SAINT-OUEN (93) : cimetière parisien (partie ancienne)
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Le cimetière parisien de Saint-Ouen ne doit pas être confondu avec le cimetière communal de Saint-Ouen, qui se trouve dans le centre-ville. Exilé proche du périphérique, ce cimetière parisien fut à l’origine le troisième cimetière de Montmartre (son nom était d’ailleurs anciennement "Montmartre Saint-Ouen"). Il fut édifié dans la zone non lotie aux abords des fortifications, entre la Porte de Clignancourt et celle des Poissonniers, pour faire face à l’engorgement du cimetière Saint-Vincent.
Le cimetière se présente aujourd’hui en deux parties, séparées par une rue guère utilisée (on parle de joindre à terme les deux parcelles) : la partie ancienne, dite également "petit cimetière", ouvrit ses portes en 1858, tandis que la partie plus moderne, formant l’essentiel de la surface, ouvrit en 1872. L’ensemble occupe 27 ha, soit une fois et demi la superficie du cimetière Montparnasse !
Le cimetière de Saint-Ouen est un cimetière de déshérités : tout y respire la tristesse, malgré le soin apporté à border ses avenues de végétations. Il n’est guère visité, pas même par une "clientèle de quartier". Bordé par des lignes de chemin de fer sur lesquelles stationnent des TGV vides en attente de contrôle, il est un alignement de pauvres monuments devenus souvent illisibles et pour beaucoup en piteux état, et de dalles modernes ajoutant à la monotonie grise. Dans sa partie ancienne, les reprises sont nombreuses, laissant certaines divisions comme exangues de tombes.
Seule la passion pour ces endroits délaissés et, disons-le, le grain de folie, peuvent expliquer ma recherche systématique dans toutes ses allées de la moindre petite trace de célébrités ou de monument insolite. En terme de monumentalité nécropolitaine, on a ici pas grand chose à se mettre sous la dent. La présence de célébrités, rarement des "pointures" mais le plus souvent des oubliés, rend néanmoins la recherche intéressante.
Cet article ne traite que de la partie ancienne : le grand cimetière de 1872 fait l’objet d’un autre article : voir le cimetière de St-Ouen : partie récente.
curiosités
quelques trop rares statues ou stèles sculptées. L’ensemble du cimetière ne possède que deux bustes : celui d’une femme âgée dans la 6ème division et celui d’un homme dans la chapelle Poinsot (9ème division).
une petite pyramide un tantinet anachronique : celle de V. Coquiard dans la 7ème division.
une femme "décapitée" sur la tombe Siriou dans la 9ème division.
la tombe de Louis-Alfred LECONTE de L’ISLE (1823-1887), le frère du célèbre poète parnassien.
célébrités : les incontournables ...
Alphonse ALLAIS
Suzanne LENGLEN
... mais aussi
Plusieurs des célébrités présentées ici sont intimement liées à Montmartre, rappelant la vocation première du cimetière. Comme nous allons le voir, ce sont essentiellement des artistes que l’on y trouve, même si ceux-ci ne font pas partie des plus connus.
Le dramaturge et un marchand d’estampes français Octave BERNARD (1869-1953).
l’homme de lettres Ferdinand BOROSTYANY (1848-1902).
Le photographe Pierre "Etienne" CARJAT (1828-1906), à qui l’on doit les portraits des figures les plus connues de son époque : Rossini, Dumas-père... Il fut en particulier l’auteur de l’unique portrait non flou d’Arthur Rimbaud (devenu iconique) et celui de Charles Baudelaire. Il fut inhumé au cimetière parisien de Pantin puis transféré ici le 20 mars 1947.
Le peintre espagnol Carlos CASAGEMAS (1881-1901), connu pour son amitié avec Pablo Picasso. Ils partagèrent quelques temps un atelier à Barcelone. Financièrement plus à l’aise que Picasso, c’est lui qui proposa et subvint en grande partie aux frais de leur premier voyage à Paris à la fin de l’année 1900. Tandis que Picasso s’épanouit progressivement, Casagemas sombra dans la dépression suite à une déconvenue amoureuse. Il se suicida d’une balle dans la tête dans le Café de l’Hippodrome, porte de Clichy. Picasso absent lors du drame et profondément marqué par cet évènement peignit, six mois plus tard, trois toiles du défunt dont le célèbre portrait posthume de son ami dans son cercueil La Mort de Casagemas. Picasso dit plus tard que c’est le choc du suicide de son ami et cette toile en particulier qui initia sa période bleue. Il repose dans la 7ème division.
Maurice COGNACQ (1870-1949), gouverneur de la Cochinchine de 1921 à 1926, il fut vivement attaqué par André Malraux pour ses méthodes autoritaires. Il repose avec le compositeur Léo Pouget dans la 3ème division.
