POISSY (78) : cimetière de la Tournelle
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- Dominant la ville, la vue porte sur la collégiale de Poissy, où fut baptisé Saint-Louis.
Poissy à une histoire très riche : ville médiévale d’importance du domaine royal, elle vit naître les rois Saint-Louis et Philippe III. Richement dotée, elle attira à cette époque tant les commerçants (son marché aux chevaux et aux bestiaux était connu jusqu’à Paris) et les nombreuses congrégations religieuses qui s’y installèrent (dominicaines, ursulines...). L’abbaye dominicaine en particulier était immense. De ce passé médiéval, Poissy possède des traces éparpillées dans toute la ville, en particulier l’enclos de l’abbaye et des morceaux importants de sa muraille. En 1561 y eut lieu un fameux colloque, tentative vaine de réconciliation entre catholiques et protestants, en présence de la famille royale.
Au XIXe siècle, elle devint un lieu de villégiature pour la bourgeoisie parisienne, séduite par ses bords de Seine et ses îles. Comme nous le verrons, dans le sillage du peintre Ernest Meissonier, très en vue à l’époque, s’établit une petite « école de peinture » ce qui explique la présence au cimetière de nombreux peintres. A la même époque, l’ancien couvent des ursulines devint la maison centrale de Poissy, ouvrant la page de l’histoire judiciaire de la ville car nombre de détenus célèbres y résidèrent (où y résident encore).
Jusqu’ à la fin du XVIIe siècle, le cimetière de Poissy était rue de l’ église, entre l’ avenue Messonier et la rue de la Caserne, puis il fut déplacé derrière l’ église Notre Dame à l’ emplacement de l’ actuelle rue Saint Louis. Le cimetière actuel, dit des Tournelles, fut ouvert en 1827 sur un vaste terrain dominant la ville. Les deux tombes les plus anciennes encore en place datent de 1829 : celles de Marie-Anne Baudelaire, épouse Noverre de Séricourt et d’ Antoine Noverre de Séricourt, contrôleur général des fermes du roi, marquées par deux stèles.
Le cimetière ancien de Poissy s’étire sur le côteau en direction du plateau de Beauregard. Il possède, dans sa partie ancienne, à droite de l’entrée principale, un certain nombre de tombes du XIXe siècle, pas toujours en bon état, qui témoignent des notabilités vivant dans la commune.
Comme dans n’importe quel autre cimetière, maires, curés, résistants et soldats qui donnèrent leur nom aux rues de la ville, y possèdent leur sépulture (Jacob Courant, Roland Le Nestour, Louis Lemelle...)
Curiosités
Une communauté protestante se développa qu’à l’extrême fin du XVIIIe siècle à Poissy. Cette communauté fut, pendant plusieurs années, formée principalement de deux familles, celle de Jacob Courant et celle de Bernard Gros, qui vinrent s’installer sur les lieux mêmes du Colloque de Poissy. Jacob Courant était issu d’une famille protestante des Cévennes réfugiée en Suisse, tandis que Bernard Gros était né en 1770 à Genève où son père François, originaire du Dauphiné, s’était réfugié. Les protestants de Poissy furent actifs dans la vie de la cité. Ils étaient présents dans la politique locale et plusieurs d’entre eux devinrent maires. Certains devinrent artistes-peintres. Si Ernest Meissonier était catholique, sa femme Emma Steinheil, était luthérienne. Son fils Charles, avant même son mariage avec Jeanne Gros, s’est rapproché du protestantisme, et son gendre Gustave Méquillet vient d’une famille protestante d’Héricourt. Le frère de Jeanne, Lucien Gros faisait partie des élèves d’Ernest.
On trouve dans la partie ancienne du cimetière un grand nombre de tombes unissant par de nombreux implexes les familles protestantes : Coninck, Winslow, Kuhlmann, Gros...
Du monastère des Dominicaines, il ne reste plus que des souvenirs : le parc et son vivier, le mur d’enceinte et ses tours que l’on peut encore voir rue Michel-de-l’Hospital et rue de la Tournelle, la grange, dont les dimensions restent impressionnantes malgré l’amputation de plus de la moitié de sa longueur et surtout l’enclos de l’Abbaye. Fondé l’année de la canonisation de saint Louis (1297), construit sur ordre de Philippe le Bel, le long de l’enceinte ouest de la ville, le prieuré royal pouvait accueillir jusqu’à 200 jeunes filles de la noblesse. L’église principale du couvent était de grande taille (82,5 m de long sur 30 de large) dans le style gothique flamboyant. Vendu comme Bien National à la Révolution, le monastère fut divisé entre différents acquéreurs. Le peintre Ernest Meissonier s’installa au sein de l’enclos en 1846. C’est là qu’il peignit la plupart de ses œuvres et qu’il accueillit ses élèves parmi lesquels son fils Charles, Lucien Gros, Édouard Detaille, Daniel Ridgway Knignt, Alphonse Moutte.
