BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane

Visités en 1992 puis en 2005
mercredi 15 février 2012
par  Philippe Landru

Barcelone, ville chérie des touristes français : son quartier gothique, ses ramblas, la douceur de vivre de Barceloneta, sa Sagrada jamais terminée, ses expériences architecturales audacieuses de l’Eixample... Il y en a pour tous les goûts dans cette ville magique, et évidemment également pour les taphophiles.

Il ne s’agira pas ici de présenter l’ensemble des trésors funéraires qui se dissimulent à Barcelone (la cathédrale pourra faire l’objet d’un autre article. Rien ne sera dit sur le tombeau de Gaudí à la Sagrada familia...), ni même l’ensemble des cimetières (il y en a bien d’autres), mais simplement de présenter les deux cimetières les plus emblématiques de la ville : l’ancien (Poblenou) et le nouveau (Montjuïc), qui méritent tout deux une belle visite lors de votre prochain voyage.

Entre les deux, j’ai intercalé une étape touristique bien peu connue et pourtant assez fascinante, l’une de celles qui peut plaire aux touristes blasés qui ont l’impression de connaître la cité par coeur : le musée des carrosses funèbres, c’est-à-dire des corbillards !

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Le cimetière de Poblenou

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Appelé également cimetière de l’Est, cimetière général, mais plus encore « Vieux cimetière », le cimetière de Poblenou fut conçu à la fin du XVIIIe siècle pour les mêmes raisons sanitaires qui poussèrent toutes les grandes villes occidentales à faire disparaître leurs anciens cimetières paroissiaux. Il fut commandé et béni par l’évêque de Barcelone José Climent Avinent en 1775, ce qui en fait le plus vieux cimetière de la ville, mais également le plus vieux cimetière « moderne » d’Espagne ! Ce cimetière fut pourtant un échec : trop éloigné des communautés urbaines, il fut boudé par les populations et déclina progressivement : il ne servit bientôt plus que comme dépositoire des exhumations des autres cimetières, et pour l’inhumation des pauvres de l’hôpital. Aussi, lorsqu’il fut détruit par les troupes napoléoniennes en 1813 (il se situait sur le no man’s land que les Français avaient établi par rapport aux murailles à des fins de défense), il n’était déjà plus qu’une ruine !

Un jeune architecte italien, Antonio Ginesi, fut chargé de bâtir, au même endroit, la nouvelle enceinte funéraire, béni par l’évêque Sitjar en 1819. L’expansion de la ville s’était poursuivie et les cimetières paroissiaux étaient totalement saturés (la guerre les avait grandement remplie !), posant les mêmes problèmes d’exhalaisons méphitiques que celui des Innocents causait à Paris. Contrairement à la France, en revanche, où la Révolution avait simplifié les choses, la situation à Barcelone fut plus compliquée dans la mesure où la reconstruction du cimetière fut un casus belli entre les autorités civiles et l’Eglise. Autre complication : Ginesi mourut prématurément en 1824 (il fut enterré dans l’abside de la chapelle du cimetière) et d’autres architectes finalisèrent l’oeuvre.

Les formes néoclassique du cimetière (distribution symétrique de concessions similaires en taille) reflétaient les aspirations politiques et les goûts esthétiques des nouveaux groupes de marchands et fabricants riches de la ville. Ginesi s’inspira de nécropoles méditerranéennes tel le Campo Santo de Pise : un cimetière rectangulaire, entouré par de grands murs, avec une entrée monumentale que s’ouvre à une place semi-circulaire. Le centre du cimetière fut dominé par le mausolée consacré à la mémoire des victimes de l’épidémie de fièvre jaune de 1821, qui fit plus de 6 000 morts à Barcelone.
Autre innovation propre au temps : le cimetière contint non seulement plusieurs pièces et salles destinées aux services liturgiques, mais également des salles conçues à des fins sanitaires et sociales (salle d’autopsie, morgue, salle de préparation des corps, de recueillement pour les familles... ) révélant la modernité de nouvelles pratiques autour de la mort.

