SÈVRES (92) : cimetière des Bruyères
par
En 1868, la commune acquiert des terrains situés à l’emplacement des rues Allard, Carl Vernet et Gévelot pour l’établissement d’un cimetière. A partir de 1871, les premières fosses sont creusées et en 1872, 250 inhumations y ont déjà été faites. Cependant, les habitants de Bellevue intentent un procès prétextant que les eaux de leurs sources vont être polluées. En 1872, l’arrêté autorisant l’installation du cimetière est annulé, les inhumations interrompues et les corps ramenés à l’ancien cimetière des Binelles. En 1876, le conseil municipal acquiert en plein bois un terrain de 37 7770 mètres carré : l’actuel cimetière. Les premières inhumations y eurent lieu en 1881.
C’est un cimetière assez grand, tout en longueur. Les chapelles y sont très minoritaires, hormis quelques unes, imposantes, à l’entrée. La vocation particulière de la ville (du fait de la présence de la manufacture) et sa vocation bourgeoise explique la présence d’un assez grand nombre de célébrités en ce lieu.
Mention spéciale pour l’amabilité de la conservatrice, qui n’a pas hésité à se déplacer avec nous dans le cimetière pour nous montrer les tombes les plus connues.
Curiosités
L’épouse et la fille de l’écrivain Alphonse Karr, tout comme la mère d’Ernest Renan, reposent dans ce cimetière.
On y trouve un grand nombre de tombeaux d’artistes liés à la manufacture de Sèvres.
Les œuvres d’art ne sont pas nombreuses :
- Le buste en bronze du docteur Pierre Lesseré (+1890), qui fut maire de Sèvres, a été réalisé par Forgeot. Le monument est de l’architecte Leteurtre.
- Celui du docteur Pierre Midrin (+1898), lui aussi maire de la commune et directeur de l’hôpital, fondu par Chartier.
- Celui, par Charles Desvergne, du docteur Henri Poirot-Delpech (+1908), maire de 1900 à sa mort.
- Un nouveau monument aux morts orné d’un bas-relief en grès émaillé par Marcel Derny, artiste sèvrien.
Les célébrités : les incontournables...
L’écrivain, comédien et auteur dramatique Albert Glatigny (1839-1873) avait été inhumé à Sèvres, mais ce cimetière ne possède pas son tombeau. Il en est de même pour le lithographe Rodolphe Bresdin (1822-1885), qui fut inhumé dans la fosse commune du cimetière.
... mais aussi
Le peintre Charles Alexis APOIL (1809-1864), le peintre Antoine BÉRANGER (1785-1867), et la peintre Suzanne Estelle BÉRANGER-APOIL (1825-1902), qui travaillèrent tous au sein de la manufacture de Sèvres, reposent sous une dalle moderne.
Pierre BERTAUX (1907-1986) : issu d’une famille
d’universitaires, il devint germaniste et spécialiste des questions allemandes. Professeur à la Sorbonne, il devint chef de cabinet de Jean Zay avant d’entrer dans la Résistance. Il organisa les premiers parachutages d’armes en zone sud en 1941 et passa deux ans dans les prisons de Vichy. Il fut fait Compagnon de la Libération. Commissaire de la République pour la région de Toulouse après la Libération, il fut préfet du Rhône, directeur général de la Sûreté puis sénateur du Soudan de 1953 à 1955 avant de revenir à l’Université. Il fonda en 1968 l’Institut allemand d’Asnières (Sorbonne nouvelle) qu’il dirigea jusqu’à sa mort. Quasiment en face de la tombe de Pierre Bertaux repose son épouse, Denise BERTAUX-SUPERVIELLE (1909-2005), qui était la fille du poète Jules Supervielle.
Le géographe Raoul BLANCHARD (1877-1965).
Isaac BOISSON (1868-1924) : statuaire et peintre, il fut directeur de l’école des Beaux-Arts et conservateur du musée de la ville du Havre. Un bas relief en bronze orne sa tombe.
