COLMAR (68) : cimetière du Ladhof

visité en août 2024
mercredi 14 août 2024
par  Philippe Landru


La rue du Ladhof est la grande rue des cimetières à Colmar : on y trouve côte-à-côte le cimetière juif, le cimetière central et la nécropole nationale.

A l’origine, le principal cimetière de la ville bordait la collégiale Saint-Martin. Désaffecté en 1588, il fut transféré au faubourg Sainte-Anne, qui fut supprimé à son tour au début de l’Empire, et le cimetière du Ladhof fut ouvert le 23 juin 1805. Il était divisé en deux parties : le côté Nord était réservé à l’inhumation des catholiques et le côté Sud à celle des protestants. A présent, le cimetière est interconfessionnel. Rapidement, sa superficie s’est avérée insuffisante. Plusieurs agrandissements se sont succédés, en 1843, en 1900 puis en 1912 pour atteindre sa superficie actuelle de 11 hectares.

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Mur séparant la partie la plus anciennes aux extensions contemporaines.

Ce dernier possède encore de nombreux monuments funéraires intéressants de la première moitié du XIXe siècle, notamment des sépultures de magistrats et de militaires dans la partie catholique, de négociants et de manufacturiers dans la partie protestante.

La partie la plus ancienne est constitué des secteurs Sud A, B et C (on ne négligera pas non plus les sépultures accolées aux murs qui entourent ces secteurs). Sans surprise, c’est dans cette partie que se concentrent la quasi totalité des tombeaux intéressants.

Le Ladhof reste un cimetière de préfecture, où les célébrités restent avant tout locales. Personnels administratifs, militaires, sculpteurs locaux ou édiles s’y sont donnés rendez-vous. Pour la troisième ville d’Alsace en revanche, peu de personnalités à dimension nationale.


Curiosités


- Autour de la stèle funéraire en marbre blanc (1834) du conseiller de préfecture Jean Charles Bartholdi, père du célèbre statuaire Auguste Bartholdi, subsistent les derniers monuments connus (du XVIIIe siècle), rapportés en ce lieu, provenant de l’ancien cimetière Sainte-Anne. (Sud A)

- Le monument des gardes nationaux tombés en 1870, réalisation saisissante, formée de deux dalles de grès disjointes d’où émerge un bras en bronze cherchant à reprendre une baïonnette. Elle est l’œuvre d’Auguste Bartholdi. Elle sert de sépulture
aux gardes nationaux Adolphe Voulminot et Joseph Wagner, tombés en 1870 en tentant de défendre la ville de Colmar assaillie par des troupes badoises. Démantelé et relégué au musée Bartholdi en 1916 ; enlevé et détérioré par les Allemands en 1940, le monument fut à chaque fois restauré et replacé dans le cimetière après la fin des conflits. (Sud C)

- Georges Kern (+1898) était organiste de l’église protestante de Colmar et le fondateur de plusieurs associations et harmonies musicales dans la ville. Le médaillon qui orne sa tombe a été réalisé par Bartholdi. La tombe est en outre ornée d’un autre médaillon qui représente son fils, l’ingénieur Gaston Kern (+1929). (Sud A)

- Le tombeau du colonel Joseph Klie (+1853), acteur des campagnes napoléoniennes, se signale par le canon qui orne sa tombe. (Sud B)

- Fondés en 1775 au Logelbach, les établissements Haussmann devinrent l’une des plus importantes entreprises textiles de l’est de la France (impression sur étoffes, filatures et tissages de coton). Parmi les stèles funéraires de ses dirigeants et de leurs
alliés, citons celles du manufacturier Jean Haussmann (1740-1820), du chimiste
Jean Michel Haussmann (1749-1824), du banquier Louis André Jordan (1755-1834)
et du dessinateur Jean Georges Hirn (1777-1839)

- Un calvaire se trouvait devant la chapelle du vieux cimetière de la ville, à côté de la collégiale Saint-Martin. À la suite de la construction du corps de garde, il fut transféré au nouveau cimetière Sainte-Anne en 1576. Il prit sa place définitive dans ce cimetière en 1805.

- Dans les parties anciennes, statues et médaillons ne sont pas rares. On est ici en terre chrétienne : pas de monument insolite et une inspiration uniquement religieuse !

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Jean-Daniel Hanhart par Bartholdi.