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Monument aux victimes de la fièvre jaune

Depuis son inauguration, le Cimetière de Poblenou a subi de nombreuses modifications et agrandissements. La plus importante s’est produite en 1849, lors de l’édification de l’enceinte des Panthéons, où se concentrèrent les principaux tombeaux monumentaux. Là encore, cette édification fut pour les artistes (architectes, sculpteurs...) le moyen de rivaliser en savoir-faire, et pour la bourgeoisie barcelonaise celui de manifester son opulence et son prestige social.

Aspect

L’aspect du cimetière est intéressant car il reflète les réussites, mais également les échecs du plan initial voulu par Ginesi.

Franchie l’entrée monumentale du lieu, le premier espace est le cimetière de 1819 à proprement parlé, à savoir un espace marqué par l’uniformité des niches et l’égalité des pierres tombales. Des allées en forme de couloirs, finalement assez étroits, distribuent l’espace (des escabeaux roulants permettent d’accéder aux cases les plus hautes). Quatre quadrilatère sont ainsi aménagés dans la partie la plus ancienne du cimetière, la partie centrale étant occupée par le monument en mémoire des victimes de la fièvre jaune de 1821. L’espace est délimité dans sa partie centrale par la chapelle.

Mais cette approche n’a pas réussi à convaincre la bourgeoisie catalane qui voulait faire étalage de sa puissance, et l’extension du cimetière par la création de « panthéons » familiaux et de mausolées importants, ne respectant plus l’égalité des surfaces et marquant la nouvelle enceinte du cimetière, atteste d’un changement de mentalités mettant fin à la cohérence du plan d’ensemble de l’origine. La seconde partie du cimetière se caractérise donc par un « cloître » accueillant, contre ses murs, des tombeaux ornés tandis la partie centrale est lotie de tombeaux et de chapelles imposantes. C’est évidemment dans cette extension du cimetière que statues, bustes et ornements sont les plus nombreux.

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Les arcades de l’extension du milieu du XIXe siècle

Aujourd’hui, le cimetière contient un peu plus de 30 000 tombes sur une surface de 54 ha.

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La problématique...
... des morts et des vivants ne saurait être mieux présentée !

Les tombeaux

La monumentalité ostentatoire affichée à Poblenou rend évidemment la visite passionnante au point de vue artistique. Il n’est évidemment pas question de présenter tous les tombeaux ici présents, mais simplement les plus exceptionnels.

Paradoxalement, la tombe la plus célèbre du cimetière ne se caractérise ni par la célébrité de son occupant, ni par sa recherche esthétique : il s’agit de celle du Santet , à savoir Francesc Canals Ambros, décédé en 1899 à l’âge de 22 ans. D’origine modeste, renommé pour sa charité et son altruisme, il bénéficie depuis sa mort de tuberculose d’un culte ininterrompu : baptisé le Saint (Santet), ses adeptes croient en sa faculté d’intercession auprès de Dieu. Non seulement sa tombe est devenue un lieu de pèlerinage pour la piété populaire, mais le petit caveautin qui lui avait été attribué est recouvert de messages, de cadeaux et de fleurs, à tel point qu’il a également fallu monopoliser les caveautins voisins pour pouvoir loger l’ensemble des témoignages de cette foi superstitieuse.

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Le tombeau du Santet...
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... envahissant !
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Une représentation de la Trinité (ce qui est extrêmement rare)

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Tombe de la famille Nadal
L’auteur de ce tombeau s’est inspiré de celui de la Princesse Sofia Czartoryski of Varsovie, réalisé par Lorenzo Bartolini, et visible dans la basilique Santa Croce de Florence. Sous les traits en apparence sereins d’une vieille femme endormie et calme se dissimule une représentation très réaliste de la mort. L’artiste a saisi le moment précis où la dernière contraction du vivant fait place à l’affaissement définitif du mort.
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Tombeau de Sofia Czartoryski de Varsovie
Oeuvre de Lorenzo Bartolini, Santa Croce, Florence.

