NANCY (54) : église Saint-François des Cordeliers

visité en avril 2023
samedi 6 mai 2023
par  Philippe Landru

L’église des Cordeliers est une église de la Vieille-Ville de Nancy, située juste à côté du palais des ducs de Lorraine dont elle renferme les tombeaux. L’église et le couvent qui la jouxte font aujourd’hui partie intégrante du musée Lorrain. Construite sous René II de Lorraine après la bataille de Nancy, elle est consacrée en 1487, jouxtant le palais Ducal reconstruit à la même époque. L’église devint ensuite la sépulture des ducs de Lorraine, précédemment inhumés en la collégiale Saint-Georges, aujourd’hui disparue.

En réalité, on distingue dans cette église trois ensembles funéraires :
- La nef est un musée lapidaire hétéroclite de cénotaphes du XIVe au XVIIe siècle de personnages en rapport avec la Lorraine, que je présenterai dans l’ordre chronologique. Les seuls cénotaphes de souverains Lorrains à y être inhumés, et qui constituent les pièces maîtresses de l’église, sont ceux de René II et de son épouse Philippe de Gueldre. S’y trouve également l’ancien reliquaire du roi d’Austrasie Sigisbert III.
- La chapelle ducale latérale, où ne reposent effectivement que des membres de la famille de Lorraine.
- Le cloître, où se trouve le tombeau de Jacques Callot.


DANS LA NEF


On trouve dans cette église l’ancienne châsse de Saint-Sigisbert : fils du roi mérovingien Dagobert Ier, SIGISBERT III, roi d’Austrasie de 633 à 656, fut proclamé saint en 1170. Ses reliques, conservées dans la crypte de l’église de l’abbaye bénédictine de Saint-Martin-devant-Metz depuis sa mort, furent transférées au prieuré Notre-Dame de Nancy suite au siège de Metz de 1552. Lorsqu’en 1602 le duc Charles III obtint du Saint-Siège la création d’une primatiale à Nancy, il y fit transférer les reliques du saint. La figure de saint Sigisbert devint l’objet d’une appropriation symbolique par la famille ducale car elle permettait à la fois de faire de Charles III l’héritier des rois d’Austrasie et le défenseur de la foi catholique dans le contexte des guerres de Religion. Elles furent abritées dans une très belle châsse suspendue dans le chœur de la Primatiale, actuelle Cathédrale de Nancy. Lors de tous les grands événements, notamment en cas de guerre ou d’épidémie, elle était descendue afin d’être vénérée par les Nancéiens.

A la Révolution, la chasse fut profanée par les révolutionnaires qui en arrachèrent les ornements précieux. Les reliques du saint furent en grande partie brûlées, mais certaines d’entre elles furent replacées au début du XIXe siècle dans une nouvelle châsse en bois doré qui se trouve toujours à la cathédrale de Nancy. Au sein de l’ancienne châsse, restaurée au début du XIXe siècle, furent déposées d’autres reliques dont celles de saint Gauzelin, évêque de Toul au Xe siècle, provenant de l’abbaye de Bouxières-aux-Dames.

Précisons que tous les tombeaux exposés ne sont que des cénotaphes.

- Henri Ier sire de BLÂMONT (1269-1331) et Cunégonde de LINANGE (c1255- 1311) : Dans un contexte politique complexe où s’affrontaient sans cesse l’évêque de Metz, le comte de Bar et le duc de Lorraine, Henri Ier ceignit sa ville de Blâmont (54) de murs, renforça les fortifications de son château et accrut singulièrement le territoire de sa seigneurie. Il fonda en 1301 avec son épouse la collégiale Saint-Georges de Deneuvre (54) avant de se faire inhumer, trente ans plus tard, à l’abbaye de Saint-Sauveur (54), qui fut détruite durant les guerres de religion (1568). Préservé, ce monument funéraire fut offert au Musée lorrain par le maire de Saint-Sauveur.

