SAINT-MALO (35) : cimetière de Lorette
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Situé sur la commune de Saint-Servan, désormais intégrée à Saint-Malo, le cimetière de Lorette est un grand cimetière urbain sans aucun charme, alignement de divisions dont on conserve quelques tombes anciennes en façadisme, tandis que l’intérieur des impeccables quadrilatères qui forment les sections est sans cesse renouvelé. Soyons honnête : hormis l’absence de vieux tombeaux, il n’a pas moins de charme que celui de Rocabey qui n’en a guère.
Il faudrait bien de l’abnégation pour parcourir l’intégralité des tombes. On y trouverait certainement quelques caveaux ou identités intéressantes. Lors de ma visite, j’en ai retrouvé certaines. Certes, on est loin ici des grands de ce monde, mais quelques personnalités valent que l’on s’attarde sur elles.
La "star" du lieu, section 24, est méconnue de tous, hormis des fans de BD qui ne peuvent ignorer son nom : il s’agit de ROB-VEL (Robert Velter : 1909-1991). Sa création ? Rien moins, en 1938, que le personnage de Spirou [1], gamin espiègle et débrouillard, roux comme un écureuil, qu’on aurait pu croire né d’une cervelle belge [2] ! Il est à noter que son épouse, Blanche Dumoulin (+1975) qui fut la première scénariste de la série, ne semble pas reposer avec lui (sans doute s’était-il remarié). Sa tombe est discrète (il faut guetter la sépulture Le Men-Branchu), tout comme l’est la très jolie plaque "vintage" qui célèbre son illustre création.
En dehors de lui, on notera également la présence :
Le général de division Paul-Marie BRAULT (1837-1899), qui fut Chef du cabinet militaire du ministre Freycinet avant de devenir, peu de temps avant sa mort, chef de l’EM de l’armée.
Amand DAGNET (1857-1933) : connu également sous les pseudonymes de A. J. D. de la Herblinais et de Romain du Croizé, ce professeur folkloriste et poète fut un écrivain d’ouvrages historiques sur le folklore, le langage, les traditions en Bretagne et en Mayenne.
Le Compagnon de la Libération Bernard DEMOLINS (1918-2012) : gaulliste fervent, il participa notamment à l’opération de Dakar, à la campagne du Gabon, à la campagne d’Érythrée, à la campagne de Syrie où il fut blessé, à la bataille d’El Alamein, au débarquement de Provence, à la campagne d’Italie, à la bataille du Garigliano où il se distingua bien que blessé, au débarquement en Provence, à la campagne de France, à la bataille d’Alsace. A sa mort, il était l’un des tout derniers officiers survivants du 22e bataillon de marche nord-africain (BMNA), unité de l’armée d’Afrique qui inspira le film Indigènes, sorti en 2006. Après des obsèques aux Invalides, il fut inhumé en ce cimetière.
Auguste DIÈS (1875-1958) : prélat, docteur ès lettres, helléniste, doyen de la faculté des lettres d’Angers, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il n’avait pas le goût du dogme et des systèmes et fut un historien de la pensée. Historien de la grécité classique, des origines à Aristote, son œuvre dépassa très largement ce domaine puisqu’il donna des articles sur l’histoire des mathématiques et de la médecine. Il fut toutefois le spécialiste de Platon et du platonisme, qui restèrent le centre de ses occupations d’érudit.
Le missionnaire laïc Jean-Baptiste DUCHESNE (1832-1908), frère de l’académicien Louis Duchesne, fut un pionnier de l’Orégon. Il était inhumé avec sa mère dans la section 13 du cimetière. Bertrand Beyern avait constaté qu’en 2006, la tombe était en reprise. Malgré mes recherches, je ne l’ai pas retrouvée.
La peintre Guillemette LELARDOUX-CHANU (1924-1996) : artiste figurative des paysages marins de la Rance, elle était issue d’une famille d’artistes.Son père Lucien CHANU(1900-1969), ancien élève des beaux-arts de Rennes, repose d’ailleurs avec elle.
Le vice-amiral Auguste Joseph VERON (1819-1901), qui participa notamment à la guerre de Crimée et à l’intervention française au Mexique où il se distingua par son action. Il devint plus tard contre-amiral commandant une division maritime, puis vice-amiral commandant en chef et préfet maritime. Élu sénateur d’Ille-et-Vilaine en 1885, il s’opposa au gouvernement et chercha à promouvoir la construction navale par les arsenaux français ainsi que la flotte de pêche (6ème division, face à la 5ème).
Photos Veron : seynaeve
[1] Bon, certaines sources considèrent que le vrai créateur est le peintre Luc Lafnet, avec lequel il travaillait en collaboration.
[2] Bien qu’il l’ai créé pour les éditions belge Dupuis.
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