Célébrités : les incontournables...


- HANSI
- Jean RAPP


... mais aussi


- Le sculpteur Franz AST. (Sud C)

- Le baron d’Empire Louis Marie ATTHALIN (1784-1856), qui après s’être illustré dans les batailles napoléoniennes devint aide de camp du duc d’Orléans, futur Louis-Philippe. Député du Haut-Rhin en 1831, il fut élevé par la suite à la Pairie. Il se distingua également comme peintre, lithographe et aquarelliste. Il repose dans un enclos familial où toute identité est quasiment illisible.(Sud B)

- Maurice BETZ (1898-1946) : traducteur français d’auteurs de langue allemande, dont Nietzsche, Rilke et de Thomas Mann, il fut l’auteur de romans dont L’incertain, dont on parla comme d’un Goncourt potentiel. Alsacien, et donc allemand lorsque la Première Guerre mondiale éclata, il se sentait avant tout Français malgré son amour de la littérature allemande et il s’engagea dans l’armée française après avoir fui l’Alsace. (MP)

- Gustave Jean BURGER (1878-1927), député du Haut-Rhin de 1924 à sa mort. (Sud A)

- Le juriste Ignace CHAUFFOUR (1808-1879), qui fut un éphémère député du département en 1848. (Sud B)

-  Georges CHRIST(1883-1951), fondateur du scoutisme catholique en Alsace. (MC)

- Le peintre François FLECKINGER (1907-1993). (Sud C)

- Jean-Baptiste FLEURENT (1837-1903) : chef de file des catholiques de la ville, il fut élu à la Délégation de Strasbourg (Landesausschuss) en 1888, et fut maire de la ville de 1896 à 1898. (Sud B)

- L’architecte Léon FUCHS (1821-1848) .

- Le peintre Robert GALL (1904-1974), ancien élève de Maurice Denis et de George Desvallières, spécialisé dans la décoration religieuse. (Sud B)

- Le sculpteur Charles GEISS (1880-1958) qui se spécialisa dans la sculpture funéraire (le cimetière contient plusieurs de ses œuvres) et qui réalisa de nombreux monuments aux morts (B).

- Le chef de bataillon du Génie Jacques Samuel Joseph de GOLL (1771-1850), qui fut fait baron et chevalier d’Empire.

- Les sculpteurs Mathias Xavier (1825-1890), Albert et Paul HATZ (Sud B).

- Le sculpteur Gustave Xavier HATZ (1848-1917).

- L’acteur Gérard HÉROLD (1939-1993), qui tourna beaucoup au cinéma dans les années 70-80, principalement dans des emplois de crapule élégante et lâche. (W)

- Le physicien Gustave Adolphe HIRN (1815-1890), qui travailla sur la vitesse limite des gaz, sur les ventilateurset sur les méthodes d’essai des moteurs thermiques. Dès 1855, il construisit des machines à vapeur pour lesquelles il pratiquait la surchauffe. (MP)

- Le peintre lithographe et illustrateur Victor HUEN (1874-1939), spécialisé dans la peinture militaire et l’illustration uniformologique. Il a travaillé en collaboration avec son confrère, l’illustrateur Hansi, pour des livres destinés à la jeunesse. Il repose avec son père, l’architecte Victor HUEN (1842-1897) (Sud C).

- Le médecin Paul Louis (ou Léon) KIENER (1841-1895) (MP), qui fut professeur d’anatomie de pathologique et d’histologique de 1887 à 1895 à la faculté de médecine de Montpellier. (MP)

- Le sculpteur sur bois et menuisier-ébéniste d’art sacré Théophile KLEM (1849-1923). (Sud B)

- L’avocat Charles Frédéric KOENIG (1797-1874) qui fut député du Haut-Rhin de 1848 à 1849, siégeant à gauche. (Sud B)

- Charles KUENTZ (1897-2005), qui fut le dernier vétéran alsacien de l’Armée impériale de Guillaume II de la Première Guerre mondiale. Il mourut à l’âge de 108 ans. (Sud B)

- L’architecte François Louis LAUBSER (+1877) gde stèle/couronne d’immortelles à droite d’une allée

- Le général baron François MARTENOT de CORDOUE (1813-1868), qui combattit à Sébastopol et à Malakoff. Sa tombe fut restaurée en 2013 (MC).