Félix Févola était un statuaire pisciacais : il ne repose pas ici mais au cimetière de Bagneux. Poissy possède néanmoins un certain nombre de ses oeuvres (statue de Saint-Louis), dont le monument aux morts du cimetière.
Dans le caveau Haussmann repose Hélène Haussmann née de Poggenpohl, qui fit partie en mai 1897 des victimes du bazar de la Charité.
L’ingénieur Maxime Laubeuf, membre de l’Académie des Sciences, à qui l’on doit la mise au point des premiers sous-marins modernes, était issu d’une famille de charpentiers pisciacais. Il repose au cimetière du Grand-Jas de Cannes, mais ses parents et grands parents reposent ici.
Reposent ici les parents de la chanteuse Catherine Lara (née Bodet à Poissy) dont le père était médecin dans la commune.
- Tombe de famille Donat Agache
Célébrités : les incontournables...
Trois de mes arrière-grands-parents, mes grands-parents, des membres de ma famille, et un nombre incalculable de gens que j’ai connus.
... mais aussi
Adolphe BEZANSON (1804-1860) : notaire à Poissy, il fut député de Seine-et-Oise de 1848 à 1849, siégeant à droite.
L’architecte Théophile BOURGEOIS (1858-1930), qui œuvra beaucoup dans les communes de l’arrondissement de Mantes et Versailles. Il fut l’auteur de bâtiments publics de Poissy, tels que le kiosque de la mairie, les abattoirs, et l’un des premiers postes de télégraphes, ou encore la réhabilitation et l’extension du château de Villiers du XIXe siècle. Tous les Pisciacais connaissent la « maison Bourgeois » qu’il réalisa et qu’il habite à Poissy. Dans le caveau repose également son fils, l’architecte Paul BOURGEOIS (1890-1963), qui réalisa sur l’île de Platais la plage de Villennes en 1935.
Le poète G. BOURET (1851-1927), auteur de textes qui furent chantés.
Parmi les tombes de CONINCK, celle de Robert (1885-1934), illustrateur qui laissa peintures et affiches.
Le peintre Maurice COURANT (1847-1924), élève d’Ernest Meissonnier, qui part dès 1868 au Salon des artistes français. Il fut essentiellement un paysagiste des bords de mer.
Le chef d’orchestre Léon DELIANCE (1871-1926) est inhumé sous un buste réalisé par le sculpteur pisciacais Félix Févola.
Jean DESCHANEL (1904-1963) : fils de Paul Deschanel, il mena une carrière de haut fonctionnaire avant de se lancer en politique : il fut Député d’Eure-et-Loir de 1939 à 1942. Il repose dans la sépulture de la famille de son épouse.
Lucien GROS (1845-1913) : ami d’enfance de Charles Meissonier, il fut l’élève de son père (Ernest Meissonier -vois plus loin). Peintre, il commença par représenter des scènes historiques, puis s’inspira des paysages bretons et se tourna vers le réalisme en peignant la vie quotidienne des travailleurs de la mer. Il exposa au Salon à partir de 1867.
Fernand LEFÈBVRE (1905-1946) : aviateur, résistant et pilote de chasse durant la Seconde Guerre mondiale, puis pilote d’essai après-guerre, il mourut en Argentine en service aérien commandé.
Le chirurgien et urologue Félix LEGUEU (1863-1939), membre de l’Académie de médecine, chirurgien à l’hôpital Necker et à l’hospice de Bicêtre, qui mourut intoxiqué par le monoxyde de carbone durant son sommeil. Il repose dans la chapelle Bonnet.
Jean Louis-Ernest MEISSONIER (1815-1891) vécut une grande partie de sa vie dans cette commune dans laquelle il avait acquit une propriété dans l’enclos de l’Abbaye, et dont le parc qui porte son nom recouvre une partie du terrain.
Ce peintre très honoré du Second empire, membre de l’Institut, fit fortune car ses œuvres correspondaient aux goûts d’un public bourgeois en pleine ascension sociale. Il se spécialisa dans les fresques d’épopée napoléoniennes, mais également dans les tableaux de petites tailles dans lesquelles la préciosité des détails séduisait.