Le « baiser de la mort » (Beso de la muerte) est la sculpture la plus célèbre du cimetière, et sans doute l’une des plus extraordinaire de l’art funéraire dans le monde. Cette sculpture, faite de marbre en 1930, est traditionnellement attribué à Jaume Barba (signature de l’atelier), mais elle serait en réalité l’oeuvre de Joan Fontbernat Paituví, le gendre du sculpteur.

Les célébrités

Il n’existe aucune célébrité à Poblenou qui soit significativement connue en dehors de l’Espagne. Nous nous bornerons à présenter les principales, de manière succincte.

On trouve ici la famille de Salvador Dali et les parents de Picasso.

- Valentí ALMIRALL i LLOZER (1841-1904), avocat, journaliste et homme politique espagnol. D’idéologie fédéraliste et proche des idéaux de gauche, il est considéré comme l’un des pères du catalanisme politique. Il fut notamment le fondateur de Diari Català en 1879, le premier journal écrit en langue catalane.
- Lola ANGLADA (1893-1984), romancière et illustratrice catalane.
- Xavier BENGUEREL (1905-1990), écrivain.
- CASSEN (Casto Sendra Barrufet : 1928-1991), acteur comique.
- Josep CLAVÉ (1824-1874), politicien et musicien catalan.
- Marià MANENT (1898-1988), poète.
- Narcís MONTURIOL (1819-1885), inventeur espagnol du premier sous-marin à propulsion mécanique utilisant un combustible. Inhumé ici, ses restes mortuaires furent transférés en 1972 au cimetière de Figueres, dans la section de personnalités illustres.
- Narcís OLLER (1846-1930), écrivain et poète espagnol de langue catalane.
- Mary SANTPERE (1913-1992), comédienne et humoriste.
- Carmen TORTOLA VALENCIA (1882-1955), danseuse.
- José Luis de VILLALONGA (1920-2007), le plus connu de cette liste des Français, qui fut écrivain et acteur. De lignée aristocratique et véritable incarnation de l’hidalgo, c’est l’emploi qu’on lui a le plus souvent confié au cinéma, le sempiternel mari ou amant distingué. Il fut l’époux de Madeleine Robinson. Il fut l’auteur du roman Fiesta, qui fut adapté au cinéma par Jean-Louis Trintignant.


Le musée des carrosses funèbres


Encore moins connu que le cimetière de Poblenou, vous ne le dénicherez pas aussi facilement que cela dans vos guides de voyages, décidément trop conformistes. Il est vrai qu’il se trouve dans un quartier peu touristique, et que le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fait pas de publicité tapageuse. En réalité, il s’agit du sous-sol des services funèbres de la ville [2] dans lequel sont exposés des reproductions de carrosses funèbres et des équipements destinés aux enterrements, entre le XVIIIe et le milieu du XXe siècle. Il s’agit tout de même de l’une des plus grandes collections de ce type dans le monde.

La visite est un peu surréaliste : vous donnez votre identité, puis on vous laisse descendre. Peu connu par des touristes qui préfèrent voir autre chose à Barcelone, sans doute méconnu par les locaux eux-mêmes, vous vous retrouvez seul dans ces immenses espaces. Les lumières s’allument les unes après les autres (pour si peu de visiteurs, on ne les laisse pas en permanence) pour faire place à une série de corbillards, présentés plus ou moins chronologiquement.

Rien n’est laissé de coté : des harnachements des chevaux aux stucs macabres parfois sophistiqués, des costumes de « croque-morts » aux règlements administratifs des cimetières.

De vilains mannequins en costume « d’époque » (ils tiennent plus de la boutique de prêt-à-porter cheap que des belles réalisations de Grévin) ajoutera, j’en suis certain, une dimension macabre pour les plus impressionnables.

Le parcours se termine par la présentation des corbillards motorisés de la première moitié du XXe siècle.

Pour tous ceux pour qui la mort est un sujet d’études, il est évident que la visite de ce musée est un must.


