RIS-ORANGIS (91) : fondation Dranem
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En 1910, Armand Ménard, dit Dranem, achète le château de Ris pour y aménager une maison de retraite pour ses amis artistes. Celle-ci sera inaugurée en 1911 par le Président Armand Fallières. Il crée ainsi une association qui portera le nom de « Fondation Dranem » jusqu’en l’an 2000. Dans les sept hectares de son parc, où repose l’acteur, des arbres portent le nom de personnalités célèbres qui ont soutenu son projet.
Aujourd’hui rebaptisé "Château de Ris", la structure est toujours une maison de retraite classieuse pour personnes âgées, pas forcément issues du milieu du spectacle.
A l’entrée, un saisissant monument aux morts commémorant les artistes morts aux combats : il figure un Pierrot habillé en poilu et terrassé par une balle. Derrière figure une liste des victimes.
Derrière le château, une route monte vers un espace ruiné qui avait été aménagé pour être une scène de spectacle à ciel ouvert. En montant sur le côteau très boisé, un escalier permet d’aboutir sur un terre-plein : des bancs disposés en hemicycle donne sur la tombe de Dranem et de son épouse. Clairement, une mise en scène de cette tombe avait été conçue par son auteur, mais l’endroit est bucolique et propice à la rêverie (petit ruisseau, grotte en rocaille...).
DRANEM (Charles Armand Mesnard : 1869-1935) fut l’une des vedettes les plus populaires du café-concert, à l’époque où cette forme de sortie était le plus à la mode. Il choisit pour pseudonyme son propre nom dont il inversa les lettres (Menard = Dranem). Alors que sa carrière végétait en 1896, il s’acheta une petite veste étriquée, un pantalon trop large et trop court, jaune rayé de vert, d’énormes godasses sans lacets et un petit chapeau bizarre (qu’il baptisa plus tard Poupoute). Le soir même, il abandonna son costume de comique troupier et revêtit cet étrange accoutrement. Les joues et le nez maquillés de rouge, il entra en scène en courant, comme poursuivi. Il s’arrêta devant le trou du souffleur et chanta les yeux fermés, qu’il n’ouvrit que pour simuler la frayeur de débiter pareilles incongruités. Ce fut un triomphe. Le genre Dranem était né.
Son succès fut alors immédiat et ne se démentit pas jusqu’à sa tournée d’adieux, en 1919. Il fut encensé par la critique, mais également par les intellectuels qui ne le boudèrent pas (il fut en particulier adulé par André Breton, Raymond Queneau ou Paul Léotaud). Et pourtant quel répertoire ! Des scies très à la mode, et tout un tas de chansons stupides et scabreuses qui firent dire à Boris Vian que "La bêtise volontaire poussée à ce point confine au génie". Ses plus grands succès portent des titres mémorables : Les Petits pois, Le trou de mon quai, Pétronille tu sens la menthe... Il fut souvent imité, et on ne peut évidemment pas ne pas penser à Maurice Chevalier à ses débuts, et à Bourvil qui s’inspira de son personnage burlesque.
Durant la guerre, il se produisit dans les camps de soldats et dans les hôpitaux. Après 1919, il connut une carrière tout aussi appréciée dans l’opérette, puis au cinéma où il campa là encore des rôles burlesques.
Sa tombe est un monolithe semblable à un menhir surmonté de son buste par (ou d’après) Moreau-Vathier. Une plaque épitaphe précise : "Ne vous attristez pas de ma mort, vous que j’ai tant aimé faire rire". Selon ses dernières volontés, défense de le visiter sur son lit de mort et interdiction de suivre ses funérailles furent faites. A sa demande, il fut enterré dans le parc de la maison qu’il avait créé.
Il repose auprès de son épouse Suzette O’NEILL (1895-1967), qui fut actrice dans les films joués par Dranem.
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