PONT-L’ABBÉ (29) : cimetière
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A l’une des extrémités de la Cornouaille, le cimetière de Pont-l’Abbé offre l’absence de charme d’à peu près tous les cimetières bretons (enclos paroissiaux exclus évidemment), délocalisés tardivement de l’église. Celui-ci date de 1948 : il occupe une partie d’un ancien village gaulois ! Heureusement, si le lieu est totalement quelconque, les indices de « bretonnité » sont nombreux sur les tombes.
Curiosités
Certaines tombes du cimetière témoignent de l’immigration d’une vingtaine de familles d’Auvergnats originaires de la région d’Auriac, venus s’installer à Pont-L’Abbé, comme en témoignent les trois tombes voisines des frères Cardaliaguet, des sabotiers devenus des commerçants prospères.
Le cimetière contient une tombe de la famille Tallien de Cabarrus dans laquelle repose, l’arrière-petit-fils de la célèbre Madame Tallien (et donc le petit-neveu de Ferdinand de Lesseps). Il n’en fut pas moins... marchand de beurre !
- Une des rares chapelles ouvragées du cimetière
- Tombe de Sébastien Jartel
- La paroisse de Pont-l’Abbé a édifié ce monument au chanoine honoraire Sébastien Jartel, qui fut son recteur durant quarante-neuf ans, de 1829 à 1878. Durant ce long ministère sont réalisées quelques œuvres marquantes comme la création du nouveau cimetière et l’exécution des vitraux de la grande rosace et des verrières de l’église Notre-Dame-des-Carmes. Le gisant du chanoine Jartel le représente en vêtements sacerdotaux, la tête reposant sur un coussin et les pieds sur un lionceau. La dalle du sarcophage est soutenue par quatre anges portant ciboire, calice, huile sainte, étole, et disposés comme des cariatides aux quatre coins du tombeau.
- Tombe du barde J. Nicolas.
- Joseph Nicolas (1871-1917), membre du Gorsedd, assemblée des druides et bardes, repose sous une magnifique croix ouvragée réalisée par son ami, le sculpteur, graveur et céramiste René Quillivic, connu pour ses monuments aux morts. Elle porte la devise bigouden « Hep Ken », qui signifie « Pas mieux », et un poème du défunt.
Célébrités : les incontournables...
La « star » du cimetière est Marie Lambour, la dernière bigoudène à porter la coiffe tous les jours.
... mais aussi
Aucune très grande célébrité, mais plusieurs personnages étonnants au profil typiquement breton !
Le sonneur de bombarde Yann-Kaourintin AR GALL (Jean-Corentin Le Gall : 1945- 1995), qui fut un des fondateurs en 1971 du groupe de musique bretonne Sonerien Du.
Youenn DREZEN (Yves Le Drézen : 1899-1972) : journaliste et écrivain populaire de langue bretonne ; il fut aussi un militant du Parti national breton. Son œuvre féconde et variée mêle poèmes, romans, nouvelles et pièces de théâtre dont la grande particularité est d’avoir été entièrement écrite en breton. Certains romans ont fait l’objet d’une traduction (par son compatriote Pierre Jakez Hélias entre autres) et il fut l’un des meilleurs écrivains en breton. Ses parutions anti-françaises, antisémites et collaborationnistes durant la Guerre ternirent son parcours.
