MEUDON (92) : cimetière des Longs Réages
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Le cimetière des Longs Réages, commencé en 1856, fut ouvert la même année et complètement achevé en 1857 : il remplaçait le vieux cimetière situé derrière l’ église Saint-Martin fermé parce que totalement occupé. Approchant lui-même la saturation vers 1910, il fut remplacé par le cimetière de Trivaux à partir de 1922.
La bourgeoise et discrête commune de Meudon a toujours attirée un grand nombre de personnalités, aussi nombre d’entre-elles se retrouvent dans son cimetière. Il est vrai que malgré sa taille modeste, comme nous allons le voir, le cimetière ancien de la ville contient un nombre impressionnant de gloires, plus ou moins oubliées de nos jours. Une particularité : dans cette partie de l’ouest parisien, pas de vedettes tapageuses ou de grands commis de l’industrie. Ce sont plutôt des cadres supérieurs aux fonctions intellectuelles qui résident ici. Incroyable que dans un si modeste enclos, pas moins de six membres de l’Institut, dont trois académiciens français, reposent ! Pas de démesure non plus : un seul buste pour tout le cimetière, et des ornementations finalement assez rares. C’est parti pour la visite...
Curiosités
A l’entrée du cimetière, une plaque rappelle la mémoire de trente sapeurs aérostiers qui quittèrent Meudon pour Madagascar en 1895.
Au fond du cimetière, l’ossuaire porte l’inscription : Habitants fidèles de Meudon, Que veillent sur vous, Ceux qui vous ayant remplacés, Aiment ce que vous avez aimé.
Le cimetière possède la tombe de François Druesne, l’une des victimes de la catastrophe aérienne d’Ermenonville du 3 mars 1974.
Quelques belles chapelles et tombes notables :
- A l’entrée du cimetière, une massive chapelle sort du lot tant par sa taille que par son ornementation : c’est celle de la famille Herrmann Oppenheimer. Réalisée par Paul Dechard, l’intérieur, dans laquelle se trouve une crypte, est malheureusement dévastée.
- L’arrière de la chapelle Millet offre un très beau bas-relief subtilement ouvragé : un ange tenant un bébé entre deux femmes agenouillées. On remarquera également les motifs végétaux qui encadre le vitrail, malheureusement disparu.
- Le monument sépulcral du lieutenant J. Chauré, bâtit à une date imprécise pour commémorer l’ accident mortel survenu le 25 septembre 1909 à l’ occasion duquel le dirigeable République tomba à Trévol, Allier, tuant les aéronautes qui le pilotaient (voir aussi l’article sur Crash aérien du dirigeable République du 25 septembre 1909).
- Le tombeau de l’ingénieur des télégraphes Charles Bontemps (+1884), réalisé par l’architecte Jean-Marie Boussard.
- L’unique buste du cimetière se trouve sur la tombe d’un jeune garçon (Mitrovic).
- La belle chapelle Casadavant, famille de propriétaires des verreries de Sèvres.
- La chapelle Dillé (en reprise) contient un petit médaillon de Louis Merley.
Célébrités : les incontournables...
Louis Ferdinand CÉLINE
Bertrand POIROT-DELPECH
Jacques ROUFFIO
Contrairement à ce qu’on lit trop souvent, la comédienne Renée Faure ne repose pas dans ce cimetière mais dans le cimetière ancien de Boulogne-Billancourt.
... mais aussi
Le père Pierre AUBRY (1874-1910), musicologue et archiviste paléographe à l’École Nationale des Chartes, qui donna un nouvel élan à la recherche médiévale. Il enseigna à l’Institut Catholique et l’École des Hautes Études Sociales. De 1897 à 1904, il contribua à la Tribune de Saint-Gervais, journal de la Schola Cantorum. Il obtint également un diplôme en langue arménienne et entreprit un voyage à travers l’Asie centrale, après quoi il publia plusieurs articles sur l’Eglise arménienne et sur la musique dans le Turkestan. Il publia des articles sur la musique médiévale, les trouvères et les troubadours. A l’intérieur de sa chapelle, une longue épitaphe retrace sa carrière. Un médaillon en bronze y est également contenu.