Fernand BONNIER de la CHAPELLE (1922-1942) : ce jeune résistant est entré dans l’histoire pour avoir assassiner l’amiral Darlanà Alger. Il fut exécuté après un procès rapidement envoyé. Son geste eut des conséquences importantes, car il redéfinit les rapports de force en Afrique du Nord, l’autorité passant à Giraud, puis à De Gaulle. Les circonstances de l’assassinat sont connus, mais un mystère plane toujours quant à ses commanditaires (les noms de d’Astier de la Vigerie, de Giraud, du comte de Paris et de De Gaulle revenant sans cesse).
Le statuaire et médailleur Louis Maximilien BOURGEOIS (1839-1901). Le médaillon en bronze qui ornait sa tombe a disparu depuis longtemps.
Félix BRACQUEMOND (1833-1914) : peintre et graveur
impressionniste, il prit une part importante au renouveau de la gravure au XIXe siècle. Après avoir travaillé pour la manufacture de Sèvres, il devint directeur artistique de la firme Haviland à Paris. Ami de toute la génération impressionniste, il fut l’un des précurseurs du japonisme en France. Son nom n’est absolument pas indiqué sur la tombe sur lequel figure en revanche l’homme de lettres Pierre JUNDT (1901-1991).
Jules CHAMPFLEURY (1821-1889) : journaliste, critique
d’art, nouvelliste et romancier, il fut un grand défenseur des réalistes, Courbet en tête. Son œuvre, décrivant la petite bourgeoisie et la bohème, s’inscrivit d’ailleurs dans ce mouvement. Son plus grand succès littéraire fut Les Chats : histoire, mœurs, observations, anecdotes, publié en 1869. Amateur de faïence, il en devint un spécialiste au point de devenir conservateur du musée de Sèvres, ce qui explique sa présence dans ce cimetière dans un tombeau dont l’identité est à peine lisible.
Le docteur Jean COMANDON (1877-1970), qui inventa la microphotographie en
1908. Il fut aussi un des précurseurs dans l’utilisation du cinéma à but scientifique. Il l’utilisa en particulier à des fins éthologiques ou botaniques. Il put ainsi décomposer le mouvement de cellules animales en le filmant grâce à des caméras couplées à des microscopes. Il étudia également la croissance des végétaux.
L’auteur dramatique et nouvelliste Henri CONTI (1854-1902).
Eugénie COTTON (1881-1967) : physicienne et
militante féministe, proche du communisme, elle fut la première femme agrégée de physique. Directrice de l’école normale supérieure de Sèvres en 1936, elle fut destituée de son poste par le gouvernement de Vichy pour avoir apporté son aide aux antifascistes allemands. Féministe infatigable, elle fut à l’origine de la création de l’Union des femmes françaises, née des comités féminins de la Résistance. Son nom fut donné à de nombreux établissements scolaires.
Elle repose auprès de son époux, le physicien Aimé COTTON (1869-1951), membre de l’Académie des sciences, qui participa à la Première Guerre mondiale en mettant au point un système de détection de l’artillerie ennemie. Durant la Seconde Guerre mondiale, son engagement anti-fasciste lui valut d’être arrêté à deux reprises. Il s’est intéressé toute sa vie à la diffusion de l’espéranto, dans un souci de meilleure compréhension entre les hommes.
Le céramiste et décorateur Albert DAMMOUSE (1848-1926), qui donna ses lettres de noblesse à la manufacture de Sèvres. Son nom est quasiment illisible sur sa tombe.
L’architecte Athanase Louis DE PERRIN de BRICHAMBAUT (dates illisibles).