Marie de KERSTRAT (Marie de Grandsaignes d’Hauterive : 1841-1920). Étonnant personnage que cette aristocrate, petite-nièce de Mirabeau ! Elle fit d’abord construire quatre villas à Pont-l’Abbé dédiées à l’accueil des riches touristes, en particulier anglais, à partir de de 1882. Elle est ainsi parfois considérée comme l’inventrice du village de vacances. Comme hôtesse, elle devait imaginer des animations et des distractions : promenades sur terre et sur mer, soirées récréatives, jeux....En 1897, elle décida pour rembourser des dettes d’acheter un appareil cinématographique aux frères Lumière et de tenter l’aventure des spectacles au Canada. Avec son fils, elle fit des séances de projection itinérantes dans le Québec rural peuplé de paysans, de bûcherons et d’Amérindiens. Marie de Kerstrat tenait la caisse à l’entrée des salles, tandis que son fils improvisait des commentaires et des accompagnements au piano pour les très courts films muets projetés. À partir de 1901, ils étendirent leurs tournées vers les États-Unis en direction de New York et même à Saint-Louis (Missouri). Elle fut donc la première à exporter des spectacles cinématographiques au Canada et aux États-Unis (1897-1910), puis aux Bermudes, à Saint-Pierre-et-Miquelon, avant de revenir mourir en France !
Marie-Anne LE MINOR (1901-1984), une autre grande personnalité locale. Elle développa à partir de 1936 un artisanat d’habillage de poupées (certaines furent présentées à l’exposition universelle de Paris de 1937) et fut à l’origine de la création de la « Maison Le Minor » qui reste, encore aujourd’hui, l’une des entreprises les plus connues du savoir-faire bigouden dans le domaine de la broderie et de la dentelle. Plus de 400 modèles différents, représentant tous les costumes de Bretagne et beaucoup de ceux des autres régions de France, sortirent de cet atelier entre 1936 et 1980.
Gabriel PUIG de RITALONGI (Auguste-Louis-Paul Puig : 1867-1898), secrétaire de mairie à Pont l’Abbé, connu pour son ouvrage Les Bigoudens de Pont l’Abbé en 1894. Pour présenter cette oeuvre, je retranscris un article du Télégramme de 1996 : « Les Bigoudens de Pont l’Abbé publié en 1894 raconte la « légende des deux sonneurs » sans citer ses sources. Il était donc deux sonneurs... « Toujours on les rencontrait, sonnant la joie, sonnant le cidre, sonnant au point l’un d’en fêler sa bombarde, l’autre d’en crever son biniou ». Un jour ces deux sonneurs trop populaires, diabolisés par le clergé, sont embarqués par les gendarmes, échangés contre de vrais voleurs contre monnaie sonnante et trébuchante et pendus à leur place. Puig de Ritalongi évoque ensuite l’amorce du rite. « A cette époque, il régnait une fièvre maligne qui emportait tous ceux qui en étaient atteints.. On remarqua à quelque temps de là, que ceux qui avaient eu le courage de supporter l’odeur sui-generis qui se dégageait des deux pendus et allaient dire des prières pour le repos de leurs âmes furent guéris de la fièvre. Le bruit de ces guérisons se répandit et l’on vint de partout en pèlerinage invoquer ces deux pauvres sonneurs pendus bien innocemment. Lorsqu’ils furent à l’état de squelette, on les enterra dans un fossé du champ, au bas de la hauteur où s’élevaient les potences. Les pèlerins plantèrent de petites croix en bois sur ce mur et y laissèrent leurs chapelets et de menues pièces de monnaie... Et d’autres ont guéri, et d’autres encore guériront, car en vérité, ces sonneurs étaient innocents et là-haut ils sont saints... ». A la légende pieuse d’autrefois des « saints innocents » on invente aujourd’hui la légende de la résistance du petit peuple bigouden aux pouvoirs avec un certain orgueil. La légende appartient à tous. Puig de Ritalongi est le seul à l’avoir retranscrite à la fin du XIXème. Il cite une vieille complainte bretonne mais dont l’un des rares anciens à s’en souvenir ne connaît plus que deux couplets à l’époque".
Jacques QUENNIEC (1885-1956), qui fut député du Finistère de 1928 à 1932 et sénateur du Finistère de 1937 à 1945. Il siégea à droite, fut un opposant farouche au Front Populaire, et un éphémère maire de Pont-l’Abbé durant l’Occupation.
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