- La famille de philanthropes MEQUILLET. (MP)

- Le baron Emile André MINE de DIETFURT (1796-1862), "conseiller intime du prince de Salm-Kyrbourg".

- Le brasseur Jean-Guillaume MOLLY (1810-1862), fondateur d’une dynastie de brasseurs à Colmar. (Sud B)

- Le médecin Gabriel Louis François MOREL (1769-1842), député du Haut-Rhin en 1815, pendant les Cent-Jours, il fut maire de Colmar à deux reprises de 1813 à 1815 puis de 1830 à 1841. Sa tombe, pourtant visible et surmontée d’un buste en bronze (non signé), est désormais quasiment anonymisée. (Sud B)

- Xavier MOSSMANN (1821-1893) : archiviste et bibliothécaire de la ville, son œuvre majeure fut le Cartulaire de Mulhouse, ouvrage de 3.700 pages qui regroupe un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de Mulhouse depuis ses origines jusqu’à l’annexion à la France en 1798. (Sud B)

- Le peintre David ORTLIEB (1797-1875), connu pour ses œuvres exécutées au crayon, à la sépia, à l’encre de chine, mais aussi ses aquarelles et ses tableaux à l’huile, dont les sujets sont le plus souvent des paysages et des châteaux de sa région d’origine, mais aussi des vues de Colmar. (MP)

- Jean-Baptiste Hercule de PEYERIMHOFF de FONTENELLE (1809-1890) : maire de Colmar de 1855 à 1877, il fut député au Landesansschuss. (Sud B)

- Amédée Conrad PFEFFEL (1736-1809) : auteur alsacien de langue allemande, il fut l’un des représentants de l’Aufklärung, les Lumières allemandes qui perdit la vue à 22 ans. Son œuvre poétique inspira les compositeurs de son époque (Schubert, Haydn, son poème Der Freie Mann fut mis en musique par Beethoven...). Il créa également une académie militaire pour les aristocrates protestants qui n’étaient pas acceptés à l’académie militaire de Paris. (Sud A)

- Le général Auguste PIERRE (1797-1868).

- Jacques PREISS (1859-1916), qui fut de 1893 à 1912 membre du Reichstag allemand. Il mourut dans un camp de prisonniers allemand. (Sud A)

- Les sculpteurs Victor REBSOMEN (1858-1927) et Laurent EBÉLÉ (1868-1934), son beau-frère.

- Jean-François REUBELL [1] (1747-1807) : député du Haut-Rhin à l’Assemblée constituante de 1789 à 1791, puis à la Convention de 1792 à 1795 ; il s’illustra par son opposition à l’émancipation des juifs d’Alsace, par un discours anticlérical et par la sévérité à l’égard des prêtres réfractaires. Membre des comités de Sûreté générale et de Salut public de 1794 à 1795, Reubell devint l’un des cinq premiers membres du Directoire de la Première République française. Il occupa ce poste de 1795 à 1799. Le coup d’Etat du 18 Brumaire de l’an VIII (9 novembre 1799) mit fin à ses fonctions. Son bilan, éclipsé par les bouleversements de l’Empire, porte à l’actif la fixation de la frontière sur le Rhin, la départementalisation des colonies, la création de la République batave et de la République helvétique, l’union douanière avec les républiques sœurs. Il repose avec son épouse, Marie-Anne Mouhat (1752-1813), qui selon la tradition aurait inspiré Barras qui aurait emprunté ses prénoms pour les réunir et en nommer Marianne, le symbole de la République. Lors de ma visite, leur tombe était quasiment illisible. (Sud A)

- Joseph REY (1899-1990), maire de Colmar de 1947 à 1977 et député du Haut- Rhin de 1956 à 1958. Bien que résistant détenu en Allemagne, il fut un artisan précoce de la réconciliation franco-allemande et un militant actif de la a construction d’une communauté européenne (Sud B).