Jules-Henri DESFOURNEAUX (1877-
1951) : issu d’une lignée de bourreaux du centre de la France, il succéda à Anatole Deibler (dont il avait épousé la nièce) à la charge d’exécuteur en chef, poste qu’il occupa de 1939 à 1951. Parmi ses centaines de décapitation, ses « victimes » les plus célèbres furent Eugène Weidmann, la « faiseuse d’anges » Marie-Louise Giraud et le docteur Marcel Petiot. Durant la Seconde Guerre mondiale, il eut également à guillotiner des résistants et des communistes. Miné par l’alcoolisme, il fut inhumé avec sa famille dans un caveau aujourd’hui dans un état pitoyable (le trou béant laisse voir l’intérieur de la tombe). Des projets de rénovation semble envisageable selon la direction du cimetière.
la peintre Eléonore ESCALLIER (1827-1888), qui peignit essentiellement des fleurs et des fruits. Attachée à la manufacture de Sèvres, elle y exécuta de nombreuses pièces décorées qui sont maintenant conservées au musée de la manufacture comme des modèles d’élégance et d’habileté pratique. Son nom est très difficilement lisible sur son monument.
L’industriel Jules Isidore FAGARD, qui fonda en 1926 l’entreprise de stylos Jif Waterman, branche française de facto indépendante de la marque américaine créée par Lewis Edson Waterman. A partir de 1954, cette entreprise est la seule qui existe dans l’exploitation des fameux stylos Waterman.
Léon JOURNAULT (1827-1892) : maire de Sèvres à partir de 1870, il fut député de 1871 à 1879, puis de 1881 à 1885, puis sénateur de 1886 à 1892. Il siégea avec la Gauche républicaine. Avec lui repose son épouse, petite fille du pharmacien Charles Louis Cadet de Gassicourt.
François KOSCIUSKO-MORIZET (1940-2015), maire de la ville, et père la femme politique Isabelle Kosciusko-Morizet.
L’écrivain Maurice LIMAT (1914-2002), qui publia sous
différents pseudonymes, essentiellement aux éditions Fleuve noir, plus de cinq cents romans de science fiction, ainsi que quelques pièces.
La pédagogue Edmée MARC-HATINGUAIS (1896-1972) qui créa et anima de 1945 à 1966 le Centre International d’Etudes Pédagogiques de Sèvres. Elle repose sous une stèle au dos de laquelle figure une longue épitaphe en latin.
Le chef cuisinier Prosper MONTAGNÉ (1865-1948), auteur de nombreux ouvrages et articles sur l’alimentation, la cuisine et la gastronomie, en particulier le Larousse Gastronomique. Il travailla dans les plus grands établissements (Ledoyen, Grand Hôtel) avant de posséder son propre restaurant. Il fut inhumé dans ce cimetière mais sa tombe fut relevée.
Le général Gustave NIOX (1840-1921), qui fut gouverneur des Invalides, directeur du musée de l’Armée et historien militaire.
Fernand PELLOUTIER (1867-1901) : grande figure du
syndicalisme français, il fut attiré par le socialisme, puis par l’anarchisme tout en en dénonçant les méthodes terroristes. Secrétaire de la Fédération des Bourses du travail à partir de 1895, il s’évertua toute sa –courte- vie à en développer le nombre, considérant celles-ci comme des temples à la fois de solidarité (par les caisses de maladie, de chômage…) mais également d’éducation (développement des bibliothèques) du monde ouvrier. Sa tombe est une masse de granit ornée d’un bas-relief en bronze.
Denis-Désiré RIOCREUX (1791-1872) : dessinateur et peintre sur porcelaine, il fut le créateur et premier conservateur du musée de céramiques de Sèvres.
Marcel ROUFF (1877-1936) : écrivain et journaliste, il fut l’auteur avec son ami Curnonsky de La France gastronomique, vingt huit petits guides consacrés aux cuisines régionales et aux meilleurs tables. Il fut aussi l’auteur, en 1924, du célèbre roman de table et de gourmandise, La vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet.
Le général Marie Emile Adolphe TAUFFLIEB (1857-1938), qui réprima sévèrement les mutineries de 1917. Il fut sénateur du Bas-Rhin de 1920 à 1927.
Le chimiste Georges VOGT (1843-1909), qui travailla pour la manufacture de Sèvres et mis au point une pâte nouvelle qui en cuisant à plus basse température, permit une gamme de couleurs mieux fondues et plus étendues.
Merci à Christian Palud pour la photo Comandon
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