Roland CHARMY (voir LASKINE)
le compositeur Paul DELMET, qui repose dans la 10ème division.
l’homme de lettres Eugène FOURRIER PERINGUE (1850-1903), inhumé dans la 2ème division.
le pianiste Samson FRANÇOIS, inhumé dans la 6ème division.
le compositeur Louis GANNE (1862-1923) : élève de Massenet et de César Franck, on lui doit à la fois des opérettes charmantes dans leur temps, en particulier les Saltimbanques, mais également des marches patriotiques, telles la Marche Lorraine et le Père la Victoire. Chef d’orchestre des Bals de l’Opéra, Louis Ganne travailla également pour les Folies Bergères et le Casino de Paris. Il repose dans la 9ème division.
la comédienne et sociétaire de la Comédie Française Marcelle GENIAT (Marcelle Weissmann : 1881-1959) . Elle avait mené une carrière assez longue, commençant dans le muet dans les années 10 et jouant au cinéma jusque dans les années 50. On se souvient de sa participation à la Belle équipe de Julien Duvivier, ou encore Manon des Sources, de Pagnol. Sa tombe, dans un état déplorable, est devenue quasiment illisible : seules se devinent les quelques lettres du début de son nom (Weissmann). Elle est surmontée d’une jardinière rectangulaire dans le même état.
Napoléon HAYARD (1850-1903), « l’Empereur des camelots » de la capitale à la fin du XIXe siècle. Personnage haut en couleur, il passa à la tête de son armée de camelots, du camp républicain radical à l’antisémitisme militant. Il mourut en 1903, renversé par l’une des premières automobiles. Son épitaphe proclamait : Avec lui disparaît un type curieux auquel son activité, son intelligence et, il faut ajouter, son bon coeur, ont conquis la population sympathique qui lui valut son pompeux sobriquet d’Empereur des camelots. Les Journaux. Sa tombe, placée dans la 4ème division, se trouve ligne 2, tombe 71 sud.
le peintre Georges JOUBIN (1888-1983). Elève de Jean-Pierre Laurens puis des Beaux-Arts, il fut à l’origine en 1929 de la création de l’éphémère école de Montmartre (avec, entre autres, Pierre Bonnard, Dignimont ou Jules Pascin). Sa peinture n’est pas sans rappeler le style des Nabis, une peinture franche, colorée et sans nuance qui a encore des amateurs.
dans le même tombeau reposent l’écrivain Roland CHARMY (1885-1959), son fils, le violoniste Roland CHARMY (1908-1987), qui fut professeur au Conservatoire et qui forma toute une génération d’artistes, et l’épouse de ce dernier, la harpiste d’origine russe Lily LASKINE (1893-1988), qui fut la première femme à intégrer l’orchestre de l’Opéra de Paris, devint soliste et enseigna son art au Conservatoire. Un prix musical porte aujourd’hui son nom. Ils reposent ensemble dans la 10ème division.
le peintre et graveur sur bois André MARGAT (1903-1997), qui se spécialisa dans les représentations orientalisantes, et en particulier la peinture animalière. Il repose dans la 10ème division.
le peintre Ernest PERNELLE (1861-1950), qui fut l’élève de Guillement, et auquel on doit de nombreux pastels. Attaché à Montmartre (il possédait un atelier rue Saint-Rustique), il représenta les monuments aujourd’hui disparu de ce quartier, telle la maison de Berlioz. Il fut l’auteur de fresques dans la salle des mariages de la mairie du XVIIIe arrondissement.
le compositeur Léo POUGET (1875-1930), à qui l’on doit des mélodies, des musiques d’opérette, mais également la bande musicale de La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. Il repose dans la 3ème division avec Maurice Cognacq.
le graveur Jules ROBERT (1843-1898), qui collabora à plusieurs journaux (l’Illustration, l’Histoire des Peintres). Il fut également l’auteur de plusieurs billets de banque. Un petit médaillon en bronze -le seul du cimetière- qui le représente orne sa tombe. Il est inhumé avec Auguste Thevenin dans la 9ème division.
la comédienne Jane SOURZA (Jeanne Sourzat : 1902-1969). Originaire de Montmartre, elle fut le modèle de la gouailleuse typiquement parisienne. Des années 30 aux années 60, elle interpréta un grand nombre de rôles au cinéma, mais les plus âgés se souviennent surtout d’elle, à partir de 1937, pour son duo radiophonique avec Raymond Souplex Sur le banc, où tout deux jouaient un couple de clochards refaisant le monde, et qui connut un énorme succès à une époque où la télévision n’existait pas. Elle repose dans la 9ème division.
le chanteur Emile-Alexandre TASKIN (1853-1897). Issu d’une lignée de musicien, descendant du célèbre Couperin, ce baryton s’illustra à l’Opéra comique et fit un grand nombre de premières, en particulier celle des oeuvres de Massenet.
le graveur Auguste THEVENIN (1856-1921), élève de Jules Robert avec lequel il est inhumé dans la 9ème division. On lui doit plusieurs timbres français.
le journaliste sportif Alex VIROT (1890-1957), qui fut le premier à suivre les coureurs cyclistes lors du Tour de France dans les années 30, et qui se tua en moto lors du Tour 1957 qu’il couvrait pour Radio Luxembourg. Contrairement à ce qui est écrit dans certains guides, il repose bien dans la 10ème division de l’ancien cimetière et non dans celle du grand.
Repose dans ce cimetière (partie ancienne ou nouvelle)
le peintre Charles ATAMIAN (1872-1947) [1]
Le présentateur Roger FÉRAL (Lazareff) +1964) [2]
Le peintre Marcel MONTREUIL (+1976)
Le peintre René SCHÜTZENBERGER (+1916) [3]
Le poète et romancier anarchiste Georges VIDAL (+1964) [4]
[1] 16ème division, 7,23
[2] 16ème division, 11,10
[3] 19ème division 1ère section, 2,62
[4] 24ème division, 1, 31
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