- Henri III de VAUDÉMONT (c1275-1348) et Isabelle de LORRAINE (+1335) : comte de Vaudémont, il envahit en 1305 le duché de Lorraine et ravagea les environs de Nancy. En représailles, Thiébaut II, duc de Lorraine, l’attaqua, mais il fut battu. Il finirent par faire la paix, et Henri épousa la sœur de Thiébaut. Il participa à la bataille de Cassel en 1328, aux côtés de Philippe VI de Valois, roi de France. Son fils, qu’il avait associé au pouvoir vers 1333, fut tué pendant la Bataille de Crécy. C’est à sa fille Marguerite que revint le comté qu’elle transmit à son mari puis à ses descendants.
Il fonda en 1326 la collégiale de Vaudémont (54) et y fut inhumé auprès de son épouse. Les deux époux sont représentés en gisants avec à leurs pieds un lion et une levrette (force et fidélité). Leur monument funéraire fut transféré en 1762 au prieuré de Belval, à Portieux (88), puis en 1819 en cette église.

- Antoine de VAUDÉMONT (c1400-1458) et Marie d’HARCOURT (1398-1476) : comte de Vaudémont et sire de Joinville, et par son mariage comte d’Aumale et baron d’Elbeuf. Il aurait pu être l’héritier de son oncle, le duc de Lorraine Charles II, qui n’avait que des filles ; mais ce dernier préféra léguer son duché à sa fille Isabelle, épouse de René d’Anjou, afin d’unir les duchés de Lorraine et de Bar. Allié au duc de Bourgogne Philippe le Bon, Antoine déclara la guerre à René Ier qui fut fait prisonnier. Le roi de France instaura une paix durable en 1441 : le fils d’Antoine épousa la fille aînée de René Ier.
Antoine fut inhumé dans la collégiale de Vaudémont, son épouse à Harcourt (mais son cœur fut déposé auprès de son mari). Leur monument funéraire fut transféré en 1762 au prieuré de Belval, à Portieux (88), puis en 1819 en cette église. Incomplet, il se compose de deux gisants en calcaire sur un socle orné.

- René II de Lorraine (1451-1508) et Philippe de GUELDRE (1467-1547) : comte de Vaudémont en 1470, duc de Lorraine en 1473 et duc de Bar en 1480, il est célèbre pour avoir vaincu le duc de Bourgogne Charles le Téméraire en 1477. À la suite de cette victoire, il ordonna la construction de la gigantesque basilique de Saint-Nicolas-de-Port et reconstruisit le palais ducal de Nancy. Il renonça aux prétentions de son grand-père sur le Royaume de Naples, le Royaume de Sicile et le Royaume d’Aragon. Pourtant, en 1488, les sujets du roi de Naples se révoltèrent et lui offrirent la couronne : il monta une expédition pour prendre possession du royaume, mais le roi Charles VIII le lui interdit, voulant lui-même en faire la conquête : ce fut le début des guerres d’Italie.

Il fut le fondateur de cette église et le premier duc de Lorraine à y être inhumé, rompant la tradition de la collégiale Saint-Georges comme nécropole ducale. Selon la tradition, une simple plaque de cuivre devait être placé au dessus de sa sépulture. Philippe de Gueldre, son épouse, jugeant ce monument trop simple, commanda un somptueux ensemble comprenant un enfeu encastré dans le mur. Dans cette cavité se trouvaient à l’origine deux statues représentant le duc en prière devant la Vierge portant Jésus. Ce monument polychrome est l’un des plus anciens exemples de l’art de la Renaissance en Lorraine.

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Dans la frise supérieure, surmontée de Dieu, apparaissent les armes des royaumes de Hongrie, de Sicile, de Jérusalem et d’Aragon, revendiquées par le duc. Elles font écho à celles des duchés d’Anjou, de Lorraine et de Bar qhj figurent dans l’enfeu.
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Epitaphe dans l’enfeu.