- Edouard RICHARD (1886-1970) : entré à la SFIO dès 1905, cet ouvrier typographe entré au conseil municipal de Colmar s’assura du maintien de l’ordre et du ravitaillement de la ville en 1918 juste avant l’arrivée des troupes françaises. Maire de Colmar de 1935 à 1940, puis de 1945 à 1947, il fut député des assemblées constituantes (1945-1946), puis fut élu au Conseil de la République (1946-1948). (Sud A)

- L’officier Jean-Daniel ROHR (1812-1891), qui fut l’un des premiers explorateurs des iles du Pacifique. Il participa à la pacification des îles Marquises et collecta des objets ethnographiques qu’il offrit à la Ville en 1845. Sa tombe fut restaurée en 2015. (MP)

- Joseph ROSSÉ (1892-1951) : autonomiste alsacien, député en 1928, puis de 1936 à 1940 du Haut-Rhin, farouchement pacifiste et anticommuniste et partisan d’un état tampon entre la France et l’Allemagne englobant l’Alsace-Lorraine, il versa progressivement vers la collaboration. Jugé après la guerre, il fut condamné à 15 ans de travaux forcés et mourut en prison, dans le Sud-Ouest de la France. (Mur N)

- Le peintre et lithographe Jacques ROTHMULLER (1804-1862), principalement connu pour ses vues romantiques et ses paysages de ruines. (MP)

- Le peintre et illustrateur SCHENI (Eugène Noack : 1908-1985), connu en Alsace, notamment pour ses représentations de petits garçons polissons au teint rougeaud et à la tête toute ronde. Ses scènes villageoises, truculentes, pleines de joie de vivre, rappellent parfois le style de Brueghel. (Sud B)

- Le cuisinier Jean SCHILLINGER (+1995)

- Le général Guy SCHLESSER (1896-1970), qui se distingua à Autun puis dans les prises de Belfort et de Colmar en 1945. Il devint par la suite commandant de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr (Sud B).

- Camille SCHLUMBERGER (1831-1897) : issu d’une illustre famille de manufacturiers alsaciens, maire de Colmar de 1880 à 1896, il siégea également à la Délégation d’Alsace-Lorraine (Landesausschuss) à Strasbourg. (MP)

- Emile SCHWOERER (1861-1927) : homme de science, il mena des recherches en physique, en thermodynamique et en astronomie. Après de nombreuses expériences approfondies, il mit au point le premier surchauffeur qui, breveté sous son nom en 1890, a rendu d’immenses services à l’industrie mondiale en permettant de considérables économies d’énergie. En 1913, il fut nommé membre correspondant de l’Académie des sciences, section de Mécanique.

- L’architecte Edouard SPITTLER (1868-1945).

- Jean-Georges STOFFEL (1819-1880), qui fut à la fois historien, poète, entomologiste et bibliothécaire.

- Le baron d’Empire François-Joseph TAVERNIER (1769-1844). (Sud B)

- Frédéric TITOT (1811-1888) : préfet de la Haute-Vienne (1848-1849), il fut un éphémère député du Haut-Rhin en 1871 qui démissionna pour protester contre l’annexion de l’Alsace-Moselle. (MP)

- Le prêtre Emile WETTERLÉ (1861-1931), qui fut pendant seize ans député autonomiste au Reichstag et cinq ans député à la Chambre des députés (1919-1924), au sein du groupe de l’Entente républicaine démocratique. En 1919, au lendemain de l’armistice, il fonda Le Rhin français, un journal catholique et républicain, avec le but d’influer sur la création d’un Etat rhénan qui jouerait le rôle de zone tampon entre l’Allemagne et la France et qui serait placé sous l’autorité de la France. (Sud B)


Photos : Burger, Gall, Preiss, Scheni : Gescime


[1On l’écrit aussi Rewbell.


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samedi 29 octobre 2022

Je suis en train de remettre à jour toutes les rubriques qui listent le plus exhaustivement possible le patrimoine funéraire de tous les départements. Tous les cimetières visités par moi (ou par mes contributeurs) y sont portés, mise-à-jour des couleurs qui n’étaient pas très claires dans les versions précédentes (le noir apparaissait vert), rajout de tombes depuis les visites, photos de tombes manquantes... N’hésitez pas à les consulter pour y trouver la version la plus globale du patrimoine. Ces rubriques représentent les listes les plus complètes que l’on puisse trouver sur le net du patrimoine funéraire français.

Contrairement aux articles, vous ne pouvez pas interagir sur les rubriques : aussi, si vous avez une information nouvelle à apporter sur un département, merci de laisser votre message en indiquant clairement le département et la commune concernée sur un article dédié uniquement à cela : Le patrimoine funéraire en France : classement par départements

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vendredi 14 février 2014

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