LISBONNE (Portugal) : Panteão Nacional de l’église de Santa Engrácia
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Commencée au XVIe siècle cette église, en forme de croix grecque n’avait jamais été achevée. Elle a été couronnée d’un dôme et inaugurée seulement en 1966 ! D’où l’expression bien connue des Lisboètes : « comme les travaux de Santa Engrácia » pour désigner une entreprise qui n’en finit pas ! Elle est aujourd’hui le Panthéon national
Comme c’est le cas dans de nombreux pays, le Panthéon national de Lisbonne a pour but d’honorer et de perpétuer la mémoire des citoyens portugais qui se sont distingués pour leurs services rendus au pays, dans l’exercice de hautes fonctions publiques, dans le développement de la culture portugaise, dans la création littéraire, scientifique et artistique ou dans la promotion de la culture. dans la défense des valeurs de la civilisation, pour la dignité de la personne humaine et la cause de la liberté. Les honneurs du Panthéon peuvent consister en la déposition dans le Panthéon national des restes de citoyens distingués ou en la présentation au Panthéon national d’un cénotaphe dans lesquelles les dépouilles ne se trouvent pas. L’endroit est finalement emprunt d’un fort nationalisme : comme on le verra, plus que la personnalité de certains résidents acteurs de périodes troubles de l’histoire du pays, c’est davantage leur capacité, réelle ou fantasmée, à faire briller le renom du Portugal dans le Monde qui est célébrée.
L’ église de Santa Engrácia est située dans l’actuelle paroisse de São Vicente de Fora, dans le quartier de l’Alfama. Alors inachevée, cette ancienne église acquit la fonction de Panthéon national par une loi datant de 1916. Il reste à préciser qu’à Lisbonne, le monastère des Jerónimos, le monastère de Batalha et l’église de Saint-Vincent de Fora occupent également, dans la symbolique portugaise, une fonction analogue en raison des personnalités qui y sont inhumées. Le monastère des Jerónimos servit de fait de Panthéon jusqu’en 1966 : de ce fait, comme nous le verrons plus loin, certaines personnalités furent à cette occasion transférer de l’un à l’autre.
Les personnalités inhumées
Douze personnalités reposent de fait dans ce Panthéon. Il avait été question en 2011 d’y transférer les restes de Passos Manuel et Marcos Portugal, ce qui ne fut finalement pas le cas en raison de restrictions budgétaires. Ils reposent dans des tombeaux monumentaux semblables. Chaque tombeau est accompagné d’un panneau présentant les biographies des personnes enterrées en portugais et en anglais.
Almeida GARETT (1799-1854) : écrivain et dramaturge, grand promoteur du théâtre au Portugal, il fut l’une des plus grandes figures du romantisme portugais. Il fut enterré au cimetière Prazeres , à Lisbonne, transféré le 3 mai 1903 au monastère des Jerónimos, puis en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
João de DEUS (João de Deus de Nogueira Ramos : 1830-1896) : poète et pédagogue lyrique, il fut le promoteur d’une méthode d’enseignement de la lecture basée sur une Introduction à la maternité écrite par lui. Considéré comme le poète de l’Amour, il jouissait d’une popularité extraordinaire. Il fut enterré au cimetière Prazeres , à Lisbonne, transféré le 3 mai 1903 au monastère des Jerónimos, puis en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
Sidónio PAIS (1872-1918) : ministre en 1911, ambassadeur en Allemagne de 1912 à 1916, il prit le pouvoir et dissout l’Assemblée après le coup d’État du 8 décembre 1917. Il instaura un régime fort qui vira bientôt au culte de la personnalité. Instaurant le suffrage universel pour la première fois au Portugal, il se fit élire président en 1918. Son autoritarisme, la répression contre l’opposition, la censure et la torture, la déception des milieux ouvriers devant le peu de réformes sociales lui valurent alors de nombreuses critiques. En outre, son engagement dans la Première Guerre mondiale contre l’Allemagne, aux côtés du Royaume-Uni et de la France ; décision incomprise par le peuple, provoqua la colère des milieux catholiques et conservateurs plus proches de l’Allemagne. Il fut assassiné par un militant républicain. Ses restes furent inhumés au monastère des Jerónimos, puis en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
