OINVILLE-SUR-MONTCIENT (78) : cimetière
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En ce jour de Journée internationale de la Femme, je réponds à une question que se posent nombre de taphophiles : où est inhumée Françoise Giroud ?
Entouré par des prairies où s’ébrouent des chevaux, il règne une douce quiétude dans le minuscule cimetière de Oinville. On y pénètre par un vaste portail, semblable à ceux des fermes, disproportionnés vu l’exiguïté du lieu. Le cimetière est tout en pente. Quelques vieilles stèles côtoient quelques tombes plus récentes.
Parmi celles-ci, une attirera votre attention : sur une tombe en mauvais état, on lit avec difficulté les inscriptions suivantes :
IciEG 1884-1959etSG 1884-1927ont été inhumés ensemble le 6 octobre 1959Alain DANIS1941-1972
EG et SG, ce sont Elda Gourdji et Salih Gourdji, tous deux juifs ottomans et parents d’une certaine France Gourdji, plus connue sous son pseudonyme de Françoise Giroud. Alain Danis était son fils : il mourut prématurément dans un accident de ski.
Brève histoire de ce tombeau : en 1927 mourut à l’Asile Ville-Evrard de Neuilly-sur-Marne le journaliste Salih Gourdji, victime de paralysie. Il fut en un premier temps inhumé au Père Lachaise. Sa veuve mourut en 1959 et fut inhumée en un premier temps au cimetière Montparnasse, à Paris. En octobre 1959, les deux corps furent donc réunis au cimetière de Oinville, où vint les rejoindre treize ans plus tard Alain Danis.
Et Françoise dans tout-cela ?
Françoise GIROUD (Léa France Gourdji : 1916-2003) commença à travailler en 1937 comme scripte puis scénariste pour le cinéma. Lors de la Seconde Guerre mondiale, elle devint agent de liaison pour la Résistance - ce qui lui valut d’être arrêtée par la Gestapo -, un engagement idéologique qu’elle confirma par la suite en s’opposant à la guerre d’Algérie. Devenue directrice de rédaction pour le magazine Elle à sa création, la journaliste fit déjà preuve de son investissement pour la cause des femmes, plus de vingt ans avant d’intégrer un poste de secrétaire d’Etat à la condition féminine. En 1953, Françoise Giroud fonda avec son compagnon, Jean-Jacques Servan-Schreiber, le magazine L’Express, qu’elle dirigea jusqu’en 1974. Très impliquée dans la politique, cette membre du parti radical socialiste soutint avec ferveur Pierre Mendès-France puis François Mitterrand avant de se rallier au gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing et à la modernisation sociale qu’il promettait. Secrétaire d’Etat à la culture, elle envisagea de briguer un siège à la mairie de Paris avant de se désister et de renoncer à la politique en 1979. C’est à cette période que la journaliste devint écrivain, auteur de plusieurs ouvrages sur les coulisses de la politique tels que La Comédie du pouvoir ou Le Bon Plaisir, qui fut porté à l’écran. Toujours présente dans la sphère du journalisme, éditorialiste au Nouvel Observateur, Françoise Giroud resta, jusqu’à sa mort, une femme d’action et d’engagement.
En janvier 2003, à la sortie d’une première à l’Opéra-Comique, elle glissa dans le grand escalier et se fractura le crâne contre un pilier. Elle mourut quelques jours plus tard à l’hôpital. Elle détestait les cimetières : elle fut crématisée au Père Lachaise, et ses cendres furent dispersées dans un lieu qu’elle affectionnait ; la roseraie du parc de Bagatelle au Bois de Boulogne.
Dans ce même cimetière, on ne manquera pas cette étonnante tombe de facture contemporaine représentant une mouette sur des vagues.
Parmi les sources : Alix de SAINT-ANDRÉ, Garde tes larmes pour plus tard, Gallimard
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