DECAZEVILLE (12) : cimetière de Miramont
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Decazeville est une ville récente : à partir d’un petit bourg ancien, le ministre Decazes fondait au début du XXe siècle, dans le contexte d’une Révolution industrielle balbutiante, cette ville qui prit son nom en 1929. Fondée sur l’extraction du charbon, elle connut les crises de la reconversion et les friches industrielles actuelles, son habitat populaire, témoignent des grandes saignées de la mutation économique de la France.
Les premières concessions accordées au cimetière de Miramont remontent pourtant à 1835. Il est la "grande" nécropole de la ville divisée en plusieurs morceaux à flanc de colline, témoignant de cette histoire : beaucoup de tombeaux humbles, une statuaire réduite à peu de choses...
Certains tombeaux gardent l’empreinte du passé minier de Decazeville.
Au milieu de cette modestie, un tombeau détonne : gigantesque, en grande partie ruiné, il présente à son entrée deux statues (un homme et une femme) décapitées. Il s’agit du mausolée Cabrol.
Decazeville. Le mausolée Cabrol bientôt restauré [1]
Le mausolée Cabrol, sis au cimetière de Miramont, devrait être prochainement réhabilité. François-Gracchus CABROL (1793-1882) fut le directeur-fondateur des mines et des usines de Decazeville, s’impliquant totalement dans sa mission aux côtés du duc Decazes, qui lui apporta les garanties financières. François Cabrol fit d’un champ bucolique traversé par le Riou-Mort un grand centre industriel français. Il fut député de l’Aveyron à partir de 1846. Ce Ruthénois de naissance décida de reposer dans la ville qu’il avait fait naître et croître. De son vivant, François Cabrol fit élever son mausolée. Présentons l’édifice pour ceux qui ne le connaissent pas. Il est composé d’une imposante chapelle, munie de magnifiques rosaces.
à l’intérieur ; se trouvait un autel, détruit par l’effondrement d’une partie du toit, et de superbes fresques murales effacées par des infiltrations (elles sont visibles sur un plan au local de l’ASPIBD). La chapelle servait d’espace cérémoniel lors des enterrements. Elle surmonte une crypte où repose François Cabrol, son épouse et élie Cabrol, leur fils, qui ne s’est pas marié. L’entrée de la crypte est précédée de deux grandes statues de marbre, le deuil et la foi, aujourd’hui étêtées. En outre, le mausolée se trouve au centre d’une immense concession, peut-être l’une des plus grandes de France, précise Lucien Orsane, entourée par un mur d’enceinte de 38 m sur 28 m, soit plus de 1 000 m2. Plusieurs tombes parsèment la concession et de l’abbé Fourgous, qui était franc-maçon.
Depuis sa création, en 1997, l’ASPIBD s’inquiète de l’état de délabrement d’un monument singulier, en partie méconnu, qui s’inscrit dans la mémoire collective de la cité. Une issue favorable voit enfin le jour.
Parmi les défunts se dresse le tombeau -lui aussi anonyme ! - de la célébrité locale, Paul RAMADIER (1888-1961). Avocat de formation, il fut député socialiste de l’Aveyron à plusieurs reprises de 1928 à 1958. Ministre du Front Populaire, il en fut l’un des artisans principaux. Il refusa de voter les pleins pouvoirs à Pétain, entra dans la Résistance et fut inscrit, en raison de son action durant la guerre, sur la liste des justes de Yad Vashem. Plusieurs fois ministre après 1945, il devint le premier président du Conseil de la IVème République durant l’année 1947. Son court mandat est fondamental dans un contexte de Guerre Froide naissante : éviction des communistes du gouvernement qui mit fin au Tripartisme, adhésion au Plan Marshall, insurrection malgache, statut de l’Algérie...
Sa carrière politique dure jusqu’en 1959 : en 1956 encore, il est ministre des Affaires économiques et financières du gouvernement Mollet. A ce titre, il favorise l’instauration de la troisième semaine de congés payés et la création du fonds national de solidarité en faveur des vieillards économiquement faibles, dont il prévoit que le financement sera assuré par les recettes de la vignette automobile, cette fameuse et impopulaire vignette qui lui est désormais rattachée et qui ternit très injustement le reste de son action sociale.
Maire de Decazeville de 1919 à 1941 puis de 1945 à 1959, il était logique qu’il y soit enterré. On peut trouver sa tombe sur les hauteurs, dans la partie droite du cimetière.
Miramont sur les traces du Père Lachaise ? [2]
Et si Miramont devenait un Père Lachaise à la Decazevilloise ? On n’en est pas encore là et il n’en sera sans doute jamais tout à fait ainsi. Bien sûr. Toutefois, par la volonté de la municipalité et de son maire Jean Reuilles, le principal cimetière de la ville pourrait bien devenir un de ces jours un haut lieu touristico-culturel. En effet, le premier élu considère que l’endroit présente suffisamment d’atouts pour qu’on les mette (enfin) en valeur. Évidemment, dans cette logique, le mausolée Cabrol tiendrait une place centrale. Passablement dégradé par le temps et surtout l’action idiote de quelques individus malintentionnés, le Somptueux monument funéraire a bien besoin d’une restauration en bonne et due forme. Une restauration qui semble aujourd’hui dans les tuyaux. Des responsables des Bâtiments de France se sont rendus sur place voilà peu pour évaluer les dégâts et déterminer la nature de la réhabilitation. Une proposition va être sous peu présentée à la mairie… qui n’aura alors plus qu’à trouver les financements pour remettre en état cet élément majeur du patrimoine local. Dans le prolongement, Jean Reuilles imaginerait un circuit de découverte réservé aux touristes et curieux, qui s’arrêterait devant quelques tombes célèbres où reposent certains des hommes et des femmes qui ont marqué la vie locale, voire nationale : les Ramadier, Cayrade, Calvé, Tinel et autres…
[1] article de Ladepeche.fr en date du 19 septembre 2010
[2] article de Midilibre.com en date du 09 octobre 2010
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