NOIRET Philippe (1930-2006)
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Les nécrologies fleurissent et rappellent les grandes lignes : un élève cancre ayant échoué trois fois au bac, un amoureux de la littérature, des chevaux et de la campagne. Un début de carrière au théâtre tout d’abord, avec sept années passées au TNP à jouer le répertoire classique, tandis qu’avec Jean-Pierre Darras, il présentait un duo comique dans les cabarets tels que l’Ecluse ou les Trois baudets.
Puis c’est la consécration publique avec le cinéma. 145 films, où son physique lui fait jouer les rôles de M. Tout le monde sans pourtant le limiter : Zazie dans le métro, Alexandre le Bienheureux, Cinéma Paradiso, le Facteur, les Ripoux... Il y eut les scandales, tel celui de la Grande bouffe, mais aussi les films ayant conquis le plus large public, au premier rang duquel figure à l’évidence le Vieux fusil.
Son inhumation à Sainte-Clotilde rendue publique, une foule immense y participa, accompagnée, selon la formule, de « toute la grande famille du cinéma ». Il repose à proximité de Francis Girod, inhumé deux jours auparavant, et face à Jean Poiret, en bordure de division.
les obsèques de Philippe Noiret
22 ans que je fréquente les cimetières, mais pas l’habitude d’aller aux enterrements de stars (trop de monde, trop de vivants, pas à ma place...). Je décide d’y aller cette fois ci avec quelques uns : Marie, le vieux compère Hugo, le taphophile américain Steeve et son épouse... On ne manque pas d’y retrouver d’autres habitués, venus aussi pour l’occasion.
15H00 : il y a encore peu de monde (certains sont à Ste Clotilde). Des registres de condoléances ont été mis à la disposition du public.
15H30 : la foule arrive. Des barrières de protection ont été mises en place pour assurer le passage de la famille et des VIP vers le caveau. Philippe Noiret sera bien placé, sous un arbre, entre Jean-Baptiste Cadore, duc de Champagny (qui n’a pas vu autant de monde depuis bien longtemps) et le très oublié dramaturge Félicien Mallefille, dont le médaillon d’Adam Salomon luit sous la jolie lumière de fin d’après-midi.
Un employé, engoncé dans son costume trop étroit, n’arrête pas d’aller et venir : grisant d’être l’attention d’un public qui attend l’arrivée du cortège.
16H00 : l’employé revient pour annoncer que le convoi a du retard, et n’arrivera pas avant 17h00. La lumière décroît. Beaucoup restent à leur place, d’autres, qui croyaient avoir les meilleures places, se voient repousser à l’intérieur de la division... Jettent-t-ils seulement un oeil sur la tombe de Conté ou des statuaires Ramey ? Et l’on se met à songer : combien de temps faudra-t-il avant de venir sur la tombe de Noiret avec un vieux bout de pain pour lire des inscriptions devenues désormais illisibles ? (pour les non-habitués, le pain rassi est ce qu’il y a de mieux pour rendre lisible les vieilles inscriptions sans abimer la pierre). A ce moment là, il ne se passe rien, mais la foule est totalement silencieuse ou chuchotte... cela fait sourire les habitués ! L’employé revient « je rappelle qu’il est interdit de prendre des photos avec le portable ». Et avec un appareil photo, c’est possible ?
Le public est âgé. Commentaires volés : « moi, j’étais aux obsèques de Joséphine Baker à la Madeleine », « moi j’étais à celles de Piaf au Père Lachaise », « c’est Jean rochefort qui porte le cercueil » (l’info se révélera fausse), « y’aura Villepin »... Beaucoup ont regardé une énième fois le Vieux fusil hier soir : savent-ils seulement qu’à quelques mètres de là repose Robert Enrico ?
Un peu avant 17h00, la foule s’agite : viennent d’arriver Francis Perrin et Claude Rich visiblement émus...un peu plus loin suit Michel Boujenah. Une limousine s’arrête : en descend Sonya Rykiel. La valse des VIP commence.
Deux fourgons arrivent, une foule suit : du premier, on sort le cercueil de Philippe Noiret et des gerbes immenses de fleurs oranges... de la part du théâtre de la Madeleine, de la part de Jacques et Bernadette Chirac... De l’autre : des fleurs encore. Devant le caveau ouvert, quatre rangs de sièges. Des personnes âgées viennent prendre place. Soudain, avec l’arrivée de la famille, Monique Chaumette en tête, c’est tout le cortège qui défile. Et la foule d’osciller entre silence respectueux et bruits étouffés quand on a reconnu quelqu’un. Bertrand Blier, Bertrand Tavernier qu’accompagne Sabine Azéma, Anouck Aimée et Kad (de kad et olivier), l’occasion de voir des distributions peu habituelles. Suivent Claude Pinoteau, Thierry L’Hermitte dans des baskets très « djeuns », Charles Berling... et puis tout ceux dont on connaît la tête mais dont on ne se souvient plus du nom !
Quelques flashs crépitent, malgré les interdictions.
Le prêtre fait une rapide homélie pour un Philippe Noiret qui n’était pas connu pour être un paroissien fidèle. Il rappelle qu’il y a dans la foule des gens de toutes croyances mais poursuit en demandant à tous de prier Jésus Christ. Ces cérémonies ne ressemblent à rien : on pense à la famille, sincèrement peinée, et on se demande si la présence de tant de monde les réconforte ou relève du voyeurisme. Et nous qui, pour une fois dans un cimetière, faisons du vedettariat autre que nécropolitain.
Certains se lamentent : Deneuve n’est pas venue au cimetière, Villepin non plus... Oui mais il y a des compensations : Lhermitte n’était pas à l’église !
La nuit tombe maintenant. Vedettes et anonymes redescendent ensemble l’allée principale.
A la sortie, une foule de journalistes attendent. Par la petite porte sort, l’un après l’autre, la grande assistance, face à ces rangées d’appareils : on snobe le quidam, mais il ne faudrait pas louper une star ! Boujenah s’engage, on se jette sur lui mais il détale. Nous, on rigole bien : on a vu la rangée de minibus, vitres teintées, sagement garées face à Boucicaut. Ca ne manque pas : la lourde porte s’ouvre, les trois bus sortent sous le crépitement des flashs. Ils vont en avoir des photos surexposées de Berling et Tavernier pour les tabloïds de demain ! Suit la limousine de Rykiel : elle aussi aura les yeux rouges sur plus d’une photo. La porte se referme. Rideau.
- la tombe en avril 2007
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