José de BÉRYS (Joseph Bloch : 1883-1957) : écrivain français, il collabora à de nombreuses revues et journaux, en particulier dans le domaine du théâtre. Auteur de romans, de pièces de théâtre et de pièces radiophoniques, monteur de revues (Bataclan, théâtre des deux ânes, Gaieté Rochechouart...), il se fit surtout connaître en tant qu’auteur de pièces pour le répertoire du Grand-Guignol, très en vogue à l’époque. Dans sa tombe (d’où son identité est quasiment illisible) repose également sa fille, Francine BLOCH (1916-2005), critique littéraire pour Les Cahiers du Sud, qui effectua des reportages pour des périodiques et écrivit des contes et des nouvelles pour des hebdomadaires (Elle…). Elle entra en 1949 à la Bibliothèque nationale de France, département de la phonothèque dans le cadre de laquelle elle effectua près d’une centaine d’interviews de personnalités de tous les horizons. Repose également ici son époux, l’écrivain Emile DANOËN (Emile Orvoën : 1920-1999), chroniqueur et auteur de romans dont Une maison soufflée aux vents, qui reçut en 1951 le Prix du roman populiste.
L’architecte Henri BLANCHE (1857-1945).
Marcel BRION (1895-1984) : romancier, essayiste et historien
de l’art français, ce spécialiste de la Renaissance italienne et de l’Allemagne romantique fut élu à l’Académie française en 1964. Collaborateur régulier pour La Revue des Deux Mondes et Les Nouvelles littéraires, Marcel Brion dirigea pendant vingt ans la rubrique Littérature étrangère du quotidien Le Monde. Il contribua à faire connaître au public français des auteurs tels que Rainer Maria Rilke, James Joyce ou encore Dino Buzzati. Son fils, Patrick Brion, critique et historien du cinéma, est la « voix » du Cinéma de minuit de France 3.
La comédienne et fantaisiste Mathilde CASADESUS (1921-1965), qui débuta au cinéma en 1943 et tourna dans 25 films. Au théâtre, elle interprétera également de nombreux rôles. Fantaisiste, elle inventa le personnage de "Ghislaine", jeune fille snob. Fille du violoniste Marius Casadesus, elle appartenait à cette légendaire famille d’artistes.
Le capitaine Gérard de CATHELINEAU (1921-1957), descendant de l’illustre chef chouan Jacques de Cathelineau, qui servit durant la Seconde Guerre mondiale et en Indochine. Il mourut en Algérie.
Le journaliste polonais Charles Edmond CHOJECKI (1822-1899) : essayiste, poète, romancier et dramaturge, cet activiste de la seconde insurrection polonaise et du Printemps des Peuples fut un grand voyageur. Officier supérieur de la guerre de Crimée, commmissaire du parc Egyptien à l’exposition universelle de 1867, il fut co-fondateur du Temps et bibliothécaire-en-chef du Sénat. Il fréquenta l’élite culturelle et politique de son époque.
Le vicomte Armand Charles Alexandre DIGEON (1826-1892), qui était Pair de France.
L’organiste Marcel DUPRÉ (1886-1971) : professeur d’orgue au Conservatoire de Paris à la mort de Gigout, il forma un très grand nombre de musiciens, en particulier Olivier Messiaen, Marie-Claire Alain ou encore Pierre Cochereau. Il succèda à Widor en 1934 comme titulaire du grand orgue de Saint-Sulpice, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort. Il composa également pour l’instrument.
L’historien Gustave FAGNIEZ (1842-1927), membre de l’Institut (E, bordure face à la F)
Le félibre aquitain Elie FOURÈS (1846-1909).
Le peintre Raymond GALOYER (1896-1961). Sa tombe est ornée d’un bas-relief représentant une contrebasse et une palette.
La famille d’éditeurs parisiens GAUME. Dans cette chapelle reposent également le prêtre et théologien Jean-Joseph GAUME (1802-1879), auteur de nombreux ouvrages, pour la plupart parus chez ses frères, éditeurs, sur la théologie, l’histoire et l’éducation ; ainsi que son frère, le chanoine de Paris Jean-Alexis GAUME (1797-1869).
La chapelle de famille GAUPILLAT, industriels spécialisés dans la fabrication des munitions. Parmi eux repose Jean GAUPILLAT (1891-1934), coureur automobile qui se tua durant un Grand prix de Dieppe.
Stéphane GSELL (1864-1932) : archéologue et historien français, spécialiste de l’Afrique antique et de l’Algérie romaine, il fut titulaire de la chaire d’histoire de l’Afrique du Nord au Collège de France de 1912 à 1932. Son oeuvre capitale est l’Histoire ancienne de l’Afrique du Nord rédigée entre 1913 et 1929. Il fut élu en 1923 à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
L’archéologue Fédor HOFFBAUER (1839-1922), essentiellement connu pour ses époustouflantes et magnifiques maquettes et reconstitutions de Paris parues dans son Paris à travers les âges, ouvrage toujours très apprécié. Un certain nombre de ces gravures ornent certains de mes articles, tel celui sur le cimetière des Innocents.