Le cimetière de Montjuïc

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Sur la façade maritime de la montagne de Montjuïc, aux portes de Barcelone, l’immense cimetière de Montjuïc occupe une surface de 56 hectares. Le lieu était prédestiné pour voir éclore un cimetière, puisque ce quartier de Barcelone tient son nom de l’appellation Mont Dels Jueus ou la montagne des juifs, en raison de la découverte d’un cimetière juif médiéval. Il devint à sa création le « cimetière neuf », en particularité au regard du « vieux cimetière » de Poblenou, mais son nom d’origine était « cimetière du Sud-Ouest ». Il fut inauguré le 17 mars 1883 par le maire de Barcelone, Rius i Taulet. Le projet du cimetière faisait partie du programme d’améliorations que ce maire avait entrepris pour agrandir et moderniser la ville, l’optique étant l’Exposition Universelle de 1888. Le cimetière fut donc créé dans le contexte innovateur et industriel de cette Barcelone « fin de siècle ». Il avait été rendu nécessaire par la croissance démographique de la ville. De fait, une bonne partie de cette nécropole n’est qu’une réplique de l’Eixample barcelonais. Les grandes familles qui au tournant des XIXe et XXe siècles faisaient construire leur maison moderniste dans l’Eixample barcelonais, commandaient aussi la construction de leur mausolée dans ce cimetière. Les architectes, sculpteurs et verriers contribuèrent, entre autres artistes, à créer les plus beaux exemples d’architecture et de sculpture funéraire. Ainsi, dans cette enceinte silencieuse, le visiteur trouvera des œuvres de Josep M. Jujol, Josep Puig i Cadafalch ou Eusebi Arnau. Le cimetière lui-même fut édifié selon les plans de Leandro Albareda (1852-1912), un architecte municipal qui avant de le construire visita les nécropoles étrangères les plus intéressantes.

Pour l’anecdote, José Fonrodona Riva, le 19 mars 1883, en fut le premier occupant : c’était un Indien qui avait été maire de Matanzas (Cuba), et ses héritiers payèrent 20 pesetas pour sa sépulture ! Aujourd’hui, il regroupe plus de 150 000 sépultures, dont une majorité se présente sous la forme de compartiments superposés sur plusieurs niveaux, afin de réduire leur emprise au sol.

Il est toujours en service bien qu’un immense cimetière intercommunal ait dû être créé en périphérie de la ville en 1972 en raison de la raréfaction des emplacements disponibles, ce cimetière œcuménique qui a prévu dès sa fondation des périmètres réservés aux non catholiques a été modernisé avec la création d’un crématoire et de jardins dédiés à la dispersion des cendres, la mise en place d’un service de navettes ou encore l’installation d’un système électronique de localisation des tombes.

Aspects

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Des escaliers, vue parfois vertigineuse vers les paliers inférieurs.

C’est un cimetière pour taphophiles courageux ! Le dénivelé de la colline constitue autant de paliers successifs que l’on peut remonter par deux moyens différents : des escaliers assez raides pour la voie la plus courte, et des pentes inclinées montant progressivement, mais évidemment plus longues. Magnifié par le cinéma d’Almodovar, littéralement cramponné à la colline, ce cimetière, surtout dans sa partie basse, est tout simplement magnifique : il se présente à la manière d’un jardin anglais avec des chemins sinueux, des points de vue changeants... La végétation y est très abondante : des cyprès évidemment, mais aussi des plantes tropicales et des conifères. Avec ses abris bus entre les allées, ses échelles roulantes (étonnant ! Elles permettent d’accéder aux columbariums en hauteur) et ses millions de cubes à repos éternel, il laisse un souvenir de ravissement.