Abilio GUERRA JUNQUEIRO (1850-1923) : député , journaliste et écrivain, il fut l’un des poètes le plus populaire de son temps. Son œuvre contribua à créer l’environnement révolutionnaire qui conduisit à l’instauration de la République. Il fut entre 1911 et 1914 ambassadeur du Portugal en Suisse. Ses restes furent inhumés au monastère des Jerónimos, puis en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
Teófilo BRAGA (1843-1924) : poète, historien de la littérature et essayiste, il entra en politique et fut élu député. Peu de temps après, un soulèvement républicain, appuyé par les militaires, contraignit le roi Manuel II à s’enfuir en Grande-Bretagne. La République fut proclamée le lendemain et Teófilo Braga assuma la présidence du gouvernement provisoire et les pouvoirs de chef de l’État jusqu’au 24 août 1911, date à laquelle Manuel de Arriaga est élu premier président de la République. Dans l’instabilité des premières années de la République portugaise, il fut rappelé au pouvoir, après le coup d’État du 14 mai 1915 pour succéder à Arriaga et fut, entre mai et octobre 1915, un éphémère président de la République. Ses restes furent inhumés au monastère des Jerónimos, puis en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
Oscar CARMONA (1869-1951) : ministre de la Guerre depuis 1923, Carmona profita du pustch de 1926 pour accéder au pouvoir : il fut un des trois dirigeants du Portugal nommés successivement président de la République par la junte militaire. La période correspondant aux premières années de la présidence de Carmona fut désignée sous le nom de « Dictature nationale ». C’est lui qui nomma en 1927 António de Oliveira Salazar ministre des Finances. Impressionné par Salazar, il le nomma président du Ministère en 1932, lui donnant un pouvoir supérieur au sien. En 1933, la nouvelle Constitution créa l’Estado Novo : Carmona fut reconduit comme président de la République. Cependant, ce rôle n’avait qu’un caractère officiel, tout le pouvoir revenant de fait à Salazar. Ce dernier ne destitua pourtant jamais Carmona, estimant sans doute sa réputation trop importante. La présidence de Carmona ne finit qu’avec sa mort. Il fut inhumé dans le caveau familial du cimetière d’Ajuda, puis transféré au monastère des Jerónimos, avant une ultime translation en ce lieu à l’occasion de l’inauguration de 1966.
Humberto DELGADO (1906-1965) : militaire des Force aérienne portugaise (il fut fait maréchal à titre posthume en 1990), il fut le chef de l’opposition au dictateur António de Oliveira Salazar. Il échoua à l’élection présidentielle de 1958 contre le candidat salazariste Américo Tomás, et mourut assassiné en Espagne par la police politique portugaise (PIDE). Inhumé en Espagne, il fut transféré en 1975 au cimetière Prazeres de Lisbonne, avant une ultime translation en ce lieu en 1990.
Amália RODRIGUES (Amália da Piedade Rebordão Rodrigues : 1920-1999). Surnommée la « Reine du fado » (Rainha do Fado), c’est la chanteuse qui a le plus popularisé ce chant dans le monde. Elle a enregistré plus de 170 disques au cours de sa vie et a été une grande ambassadrice culturelle du Portugal. Elle a eu une carrière d’enregistrement et de représentations de quarante années. Sa notoriété devient internationale durant la période 1950-1970, mais ses liens assez troubles avec le régime du dictateur Salazar lui valurent un retrait de la scène pendant une dizaine d’années après la révolution des Œillets de 1974. Inhumée au cimetière des Prazeres de Lisbonne, son corps fut transféré ici deux ans après sa mort en 2001 après des pressions exercées par ses admirateurs et une modification de la loi qui exigeait au moins quatre ans avant le transfert.
Manuel de ARRIAGA (Manuel José de Arriaga Brum da Silveira e Peyrelongue : 1840-1917) : il fut l’un des principaux idéologues du parti républicain portugais. En 1911, il devint le premier président élu de la République portugaise , en succédant à la tête de l’Etat au gouvernement provisoire présidé par Teófilo Braga. Il occupa ces fonctions jusqu’en 1915, date à laquelle il fut contraint de démissionner et remplacé par Teófilo Braga à nouveau. Inhumée dans le caveau familial du cimetière des Prazeres de Lisbonne, son corps fut transféré ici en 2003 lors d’une cérémonie en présence du président de la République, du Premier ministre et des plus hautes personnalités de l’État portugais.
