NANTES (44) : cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul
par
Comme c’est le cas de la plupart des cathédrales, particulièrement d’une ville de cette importance, celle de Nantes possède son lot de tombeaux qui attireront le taphophile.
Le tombeau de François II de Bretagne
La pièce maîtresse demeure indubitablement le tombeau de François II, duc de Bretagne (1436-1488) et de ses deux épouses : Marguerite de Bretagne (1443-1469) et Marguerite de Foix (1458-1486).
Historique
Réalisé en marbre de Carrare, il fut commandé par Anne de Bretagne pour honorer la mémoire de ses parents, et est considéré comme un chef-d’œuvre de la sculpture de la Renaissance française. Il est également un mémorial de la dynastie des Montfort, et apparaît, dans une vision romantique, comme un symbole marquant de l’histoire de la Bretagne, en tant que « tombeau de la nationalité bretonne » dans cette époque charnière où l’hommage au dernier duc de Bretagne est rendu par celle dont le mariage conduit l’union de la Bretagne à la France.
Le monument a été initialement désigné sous le nom de « tombeau des Carmes ». Il devait cette appellation à son emplacement d’origine, car François II avait souhaité que son corps reposât dans la chapelle des Carmes à Nantes, auprès de sa première épouse, Marguerite de Bretagne, à laquelle il devait son titre de duc [1].
En 1499, Anne de Bretagne lança le projet de faire réaliser un tombeau orné de sculptures, notamment les gisants de ses parents, François II et Marguerite de Foix. Cette œuvre monumentale fut dessinée par l’architecte et peintre Jehan Perréal et exécutée par le sculpteur Michel Colombe entre 1502 et 1507. En 1506, la duchesse et reine de France Anne obtient du pape Jules II l’autorisation de faire transférer les restes de sa mère, Marguerite de Foix (qui était inhumée dans la cathédrale depuis 1487), dans le tombeau de la chapelle des Carmes, opération réalisée en 1507. À sa mort, Anne de Bretagne fut inhumée dans la basilique Saint-Denis, comme tous les monarques capétiens. Seul son cœur, déposé dans un écrin en or, fut placé dans le tombeau familial.
En 1791, lors de la Révolution française, les religieux furent dispersés, et le mobilier fut vendu. En 1792, les bâtiments, dont l’église, furent vendus comme biens nationaux. Les trois cercueils furent déplacés dans la crypte de la cathédrale, et le tombeau fut caché pour en éviter sa destruction. Lorsque le tombeau fut retrouvé, en 1800, on proposa de réutiliser l’œuvre pour en faire la base d’une colonne commémorative. Cette proposition fut refusée par le préfet Le Tourneur, et le monument fut transféré dans un croisillon sud de la cathédrale en 1817.
Une plaquette indique que les restes duc Arthur III (1393-1458), oncle de François II, furent portés dans ce tombeau en 1817 : certains doutes que ce soient les siens. Rappelons en outre que le duc Jean IV (1339-1399), grand-père de François II, fut également inhumé dans cette cathédrale, mais que son tombeau fut totalement détruit en 1793.
Aspect
Le monument est constitué d’un sarcophage massif et rectangulaire. Dessus, les deux gisants aux mains jointes en prière sont allongés sur une dalle de marbre noir. Leurs têtes reposent sur d’épais coussins ou « carreaux » maintenus par trois anges, et à leurs pieds se tiennent le lévrier, symbole de fidélité, et le lion qui représente la force.
Le tour du tombeau présente d’autres sculptures délicates, placées dans deux niveaux de petites niches de marbre rose. La plus haute représente tour à tour les saints patrons des deux gisants (saint François d’Assise et sainte Marguerite), Charlemagne et Saint Louis, ainsi que les Douze Apôtres (six sur chacun des deux grands côtés). Au niveau en dessous figurent des priants drapés de noir, recroquevillés dans de petits médaillons en coquille.
Aux quatre coins du tombeau se dressent quatre statues en pied, représentant chacune une des vertus cardinales : on y reconnaît la justice, la force, la tempérance et la prudence :
La Force est représentée en armure avec un casque guerrier, car il s’agit
d’une vertu virile. Dans l’iconographie de cette vertu, elle est souvent représentée appuyée contre une colonne ou une tour. Ici elle extirpe le dragon de la tour (ou du donjon) où il s’est retranché et symbolise donc la force morale qui triomphe du vice et de la tentation. L’expression de son visage reflète une certaine douleur rentrée, comme si l’effort d’arracher le dragon (le Mal) de la tour (le Bien, le for intérieur) ne se faisait pas sans combat intérieur. Elle rappelle le rôle du chevalier chrétien dans la défense de la foi.