Georges HOURDIN (1899-1999) : journaliste français fortement marqué par sa foi chrétienne. Partisan du dialogue, désireux de rendre l’Eglise plus évangélique, plus communicative, plus accessible, il fut le fondateur des Publications de La Vie Catholique (Télérama, La Vie, Famille magazine...). Il écrivit également de nombreux articles dans Le Monde et L’Express. Père de huit enfants (dont une enfant trisomique : il légua sa maison afin d’en faire une maison de retraite pour personnes atteintes de cette maladie), auteur d’une trentaine de livres, il mourut centenaire.
Bertrand JÉRÔME (Bertrand de la Rosière : 1926-2006) : comédien, animateur et créateur d’émissions radiophoniques français, il fut à l’origine pour France-Culture , avec Françoise Treussard, de plusieurs émissions : Allegro Ma Non Troppo (1975-1983), Mi Fugue - Mi Raisin (1975-1983), Le Cri du Homard (1983-1984), Les Décraqués (1984-2004) et surtout Des Papous dans la tête, émission très populaire qu’il anima jusqu’en 2004. Toutes étaient fondées sur la création de jeux littéraires à contraintes, soumise à une équipe de créateurs, invités réguliers de ces émissions. Il fut l’un des fondateurs de la SCAM.
Le peintre et sculpteur Michel JOUENNE (1933-2021) de l’Ecole de Paris qui réalisa de nombreuses natures mortes avant de devenir peintre de la Marine.
Le résistant René LEDUC (1901-1983), qui fut maire de Meudon et député de 1958 à 1962.
Edouard LEUGE-DULAURIER (1807-1881) : orientaliste et égyptologue, il enseigna à l’INALCO où il créa une chaire de malais. Contributeur majeur du Recueil des historiens des croisades pour la partie arménienne, pour lequel il traduisit et édita les sources, il devint membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
La soprano espagnole Lina LLUBERA-PROKOFIEV (Carolina Codera : 1897-1989) qui connu un destin mouvementé : première épouse du compositeur Prokofiev, elle fut évincé par la poétesse Mira Mendelssohn. Ayant suivit son époux à Moscou, elle se retrouva de fait prisonnière de l’Etat soviétique et délaissée par son époux. Sa tentative avortée de fuite se solda par une incarcération au goulag. Elle n’obtint de quitter l’URSS qu’en 1972. A partir de cette date, elle partagea son temps entre Londres et Paris, cherchant à récupérer ses droits sur l’héritage Prokofiev (ils ne furent jamais officiellement divorcés : le mariage fut simplement "annulé" par les autorités soviétiques). Elle tint à se faire inhumée à Meudon où reposait la mère du compositeur, Maria Grigoryevna Prokofieva (1862-1924), décédée lors de la période d’exil de la famille Prokofiev. Elles reposent sous une dalle contemporaine du cimetière.
Le peintre d’histoire et de mythologie de style académique Jules MACHARD (1839-1900), prix de Rome en 1865, exposé de nos jours aux musées de Besançon, Strasbourg, Chartres et Rouen. S’il est bien inhumé ici, il dispose également dans ce cimetière d’un cénotaphe réalisé par son oncle, le sculpteur Gustave Crauk, bien connu des amateurs de cimetières. Ce cénotaphe comporte un médaillon en marbre tenu par un ange en pleurs.
Alberto MAGNELLI (1888-1971) : peintre abstrait florentin, il fréquenta à
partir de 1911 les futuristes italiens. Les rencontres qu’il fit lors d’un voyage à Paris en 1914 (en particulier Juan Gris, Apollinaire et Picasso) lui firent franchir la barrière de l’abstraction. Installé définitivement à Paris en 1931, il développa une abstraction rigoureusement rythmée et colorée.
Le coureur automobile Philippe MAILLARD-BRUNE (1910-2007), qui était
à son décès le doyen dans sa catégorie. Il participa à de très nombreux Grands prix et fut vainqueur des24 heures du Mans en 1934, du Bol d’Or en 1934,1935 et 1936.
René MEKKI (1919-2002), qui fut député de l’Algérie de 1958 à 1962.
