de l’association de philatélie, QRZ de cibiste… A Bagneux, on est à la fois moins dans la discrétion et moins dans le tape-à-l’œil.
Les célébrités : peu de pointures donc, mais un bel aréopage de célébrités d’hier, bien oubliées de nos jours, que le taphophile se fait un plaisir de faire remonter à la surface. Quelques figures bien singulières également, tel l’inventeur du neman ou celui du scoubidou ! Surtout, et il faut en être conscient avant de lire cet article, Bagneux reste encore en grande partie une terra incognita. Régulièrement, l’un de nous débusque au hasard des tombes une célébrité mineure qui s’ajoute à la liste. Mais ceux que l’on a dissimulent tous ceux que l’on a pas. Bagneux, cimetière des relégués, ceux qui n’avaient pas assez de fortune, de relations ; qui n’avaient pas été assez prévoyants. Acteurs de troisième rang des années 30, écrivains dont on ne se souvient même plus d’une ligne, chanteuses oubliées des cabarets… En cela, ce cimetière est passionnant. En outre, on ne doit pas oublier qu’il présente, bien plus que le Père-Lachaise ou Montparnasse, l’avenir des cimetières urbains en France. Peut-être que dans un siècle et demi, on ira le visiter par charters tant le nombre de célébrités majeures aura gonflé. Dès lors, ceux qui y résident aujourd’hui et dont cet article se propose de présenter les plus connus, formeront la genèse de la nécropole.
Ils étaient à Bagneux !...
L’extraordinaire photographe Eugène ATGET (1857- 1927), dont les innombrables clichés de la capitale nous permettent d’avoir un témoignage d’un Paris disparu. Inhumé à Bagneux, sa tombe semble avoir disparu.
C’est également à Bagneux que fut inhumé l’anarchiste Jules BONNOT (1876-1912), qui durant quelques mois, entre 1911 et 1912, fit la Une des journaux à la tête de sa célèbre « bande », cambriolant et tuant à plusieurs reprises.
Comme l’indique les documents qui suivent (extraits du Petit journal), et qui proviennent de l’excellent blog consacré à la peine capitale « La veuve » (que vous pouvez trouver ici), il fut inhumé avec son complice Dubois dans la 21ème rangée de la 42ème division, à l’époque fosse destinée aux inhumations provisoires.
Aujourd’hui, la physionomie du lieu a bien changé et les fosses ont disparu. La 21ème rangée correspond à la bordure de la division.
Marguerite PIERRY (Marguerite Peter : 1887-1963) : son allure sèche et autoritaire lui autorisa une carrière riche, des années 30 aux années 60, en rôles de femme du monde, de petite-bourgeoise ou de concierge, tant au théâtre au qu’au cinéma. Actrice fétiche des réalisateurs de farces et de vaudevilles, elle trouva ses meilleurs rôles grâce à Sacha Guitry. Elle reposait avec son compagnon, le comédien Marcel SIMON (Jules Simon : 1872-1958), ami de Feydeau, et second rôle de 1908 à 1949. Leur tombe se trouvait dans la 74ème division, mais elle a été reprise depuis.
Plusieurs personnalités inhumées à Bagneux reposent désormais ailleurs. Ce fut le cas :
- de l’écrivain Oscar WILDE (1854-1900), transféré en 1909 au Père-Lachaise.
- du peintre Henri ROUSSEAU (1844-1910), le célèbre « Douanier Rousseau », qui fut transféré en 1947 au jardin de la Perrine de Laval, en Mayenne.
- de la peintre et modèle Jeanne HEBUTERNE (1898-1920), compagne de Modigliani, qui se défenestra. Elle rejoignit ce dernier au Père-Lachaise en 1930.
Pour les plus pressés, accros aux vedettes !
Dans les quatre articles suivants, je présente le plus exhaustivement possible les personnalités inhumées dans chaque division. Pour ceux qui ne s’intéressent « qu’aux plus connues » (c’est-à-dire celles qui ne sont pas encore totalement oubliés par tous !), je dresse la liste suivante en indiquant les divisions.
Jean-Christophe AVERTY [division 84]
Robert BADINTER
BARBARA [division 4]
Claude BERRI [division 23]
Christian BLACHAS [division 92]
Marcel BLEUSTEIN-BLANCHET [division 4]
Frida BOCCARA [division 63]
Lucienne BOYER [division 21]
Billy BRIDGE [division 53]
Francis CARCO [division 44]
Anne-Marie CARRIERE [division 23]
Emmanuel COLOMBIER [division 113]
Marcel DALIO [division 106]
famille DARTY [division 47]
Louis DELLUC [division 5]
Charles DENNER [division 107]
Michel EMER [division 68]
Jean EUSTACHE [division 94]
Bernard FRANK [division 115]
Jean GIRAULT [division 77]
Alain GORAGUER [division 62]
Marthe HANAU [division 31]
Albert JACQUARD [division 35]
Alfred JARRY [division 23]
Jules LAFORGUE [division 8]
Rose LAURENS [division 106]
Paul LEDERMAN [division 56]
Bernard LENTERIC [division 71]
Corinne LUCHAIRE [division 48]
Jacqueline MAILLAN [division 68]
Ginette MATHIOT [division 109]
Marcel MAUSS [division 45]
Jean PAULHAN [division 73]
Joseph MEISTER [division 41]
Claude PIÉPLU [division 84]
Jules RIMET [division 25]
J.-H. ROSNY Ainé [division 33]
Florent SCHMITT [division 54]
Stéphane SIRKIS [division 70]
Jean VIGO [division 29]
Ambroise VOLLARD [division 30]
Reposent également à Bagneux (divisions à confirmer) :
Le joueur de tennis franco-américain Benny BERTHET (Benjamin Berthet : 1910-1981), capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis dans les années 1950 et 1960.
Le poète René-Albert FLEURY (1877-1950) : est-il encore dans la 46ème division ?
Le socialiste Daniel MAYER (+1996) a donné son corps à la sciences. Il existe cependant une tombe de famille sur laquelle son identité est évoquée « pour mémoire ». Elle se trouve dans une division juive, derrière un grand tombeau « table de la loi » (pour mémoire, on peut la voir là, à00.52 -Orsay qui est indiqué est évidemment une erreur)
Le peintre et sculpteur Georges MESROPIAN (1925-1995).
La sculptrice Magdalena REINHAREZ (1925-2012).
A suivre
2/5 : divisions 1 à 30
3/5 : division 31 à 60
4/5 : division 61 à 90
5/5 : division 91 à 115
Si vous avez le moindre complément d’information (photo, numéro de division, célébrité ou monument non répertoriés...), n’hésitez pas à me le faire parvenir. Merci par avance.
Merci à Marie B., à Herbert et à Jean-Michel Albert pour le complément photographique.
Merci à Nicolas Badin pour la tombe des Zemour, à Louis Mallet pour la tombe Scharapan.
Merci à Ghislain Marry et à Herbert pour les localisations de tombes.
Merci à Milij Chwoles pour la photo de la tombe de son père.
Merci à Michel Schreiber pour les tombes Wall, Joffé et Seller.
Merci à cp pour les tombes Hamon, Smalto et Colombier
[1] Les carrés juifs des cimetières parisiens de Bagneux et de Pantin regroupent un grand nombre de tombeaux collectifs où sont enterrés les membres de « Sociétés ». Celles-ci peuvent être religieuses, athées, voire parfois politiques. Ils peuvent réunir des sociétaires originaires d’un même village (Europe de l’Est essentiellement). Il en existe également beaucoup de symboliques, les défunts ayant disparu lors de la Shoah.
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