La Tempérance est munie en main droite d’un mors à cheval, symbole d’une conduite raisonnée : il y a un temps pour tout (Ec 3,1-15) et en main gauche d’une horloge, symbole du temps qu’il faut savoir respecter et atténue les passions. Elle symbolise également la mesure du temps qu’il ne faut pas gaspiller en vanités, mesure en tout pour éviter l’excès. Elle rappelle que le prince doit rechercher le juste milieu, l’équilibre. Son habit presque monacal exprime le refus des tentations de la chair qui mènent justement à l’excès.
La Justice porte en main gauche un livre, représentant la loi, illustré d’une balance, représentant la justice. En main gauche, elle tient un glaive imposant mais délicatement recouvert d’un pan de son écharpe : « Rendre la justice, mais ne pas détruire la personne ». Le glaive châtie et la balance pèse la gravité du crime ou le poids des arguments des deux parties. La statue porte une couronne rappelant que le prince exerce le rôle de juge et d’arbitre.
La Prudence tient en main droite un compas, symbole de la mesure de tout acte, et en main gauche un miroir reflet de toute pensée et capteur des conseils de sagesse de l’ancien, figuré en double visage8. Celui-ci figure d’un côté un vieillard qui connaît le passé, de l’autre la jeune femme. La prévoyance ne peut se passer de l’expérience. Le miroir est également celui de la vérité : elle y voit l’image de ses faiblesses et se connaissant elle-même, peut mieux corriger sa conduite. À ses pieds se trouve un serpent : « Soyez prudents comme des serpents »
Le cénotaphe de Lamoricière
Christophe Louis Léon JUCHAULT de LAMORICIERE (1806-1865) fut promu général au cours des campagnes coloniales dirigées par le général Bugeaud contre l’émir Abd el-Kader en Algérie. Il s’investit également dans le domaine politique et se fit élire à l’Assemblée législative : député de Mamers, vice-président de l’Assemblée législative, il fut nommé ministre de la Guerre en 1848, et participa activement à la répression des Journées de Juin. Exilé au cours des années 1850 à cause de son opposition à Louis-Napoléon Bonaparte, il revint en France puis se mit en 1860 au service de la cause pontificale dans la lutte contre Garibaldi, jusqu’à la défaite de Castelfidardo.
Il fut inhumé dans l’imposante chapelle familiale du cimetière de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (44). Néanmoins, en remerciement de ses services, le pape Pie IX lui fit élever un cénotaphe dans la Cathédrale de Nantes, inauguré en 1879.
Le cénotaphe est de marbre blanc, rehaussé par les quatre statues de bronze d’un noir brillant qui l’encadrent. Lamoricière est représenté en gisant sur un autel recouvert d’un dais imposant, soutenu par des colonnes et des pilastres alternant le noir et le blanc, et qui donne à l’ensemble un aspect architectural complexe et imposant. C’est l’architecte Louis Boitte qui en conçut le plan, l’exécution en fut confiée à Moisseron d’Angers. Le corps du général est couvert d’un linceul aux plis lourds et travaillés. Au sommet du dais, là encore à chaque extrémité, des acrotères arborent les armes des Juchault de la Moricière (au pied) et de Pie IX (au chevet).
Aux quatre coins du monument, les quatre statues de bronze renvoient à des vertus essentielles (inspirées des allégories du tombeau des Médicis à Florence) que l’on souhaite voir attachées à la mémoire du défunt. Elles sont dues au sculpteur Paul Dubois.
Plaque funéraire de Françoise de Dinan
Françoise de DINANT (1436-1499) fut la gouvernante d’Anne de Bretagne. Intrigante, elle joua un rôle important dans les manœuvres matrimoniales touchant la jeune duchesse, qui épousa finalement le jeune roi de France. Elle fut inhumée dans le chœur de l’église des Dominicains de Nantes. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que ses restes, retrouvés et expertisés, furent transférés en cette cathédrale.
Source : Wikipedia
[1] C’est dans cette même chapelle qu’avait été inhumé le sinistre Gilles de Rais.
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