Eugène MILON (1859-1917) : Compagnon Charpentier du Devoir, il fut l’ingénieur qui dirigea le montage de la Tour Eiffel. Je n’ai pas retrouvé sa tombe. (div B)
L’éditeur parisien Charles PANCKOUCKE (1780-1844), qui publia en 1819 la première édition officielle de la Correspondance inédite de Napoléon en sept volumes. Il était évidemment parent de son homonyme au Père Lachaise.
Max PAPART (1911-1994) : peintre-collagiste contemporain franco- américain, il se fixe à Paris en 1936 où il devint ami d’Alberto Magnelli, dont la tombe est en face de la sienne. Il illustra des ouvrages de bibliophilie, enseigna l’imprimerie à l’Université de Paris VIII à Vincennes de 1969 à 1973, puis conçut des bijoux d’après ses propres peintures. Son épouse, la poétesse Andrée CARAIRE (1925-2011), repose à ses cotés.
L’architecte Léopold PETIT (1837-1911).
Le chimiste Charles Guillaume PETIT (1848-1921), qui fut l’inventeur de la
similigravure. Dans le même caveau (Billaudot) repose également Michel BILLAUDOT (1909-1984), inventeur de la croix sonore.
L’archéologue Jean-Baptiste PIKETTY (1827-1894) repose dans l’une des tombes les plus insolites de toute l’Ile-de-France : passionné par la découverte des richesses mégalithiques de la région camacoise , il décida d’acheter un dolmen pour en faire son caveau de famille ! Il sélectionna un des dolmens de Kerran en Saint-Philibert. Démonté, puis amené à Meudon par la voie ferroviaire, il fut remonté pierres par pierres !
L’écrivain René-Victor PILHES (1934-2021), qui reçut le prix Fémina en 1974 pour l’Imprécateur.
L’ingénieur Henri POULAIN (mort en 1922), qui assista Fulgence Bienvenüe dans la réalisation du métro. Je n’ai pas retrouvé sa tombe.
L’ingénieur en mécanique Philippe ROLLAND (1812-1885), qui fut directeur de la Manufacture des Tabacs dont il perfectionna la production industrielle. Il était membre de l’Académie des Sciences qu’il finit par diriger. Avec lui repose Amédée HAUVETTE (1856-1908), qui fut professeur titulaire de la chaire de Poésie grecque à la Faculté des lettres de Paris. Ils reposent dans la chapelle Rolland et Kretz.
Adolphe SIMONIS-EMPIS (1795-1868) : homme de lettres français, inspecteur général des bibliothèques et directeur du Théâtre-Français de 1856 à 1859, il fut l’auteur de poèmes, de pièces de théâtres et de livrets d’opéra tous plus oubliés les uns que les autres. Cela ne l’empêcha pas d’être élu à l’Académie française en 1848 ! Son identité est quasiment illisible sur sa tombe.
François STAHLY (1911-2006) : sculpteur appartenant à la nouvelle École de Paris, il s’installa à Meudon en 1949. Il enseigna ensuite jusqu’en 1965 dans de prestigieuses universités américaines et réalisa de nombreuses œuvres à Los Angeles, New York, San Francisco et Seattle. De nombreuses édifices publics français, en particulier universitaires, sont également ornés de ses oeuvres : Labyrinthe de la faculté des Sciences de Jussieu et Mémorial du général de Gaulle de la Porte Maillot à Paris, décor de la patinoire de Vitry-sur-Seine, fontaine du Parc Floral de Vincennes. Il fut élu membre de l’Académie des beaux-arts en 1992. Il repose sous une sculpture épurée de sa compagne, Parvine Curie.
Jean-Pierre SUDRE (1783-1866) : peintre et graveur français, ancien élève de David, il fut le lithographe d’Ingres.
René ZUBER (1902-1979) : photographe et écrivain français, reporter de 1927 à 1961, il voyagea de par le monde et se servit aussi du cinéma comme moyen d’expression. Il fut l’un des plus fidèles représentants de la Nouvelle Objectivité photographique. Une oeuvre d’art abstraite orne sa tombe.
Le peintre Jacques WÉLY (1873-1910), illustrateur de la Belle Epoque (div B)
Merci à Emmanuel Desurvire pour ses informations et ses photos concernant Charles Edmond CHOJECKI, à qui il a consacré un site (http://www.charles-edmond-chojecki.com).
Merci à Laurent Chopin pour le complément photo.
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