Zola eut des mots très durs vis-à-vis de lui :
"... Je compris tout d’un coup le talent, l’immense talent de M. Meissonier. L’admiration des amateurs et du couple bourgeois venait enfin de me faire juger sainement ce peintre qui a le don rare de plaire à tous, même - surtout, allais-je dire - à ceux qui n’aiment pas la peinture.
D’abord, il ne s’agit pas de peinture ici. M. Meissonier emploie des couleurs, il est vrai, mais il emploierait tout autre matière, de vieux bouchons ou des pierres précieuses, qu’il obtiendrait le même succès. Le tour consiste à être habile et à faire joli.
Voici la recette certaine : au milieu de toiles rugueuses, sales et grandes, pendre de tout petits tableaux, très propres, polis comme des miroirs ; mettre dans ces petits tableaux une ou deux marionnettes banales ; éviter avec soin de donner à ces
- La barricade
marionnettes une tournure personnelle, un caractère quelconque, qui étonnerait et écarterait la foule ; s’en tenir strictement à une spécialité de pantins élégants, et bien veiller à ce que chaque œuvre soit une image d’aspect ordinaire, qui, tout en n’effarouchant personne, attire tout le monde par sa netteté.
Dès qu’un tableau a été fait dans ces conditions, il est constamment entouré par la foule, qui accourt à lui en passant, l’intelligence et les paupières closes, devant Le Massacre de Scio de Delacroix, La Curée de Courbet, Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet.
Le mystère m’est donc révélé. M. Meissonier est accablé d’honneurs et d’argent, parce qu’il a un talent à la portée de tout le monde. Chargez un cocher, un commissionnaire, un auvergnat quelconque de distribuer des médailles, et je suis certain qu’il les donnera toutes à M. Meissonier. Les œuvres de ce peintre contentent pleinement les petits
- La campagne de France
enfants et les grandes personnes, et c’est pour cela qu’il est le maître des maîtres, l’artiste universellement admiré et aimé, celui qui vend le plus cher et qui marche droit à l’immortalité, soutenu par les admirations étroites et mesquines des hommes. Bâtissez sur notre bêtise et notre aveuglement, si vous voulez grandir...".
Symbole, avec Gérôme, des peintres « pompiers », Meissonier mérite, malgré l’académisme évident de sa peinture, d’être réhabilité de cette vision très négative. Ses œuvres sont assez connues dans la mesure où elles ornent régulièrement les manuels d’histoire (la Campagne de France, le Siège de Paris de 1871, la Barricade...).
Le peintre repose sous un médaillon le représentant de profil de C. Champlain. En face de sa tombe, un fauteuil et un prie-Dieu en pierre porte palette et ses initiales.
Dans un bosquet proche se trouvent les sépultures d’autres membres de la famille. C’est en particulier ici que se trouve son fils et élèves, le peintre Charles MEISSONIER (1844-1917). Il fut également l’élève de Jean-Léon Gérôme et exposa pour la première fois au Salon en 1865. Il peignit des scènes de genre à la manière hollandaise comme son père, mais encore plus influencé par le naturalisme, ainsi que des paysages.
L’architecte Victor PONSIN (1840-1898).
Marc TOLEDANO (1917-1986) vécut également à Poissy dont il fut le maire- adjoint. Il est connu pour être l’auteur de plusieurs romans, en particulier du Franciscain de Bourges, ouvrage autobiographique racontant sa rencontre, dans l’univers carcéral de la Seconde guerre mondiale, avec le moine Aloïs Stanke qui, bien qu’enrôlé dans l’armée allemande, soulagea et aida de nombreuses personnes arrêtées et torturées dans les prisons de Bourges. De ce roman, Claude Autant-Lara fit un film qui connut un grand succès.
Il repose dans le caveau familial de son épouse où repose également le peintre Sidney ARBOUIN (1852-1909), ancien élève de Lucien Gros (voir plus haut).
La danseuse Wilfride PIOLLET (1943-2015), à qui Maurice Béjart confia son premier rôle dans Noces en 1965. Elle fut nommée danseuse étoile en 1969. A l’Opéra et dans le monde entier, elle interpréta les grands rôles du répertoire classique avec, entre autres partenaires, Rudolf Noureev, Cyril Atanassoff, Fernando Bujones. Elle forma avec Jean Guizerix un couple pour la danse et la vie qui s’ouvrit aux créations contemporaines. Elle enseigna au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.
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