Montjuïc est grand, très grand, et il ne se lit pas aisément quand on y est. La principale raison est qu’il existe en réalité quatre cimetières en un seul : la vieille partie bourgeoise et aristocratique, la plus intéressante évidemment, où les tombeaux rivalisent de mégalomanies, et où se dessine, ici comme dans tous les grands cimetières occidentaux, l’évolution artistique du funéraires du XIXe siècle aux années 30 ; le cimetière des « classes moyennes », le plus grands, constitué pour l’essentiel de petites niches formant autant de barres d’immeubles assez désagréables à la vue et saturées de soleil ; une autre partie pour les populations les plus indigentes, et enfin, particularité du lieu, El fossar de la Pedrera, ensemble commémoratif édifié sur le lieu où se trouvaient les fosses communes dans lesquels les Franquistes déposèrent les corps de plus de 4000 opposants. Les inégalités sociales maintenues dans la tombe, toujours la même problématique !

Aujourd’hui, le cimetière comprend :
- un centre de crémation (3 des 7 incinérateurs de la ville sont ici)
- un jardin du repos pour la dispersion des cendres
- le « Jardí dels Aromes » (jardin aromatique) : cet espace récent (2009) permet d’inhumer dans un jardin des urnes biodégradables, et d’y planter une plante aromatique d’espèce méditerranéenne.
- le « Jardí de la Mediterrània » : Situé sur les hauteurs du cimetière, ce lieu inauguré en 2010 est similaire à un bois où l’on peut disperser les cendres et planter un arbre méditerranéen.

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Un site parfois étrange
Vue étonnante sur le port à containers de Barcelone, deux aspects de la ville très différents.

Les panthéons et monuments imposants

Pour un Français qui ne connaît pas les personnalités catalanes, l’intérêt d’une visite dans ce cimetière est avant tout esthétique : comme tous les cimetières méditerranéens, Montjuïc propose des tombeaux somptueux très divers (du néobyzantin au néogothique en passant par le neo-tout-et-n’importe-quoi) que les visiteurs, selon leur sensibilité, trouveront grandioses ou de mauvais goût.

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Tombe Gitane
Le couple est représenté sur la tombe, plus grand que nature.

En réalité, même les photos ne retranscrivent pas la démesure méditerranéenne des cimetières, qui fait que la première découverte de ce type de nécropole est pour le taphophile une initiation époustouflante !

Partout, ce ne sont qu’anges, pleureuses, enfants souriants ou vieillards inquiets, bustes, médaillons, cryptes, temples, colonnes... Les sentiments évoqués sont toujours les mêmes : face à la mort, regard nostalgique vers la vie pour les uns, résignation ou colère, attente inquiète pour les autres...

Les traits méditerranéens sont présents (comme à Nice, comme à Rome ou à Athènes...). Ici, on fait dans l’emphase assumée : les pleureuses déversent des torrents de larmes, les afflictions entraînent des quasi pertes de conscience des anges !

Parmi tous les tombeaux, quelques uns se signalent particulièrement : c’est le cas de celui du professeur d’anatomie Farreras y Framis, sur lequel un squelette gisant est plus vrai que nature...
... ou encore de cette tombe d’un homme assis dont on a voulu rappeler les qualités professionnels (un bas-relief représente des usines, dont il était sans doute propriétaire), mais que la mort, sous les traits d’un squelette saisissant sous un suaire, vient chercher pour son inexorable destin...

El Fossar de la Pedrera

Ce lieu se trouve dans un coin caché du cimetière. Il a été utilisé en tant que fosse commune pour 4000 personnes exécutées par le régime de Franco, particulièrement pendant les années 1940. Aujourd’hui, c’est un espace dissimulé du reste du cimetière par des falaises formées par l’exploitation de carrières au XIXème siècle. A l’entrée se trouve une demi-douzaine de piliers en pierre couverts des noms des victimes qui ont été déposées dans les charniers.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, seules quatre personnes ont été tuées sur Montjuic. Dans la plupart des cas, les victimes arrivaient dans des camions au petit matin des prisons de Barcelone. Parmi ses hommes figuraient Lluys Companys, président de la généralité de Catalogne, fusillé après avoir été livré par la Gestapo française. Ses restes furent transférés ici en 1985. (voir plus loin).

