GÉRARD de SURESNES (Gérard Cousin : 1961-2005)
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S’il ne fut pas au sens stricte du terme une « célébrité », je suis prêt à parier que pas mal de monde se souviendra de lui. Il faut dire que l’énergumène marqua de sa présence une émission improbable de la radio, devenue culte de nos jours.
Pour ceux qui ne connaissent pas le personnage, il ne sera pas évident de le présenter. Gérard Cousin était un de ceux qui avait raté le train de la réussite : orphelin, il dut abandonner la carrière de chauffeur routier qui était sa vocation en raison d’un accident. Il perdit son emploi, sa compagne, et plongea dans la spirale du déclassement et de l’alcoolisme. Il s’installa dans une cité à Suresnes (d’où son pseudo), vivant des aides sociales.
C’est en écoutant la radio qu’il découvrit l’émission phare Lovin’ Fun et par là même Fun Radio. Il décida d’appeler depuis la cabine téléphonique de sa cité, et récita des poèmes de sa composition, les fameux « Poèmes de Gérard ». Ayant amusé l’animateur, il fut invité dans les studios.
C’est ainsi qu’il se vit offrir en 1996 sa propre émission de radio libre hebdomadaire : les Débats de Gérard. Dès lors, l’émission ne laissa pas indifférent : pour les uns, elle était un pathétique « dîner de con » radiophonique, florilège d’inepties débité par un ivrogne et ses « prétendus » auditeurs. Pour d’autres, elle fut une émission culte, symbole d’une liberté bien aseptisée depuis des radios libres, dont Gérard était un philosophe surréaliste.
L’émission, qui dura tout de même six ans, s’arrêta brusquement suite à une allusion à Hitler (on peut penser qu’on cherchait depuis un certain temps à se débarrasser du loufoque et qu’on saisit l’occasion). Gérard retourna à la précarité, n’ayant en outre reçu aucun contrat de travail durant ses six années à l’antenne. Il quitta la banlieue parisienne et s’installa à Montluçon où il mourut trois ans plus tard d’un cancer.
Il repose sous une tombe très humble du cimetière de Désertines, mais on peut imaginer qu’il est régulièrement visité, en particulier par des routiers qui suivaient ses débats nocturnes : des petits camions sont déposés au pied de cette tombe, où des admirateurs ajoutèrent une plaque hommage :
Gégé, laisse nous te dire merci pour tes poèmesGégé, laisse nous te dire merci pour tes débatsGégé, laisse nous te dire merci pour tes conseilsGégé, laisse nous te dire merci pour tout ce que tu nous a donnéTes auditeurs ne t’oublient pas
En 2016, un groupe de fans a lancé une cagnotte Leetchi pour financer une tombe pérenne : 178 participations ont permis de collecter plus de 5.000 euros. L’exhumation et la réinhumation ont eu lieu tôt le vendredi 7 juillet 2017, en présence de quatre personnes.
Merci à Bruno Pignon pour la photo.
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