Aquilino RIBEIRO (1885-1963), considéré par certains comme l’un des romanciers les plus féconds de la première moitié du vingtième siècle. Son œuvre, caractérisée par une grande richesse et invention syntaxique, compte une centaine d’ouvrages mais reste encore très méconnue à l’étranger (il fut nommé pour le prix Nobel de littérature en 1960). C’est un livre écrit pour son fils qui restera à la postérité, Le Roman de la Renarde (1929), devenu un grand classique de la littérature jeunesse portugaise. Inhumé au cimetière des Prazeres de Lisbonne, il l fut transféré en ce lieu en 2007.
Sophia de MELLO BREYNER ANDRESEN (1919-2004), une des plus importantes poétesses portugaises du XXe siècle. Distinguée par le prix Camões en 1999, elle est la première Portugaise à avoir reçu le plus important prix de littérature de langue portugaise. Inhumée au cimetière Carnide de Lisbonne, elle fut transférée en ce lieu en 2014.
Le footballeur EUSÉBIO (Eusébio da Silva Ferreira : 1942-2014), qui joua au poste d’attaquant de la fin des années 1950 à la fin des années 1970. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, il fut surnommé la panthère noire. Il effectua la plus grande partie de sa carrière dans le club du SL Benfica avec lequel il remporte la Coupe des clubs champions européens en 1962 ainsi que onze titres de champion du Portugal. Il permit également à la sélection nationale portugaise d’atteindre la troisième place de la coupe du monde 1966 au cours de laquelle il termina meilleur buteur. Enfin, il remporta le titre prestigieux du Ballon d’or en 1965. Inhumé au cimetière Lumiar de Lisbonne, il fut transféré ici un an plus tard en 2015. Il est à ce jour la dernière personnalité à avoir été inhumé au Panthéon.
En 2016, il fut décidé que la déposition dans le panthéon national des dépouilles mortelles de citoyens distingués ne pourraient avoir lieu que 20 ans après leur décès, mais qu’un cénotaphe évoquant la vie et le travail du défunt pourrait avoir lieu cinq ans après sa mort.
Les cénotaphes
Le principe du cénotaphe est évidemment d’être une sépulture symbolique, soit en raison de l’absence de restes, soit parce que ces derniers se trouvent en un autre lieu. Beaucoup de visiteurs confondent ainsi les cénotaphes de ce Panthéon avec les véritables sépultures des défunts illustres, dont nous indiquerons systématiquement la localisation.
Ce Panthéon possède six cénotaphes de grandes figures portugaises. Ils figurent en position centrale, sous la coupole, dans des alcôves.
Pedro Álvares CABRAL (c1467-c1520) : commandant de flotte chargé par le roi du Portugal Manuel Ier d’aller aux Indes orientales et de poursuivre l’œuvre de Vasco de Gama, il partit de Lisbonne en 1500 avec 13 navires, se dirigea (sans doute délibérément) vers l’Amérique du Sud et parvint sur la côte du Brésil dont il prit possession au nom du roi de Portugal. Poursuivant son voyage, il doubla le cap de Bonne-Espérance et arriva à Calicut qu’il assiégea après avoir conclu un traité de commerce avec le prince de Cochin. Il rentra à Lisbonne en juillet 1502. On a si peu d’informations sur lui qu’on ignore la date exacte de son décès. Ses restes se trouvent dans l’église de la Grâce (Igreja da Graça) de Santarém (Portugal).
Il bénéficie d’un cénotaphe en ce lieu.
Afonso de ALBUQUERQUE (1453-1515) : après avoir exploré Madagascar (1505), il succéda à Francisco de Almeida comme vice-roi des Indes en 1509. Il étendit l’empire portugais sur les côtes de l’Asie du Sud-Est, occupant Goa, capitale et entrepôt portugais (1510), le reste du Malabar, les côtes de Ceylan et Malacca (1511), imposant un tribut aux rois du Siam, de Sumatra et de Java. Il fut enterré dans l’église de Nossa Senhora da Serra à Goa qu’il avait fait construire en 1513. En 1566, il fut transféré dans le couvent de Nossa Senhora da Graça de Lisbonne. Cette église s’est effondrée lors du tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et a été reconstruite, perdant ainsi la trace du tertre funéraire d’origine.
Il possède son cénotaphe en ce lieu.
Merci à Philippe Broyard pour la tombe Eusébio.
Tombe Mello Breyner Andresen : Trip Advisor.
Tombe Cabral à Santarem : Wikipedia
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