Le lieu est devenu lieu de commémoration : une cérémonie s’y tient tous les 15 octobre, qui célèbrent les victimes du franquisme de tendances différentes (socialistes, communistes, républicains conservateurs...), à l’exception notable des anarchistes.

Célébrités : les incontournables...

Certaines personnalités incontournables pour les Catalans ne le sont pas forcément pour les Français. J’ai indiqué ici les quatre personnalités connues des Français (Samaranch ne l’est que parce qu’il n’est pas mort depuis longtemps).

Si vous voulez retrouver des personnalités dans le cimetière de Montjuïc, il vous faut impérativement un plan (à moins que cela n’ai changé, d’attendez rien du cimetière lui-même). Il en existe un sur le net [Vous pouvez le trouver ici] qu’il vous faudra réactualiser (Los Angeles et Samaranch n’y figurent pas, par exemple).

Ah, j’oubliais : règlement imbécile fondé sur rien sinon une vision liberticide et préhistorique, il est interdit de faire des photos dans le cimetière ! Ne soyons pas durs avec nos voisins espagnols (encore que chez eux, cette interdiction concerne, théoriquement, tous les cimetières) : nous sommes tout aussi crétins dans pas mal de communes de France ! Ce site, les centaines de photos de Montjuïc, les millions de photos de cimetières que vous pourrez trouver sur le net, sont les réponses les plus adaptées aux règlements rédigés par on ne sait quels petits chefaillons municipaux qui ne mériteraient rien de mieux que des retraites anticipées sans solde !

- Isaac ALBÉNIZ
- Victoria de LOS ÁNGELES
- Joan MIRÓ
- Juan Antonio SAMARANCH (1920-2010), responsable sportif espagnol, notamment secrétaire aux sports du régime franquiste et président du Comité international olympique (CIO) de 1980 à sa mort.

...mais aussi

Il est évident qu’un grand nombre de personnalités qui firent l’histoire de Barcelone, de la Catalogne, voire de l’Espagne reposent ici. Nous ne présenterons que les principales de manière succincte. On remarquera le poids considérable laissé par la cicatrice de la Guerre civile, faisant en bien des points de ce cimetière un lieu majeur de commémoration des victimes du franquisme.

