Morne-à-l’Eau : un cimetière pas comme les autres en Guadeloupe
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À une quinzaine de kilomètres de Pointe-à-Pitre, sur Grande-Terre, se situe la commune de Morne-à-l’Eau, une petite ville réputée pour son cimetière.
L’auteur de ce site a un lien particulier avec ce lieu puisque plusieurs de ses ancètres y reposent.
À l’occasion de la fête de la Toussaint, si vous êtes en Guadeloupe, ne manquez pas de vous rendre au cimetière de Morne-à-l’Eau. Ici, pas de recueillement triste et silencieux. Le 1er novembre, c’est d’abord une fête et les abords du cimetière risquent d’en surprendre plus d’un !
Un peu d’histoire
Morne-à-l’Eau est connue, en Guadeloupe, pour sa fête du crabe (à Pâques) et comme la ville natale du footballeur Jocelyn Angloma. Mais c’est son cimetière qui lui assure une réputation internationale. « Il est connu jusqu’au Canada ou en Espagne », se félicite Guy Nouvier, le président de l’Association pour la protection et la promotion du patrimoine de Morne-à-l’Eau.
Ce généalogiste mornalien est passionné par ce site unique et en connaît les moindres recoins ; vous le croiserez peut-être dans les allées du cimetière qu’il vient étudier à ses moments perdus. Il se fait alors une joie de guider les touristes. En plein centre de cette commune animée du cœur de la Grande-Terre, les 1800 tombes s’étagent sur les flancs d’un splendide amphithéâtre naturel, parsemé d’une végétation au vert typiquement tropical. Sous un soleil généreux, il inspire moins la mélancolie que ses homologues des pays tempérés. D’autant plus que le marbre ou le granit aux couleurs si sombres sont proscrits ; l’immense majorité des caveaux sont en effet construits en ciment et surtout en carrelage de faïence.
Question couleur, le blanc éclatant prédomine, avec quelques touches de fantaisies : certains défunts reposent sous des tombes d’un bleu ou d’un rose discret. « On reconnaît même sur certains carreaux des motifs déjà vus dans les salles de bain », s’amuse Guy Nouvier. Mais la grande originalité du cimetière tient aux motifs en damier noir et blanc qui ornent la majorité des sépultures, donnant à l’ensemble des airs de grand échiquier.
Pourquoi les tombes sont-elles ainsi décorées ?
À vrai dire, il n’y a pas de certitude sur l’origine du motif. Probablement a-t-il simplement plu… « On peut y voir l’opposition du yin et du yang, de la vie et de la mort, interprète le spécialiste, sinon encore, le blanc est symbole du deuil en Afrique, tandis que c’est le noir en Europe : on a l’alliance des deux ».
Illumination nocturne
Les caveaux sont parfois très ouvragés. Certaines familles ont fait appel à des architectes pour construire leur dernière demeure. L’un des plus imposants est celui des Moutoussamy. Il s’agit d’un véritable « pavillon » sur deux niveaux, avec son petit escalier, sa terrasse et sa porte-fenêtre. En fait, beaucoup de tombes ressemblent à de petites maisons ; « certaines ont des toits en pente comme les cases créoles », remarque Guy Nouvier. Les plus sobres sont les plus anciennes, comme celle de la famille Dévarieux, des « blanc-pays », qui date de 1847. Cette date paraît assez récente, quand on sait que la colonisation de la Guadeloupe remonte au XVIIe siècle.
Mais l’histoire de Morne-à-l’Eau n’est pas beaucoup plus longue, puisque le bourg a été fondé en 1827. « À cette époque encore, beaucoup de morts étaient enterrés sur les plantations, et seuls les plus riches, les familles nobles, avaient les moyens de s’offrir une belle sépulture. » Même dans les cimetières, on ne mélangeait pas les maîtres et les esclaves. Aujourd’hui, toutes les couches de la société sont représentées, de la famille de planteurs békés au modeste agriculteur, en passant par une fondatrice du Parti communiste guadeloupéen, des musiciens…
La Toussaint jour de fête
Comme chaque année, quinze jours environ avant la Toussaint commence un grand nettoyage. Les jeunes du village proposent leurs services, histoire de se faire un peu d’argent de poche. Les mauvaises herbes sont arrachées, on repeint les tombes afin qu’elles soient belles pour la fête des morts.
Celle-ci revêt une grande importance en Guadeloupe, où un deuil est partagé par tous, où la tradition des veillées mortuaires reste encore vivace. Le 1er novembre au soir, les familles se retrouvent pour se recueillir sur les tombes de leurs défunts dans une ambiance de fête. Vendeurs de bokits, de pistaches (les cacahuètes) et de sinoballs envahissent alors les abords du cimetière qui se pare d’un halo doré, reflet des centaines de bougies qui illuminent les tombes. Un cimetière à visiter… Pour information, le 2 novembre est jour férié aux Antilles
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