TOURNEUR Jacques (1904-1977)
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Article de Sud-ouest du 27 mai 2010 illustré grâce aux photos de Marie Beleyme.
« Si vous me trouvez la tombe de Jacques Tourneur, je viens à Bergerac pour le prochain My Beautiful Festival ! » Dans la bouche de Bertrand Tavernier, le défi prend toute sa valeur. Aussitôt dit, aussitôt fait. Christine de Libouton, la programmatrice dudit festival, jubile, après quelques matinées passées dans les cimetières bergeracois.
De retour du Festival de Cannes, où il présentait son dernier film, « La Princesse de Montpensier », le réalisateur, qui n’a qu’une parole, fera halte vendredi à Bergerac, avant d’y revenir cet été pour les Rencontres cinématographiques de Bergerac et du Bergeracois. Une belle tête d’affiche pour ce Beautiful Festival, après Stephen Frears et Jacques Audiard, l’année dernière.
Série B bon marché
Qui, à Bergerac, aurait pensé croiser la route de Jacques Tourneur, petit scénariste parti tenter sa chance à Hollywood, en 1934, avec 40 dollars en poche ? « Pour réussir dans les mines, il faut aller dans le Nord. Pour réussir dans le cinéma, il faut aller à Hollywood ! »
Fort de cette maxime, Jacques Tourneur était rapidement passé du siège de monteur à celui de réalisateur. Son premier long-métrage, « La Féline », une série B bon marché produite par la RKO pour 135 000 dollars, avait alors sauvé le studio après l’échec commercial du « Citizen Kane » d’Orson Welles, en rapportant la bagatelle de 4 millions !
Films fantastiques, westerns, films noirs, c’est dans l’épouvante que « Jack Tourneur » a gagné ses titres de noblesse avec « Vaudou », « Les Griffes du passé », « L’Homme léopard », « Rendez-vous avec la peur » ou encore « Pendez-moi haut et court ».
Le réalisateur travaille avec une méthode bien à lui, en jouant avant tout sur le non-dit et la suggestion pour susciter l’angoisse chez les spectateurs. À l’époque, pas d’effets spéciaux, mais des jeux d’ombre, de lumière, des plans en contre-plongée… Dans « La Féline », le monstre qui fait frissonner le public est en fait une ombre chinoise des mains du réalisateur. Et ça fonctionne !
Victime de la nouvelle vague
Avec les années 1950, Hollywood change, c’est la fin de la grande époque, et Jacques Tourneur rentre en Europe. Persuadé que son aura lui permettra de poursuivre sa carrière dans l’Hexagone, il se trompe. C’est le début de la nouvelle vague, et les ficelles de Jacques Tourneur n’intéressent plus les studios. Dans l’indifférence générale, il s’installe à Bergerac dans la famille de sa femme, et décède en 1977.
Aux portes de la cité de Cyrano, on a retrouvé sa tombe dans le petit cimetière de la Beylive. Bertrand Tavernier, en cinéphile averti, aura permis de retrouver la trace de celui qui a incarné le rêve américain pour une génération de réalisateurs français.
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