- Leandro ALBAREDA (1852-1912), architecte du cimetière.
- Carmen AMAYA (1913-1963), danseuse de flamenco.
- Francisco ASCASO (1901-1936), militant anarcho-syndicaliste espagnol membre de la Confederación Nacional del Trabajo (CNT).
- Hans BEIMLER (1895-1936), député communiste allemand qui vint combattre avec les Brigades Internationales. Il fut tué dans la bataille de Madrid.
- Federico BELTRÀN-MASSES (1885-1949), peintre.
- Joaquín BLUME (1933-1959), champion d’Europe de gymnastique.
- Mario CABRÉ (1916-1990), torero, acteur et présentateur TV.
- Francesc CAMBÓ (1876-1947), politicien conservateur plusieurs fois ministre.
- Josep CARNER (1884-1970), poète et dramturge, mort en exil en Belgique.
- Ramon CASAS (1866-1932), peintre et affichiste Catalan, il fut le promoteur du modernisme catalan. Il est surtout connu pour ses portraits et caricatures de l’élite catalane, espagnole et française.
- Ildefons CERDÀ (1815.1876), ingénieur des Ponts, urbaniste, architecte, il réalisa en 1859 sa grande œuvre, le plan d’extension de Barcelone, l’Eixample, resté célèbre comme Plan Cerdà. Ce plan symétrique figure sur sa tombe.
- Lluís COMPANYS (1882-1940), avocat et homme politique catalan, il fut président de la Généralité de Catalogne de 1934 à sa mort. Exilé en France après la Guerre civile espagnole, il fut livré au régime franquiste par la Gestapo et exécuté à Montjuïc, au cri de « Per Catalunya ! » (« Pour la Catalogne ! »).
- Buenaventura DURRUTI (1896-1936), une des figures principales de l’anarchisme espagnol avant et pendant la guerre d’Espagne.
- Antonio ESCOBAR (1879-1940), general de la Guardia civil, il soutint, malgré ses opinions catholiques, la République et mourut exécuté par les Franquistes.
- Josep Lluís FACERIAS (1920-1957), militant guérillero antifranquiste et anarchiste.
- Francisco FERRER GUARDIA (1859-1909), anarchiste, libre-penseur et pédagogue espagnol, fondateur en 1901 de l’École moderne, un projet de pédagogie rationaliste.
- Hans GAMPER (1877-1930), joueur suisse de football, il fut le fondateur et huitième président du FC Barcelone. Il a également co-fondé le FC Zurich en 1896.
- José Agustín GOYTISOLO (1928-1999), écrivain, poète et traducteur.
- Àngel GUIMERÀ (1845-1924), dramaturge et poète catalan.
- Francesc LAYRET (1880-1920), avocat nationaliste et républicain, il fut assassiné.
- Hipólito LÀZARO (1887-1974), ténor.
- Anselmo LORENZO (1841-1914), militant anarchiste et syndicaliste, considéré comme un des précurseurs de l’anarchisme en Espagne. Il fut le fondateur de la section espagnole de la première Internationale puis il participa à la création de la CNT (Confederación Nacional del Trabajo) en 1910.
- Francesc MACIÀ (1859-1933), militaire, et homme politique catalan, d’idéologie catalaniste et républicaine, il fut président de la Généralité de Catalogne et l’un des fondateurs des partis Estat Català (1922) et Esquerra Republicana de Catalunya (1931).
- Raquel MELLER (1888-1962), chanteuse et actrice de cinéma espagnole, elle est considérée comme l’une des plus grandes figures du music-hall parisien de 1919 à 1937, tête d’affiche de l’Olympia, de l’Alhambra, et surtout ayant fait des revues au Casino de Paris et au Palace.
- Apel.les MESTRES (1854-1936), écrivain et musicien, figure littéraire de la Catalogne.
- Frederic MOMPOU (1893-1987), compositeur et pianiste catalan.
- Manuel de PEDROLO (1918-1990), écrivain et journaliste.
- Ángel PESTAÑA, (1886-1937), leader anarchosyndicaliste espagnol.
- Enric PRAT de la RIBA (1870-1917), avocat, journaliste et homme politique espagnol conservateur, il fut le fondateur de l’Institut d’Estudis Catalans et l’un des principaux artisans du renouveau du catalanisme politique au XIXe siècle.
- Salvador PUIG I ANTICH (1948-1974) : anarchiste catalan, il fut la dernière personne exécutée par garrot par les Franquistes le 2 mars 1974. Un film éponyme a été tourné sur lui, avec Christian Bruhl dans le rôle titre.
- Montserrat ROIG (1946-1991), journaliste et écrivaine catalane, elle s’investit beaucoup dans le combat féministe.
- Santiago RUSIÑOL (1861-1931), peintre espagnol symboliste et post-impressionniste, auteur et dramaturge.
- Josep Maria de SAGARRA i DE CASTELLARNAU (1894-1961), écrivain catalan dont l’œuvre participa à la renaissance de la littérature catalane.
- Joan SALVAT-PAPASSEIT (1894-1924), écrivain et poète catalan, considéré comme le plus grand représentant de la littérature catalane futuriste.
- Salvador SEGUI I RUBINAT (1887-1923), un des principaux leaders du mouvement anarchosyndcaliste de Catalogne au début du XXe siècle.
- Juan VENTOSA CALVELL (1879-1959), politicien et économiste, plusieurs fois ministre d’Alphonse XIII.
- Jacint VERDAGUER (1845-1902), poète catalan.
- Rafael VIDIELLA I FRANCH (1890-1982), leader communiste catalan, il fut le fondateur du P.S.U.C
- Ernesto VILCHES (1879-1954), acteur.
- Francesc VIÑAS (1863-1933), tenor
- Amadeus VIVES I ROIG (1871-1932), compositeur de zarzuelas.
- Ricardo ZAMORA (1901-1978), gardien de but et entraîneur espagnol de football, il est considéré comme l’un des meilleurs gardiens de but de l’histoire de ce sport.


Toutes les photos de cet article sont les miennes, à l’exception de l’essentiel des célébrités du cimetière de Montjuïc, prises sur le net (Wikipedia, Findagrave...).


[1POBLENOU
C/Taulat, 2
08005 BARCELONA
Téléphone : 934841700
Entrée : Avda. Icaria
Autobus 36-41-92
Métro Line 4 « Llacuna »

[2Adresse : c/ Sancho de Avila, 2, 08018 Barcelona. Il existe un site mais je n’ai rien trouvé sur le musée en lui-même : www.sfbsa.es

[3MONTJUÏC
C/Mare de Deu del Port, 54-58 08038 BARCELONA
Téléphone : 934841700
Entrée : Ronda del litoral exit 19 C/Mare de Deu del Port
Autobus 38
Bus inside area 637 (holiday)


Commentaires

Logo de E.Pascual
BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane
dimanche 7 décembre 2014 à 14h16 - par  E.Pascual

magnifique site pour un superbe cimetière, un incontournable méconnu de la capitale catalane, très émouvant

BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane
jeudi 8 mai 2014 à 10h10

Bonjour

J’aimerai connaitre où se trouve l’emplacement de la tombe de Francisco Ascaso

Bien cordialement

Logo de christophe
BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane
jeudi 15 mars 2012 à 20h58 - par  christophe

Très beau travail !

Concernant les tombes de Buenaventura Durruti et Francisco Ascaso, une investigation fut menée par le biographe de B. Durruti, Abel Paz :
http://www.red-libertaria.net/noticias/modules.php?name=News&file=article&sid=1399

Logo de claude drouhin
BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane
vendredi 2 mars 2012 à 12h21 - par  claude drouhin

C’est un travail considérable, remarquable et admirable ! Merci.

Logo de MARRY Ghislain - EVIGNY (Ardennes)
BARCELONE : le patrimoine funéraire de la cité catalane
mercredi 15 février 2012 à 22h38 - par  MARRY Ghislain - EVIGNY (Ardennes)

Une petite remarque dans le remarquable article consacré aux cimetières de Barcelone :

Le député communiste allemand Hans BEIMLER est venu combattre en 1936 les Nationalistes espagnols , avec les « Brigades Internationales » et non les « Brigades Rouges » !

Logo de MARRY Ghislain - EVIGNY (Ardennes)
mercredi 15 février 2012 à 22h43 - par  Philippe Landru

Ah, voici une coquille bien savoureuse Ghislain !

Brèves

Mise à jour et conseils aux contributeurs

samedi 29 octobre 2022

Je suis en train de remettre à jour toutes les rubriques qui listent le plus exhaustivement possible le patrimoine funéraire de tous les départements. Tous les cimetières visités par moi (ou par mes contributeurs) y sont portés, mise-à-jour des couleurs qui n’étaient pas très claires dans les versions précédentes (le noir apparaissait vert), rajout de tombes depuis les visites, photos de tombes manquantes... N’hésitez pas à les consulter pour y trouver la version la plus globale du patrimoine. Ces rubriques représentent les listes les plus complètes que l’on puisse trouver sur le net du patrimoine funéraire français.

Contrairement aux articles, vous ne pouvez pas interagir sur les rubriques : aussi, si vous avez une information nouvelle à apporter sur un département, merci de laisser votre message en indiquant clairement le département et la commune concernée sur un article dédié uniquement à cela : Le patrimoine funéraire en France : classement par départements

Merci et bonne lecture.

Qui est derrière ce site ?

vendredi 14 février 2014

Pour en savoir un peu plus sur ce site et son auteur :

- Pourquoi s’intéresser aux cimetières ?
- Pourquoi un site sur les cimetières ?
- Qui est derrière ce site ?