- Philippe de GUELDRE, son épouse, était la nièce de Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, puis duc de Bourbon, marié à la régente Anne de Beaujeu. Toujours par sa mère, elle était cousine germaine de Louise de Savoie, la mère du futur roi François Ier. En tant que descendante des ducs de Bourgogne, elle était également une proche parente de l’empereur Maximilien Ier du Saint-Empire. N’ayant pas d’enfant de sa première épouse Jeanne d’Harcourt, René II, fort du prestige que lui valait sa victoire à la bataille de Nancy qui avait mis fin à l’Empire bourguignon, fit annuler son mariage et se mit en quête d’une nouvelle épouse, propre à lui assurer une postérité légitime et à resserrer ses liens avec la France sans négliger pour autant l’Empire germanique. Il l’épousa en 1485 à Orléans. À la mort de René II, elle tenta de prendre la régence, son fils Antoine ayant dix-neuf ans, mais les États de Lorraine jugèrent qu’Antoine était suffisamment grand pour régner. Profitant de ses liens familiaux avec la cour de France, elle y envoya ses fils cadets terminer leur éducation ; Claude y joua un rôle important et fut le fondateur de la puissante Maison de Guise. Jean, élevé très jeune à la dignité cardinalice, cumula les bénéfices ecclésiastiques et les évêchés prestigieux, fut l’un des hommes les plus influents du royaume et faillit devenir pape. François tomba à la Bataille de Pavie. Elle se retira au couvent des Clarisses à Pont-à-Mousson en 1519.

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Piédestal d’origine de la croix qui signalait la tombe de la duchesse. Il fut retrouvé en 1890 au cimetière de Vilcey-sur-Trey, non loin de Pont-à-Mousson.

Elle s’éteignit à l’âge de 82 ans en odeur de sainteté : elle est comptée au rang des Bienheureuses de l’Église catholique. Elle fut très simplement inhumée au cimetière des Clarisses ; sa sépulture étant signalée par une croix dont le musée conserve le piédestal, orné d’une tête de mort et d’un squelette. En 1548, ses descendants lui érigèrent un monument plus digne de son rang dans la chapelle du couvent. Le sculpteur Ligier Richier exécuta le gisant en calcaire de la défunte qui apparaît revêtue de son habit de religieuse, et qui surmontait à l’origine un tombeau de marbre foncé. A ses pieds, une petite clarisse porte la couronne royale qui rappelle que la duchesse fut aussi par ses titres reine de Sicile et de Jérusalem. On notera l’extraordinaire expressivité de son visage, ridé par le grand âge. Après avoir quitté le couvent en 1823, ce gisant fut transporté ici.

- René II de BEAUVAU (+1548) et Claude de BAUDOCHE (+1541) : issu d’une famille angevine qui accompagna le roi René Ier d’Anjou en Lorraine lorsqu’il en devint duc, il participa auprès du duc Antoine de Lorraine à la bataille d’Agnadel, en 1509, et remplit les charges prestigieuses de maître d’hôtel ordinaire, capitaine de la ville de Darney, chambellan du duc, sénéchal du Barrois et bailli de Saint-Mihiel. Il fut inhumé dans la chapelle seigneuriale de Noviant-aux-Près (54) avec son épouse. Ils bénéficièrent d’un monument funéraire dont ne subsistent aujourd’hui que les gisants, achetés par le musée en 1867, placés dans la salle des Tombeaux du palais ducal à la fin du XIXe siècle puis dans l’église des Cordeliers vers 1936. Dès le XIXe siècle, les deux gisants furent attribués à Ligier Richier que René II de Beauvau put probablement rencontrer, de par ses fonctions, à Nancy, Bar-le-Duc ou Saint-Mihiel. Le traitement des visages est en effet caractéristique du style du sculpteur. Les deux gisants ont été restaurées dès leur arrivée au musée par Giorné Viard, à qui l’on doit le lion et la levrette.

- Le cardinal Charles de VAUDÉMONT (1561-1587) : beau-frère du roi Henri III qui avait épousé sa sœur, il fut fait cardinal par le pape à l’âge de 16 ans ! Evêque de Toul à 19 ans, il fut par la suite administrateur apostolique de Castres puis de Verdun. Mort à 26 ans, son frère passa commande à l’architecte Etienne Dupérac d’un tombeau qui fut détruit durant la Révolution. Il s’agit donc ici d’une recomposition du XIXe siècle dans laquelle furent replacées les statues originales de Florent Drouin qui avaient un temps été conservées dans la cathédrale de Nancy. Les quatre statues représentent les docteurs de l’Eglise : Grégoire, Augustin, Jérôme et Ambroise.

- Otto, comte SAUVAGE et du RHIN (1538-1607) : Les Wildgraves (en français : comtes sauvages) et les Rhingraves (comtes du Rhin) sont deux familles aristocratiques germaniques. Au XVe siècle, les deux familles, unies par un mariage, s’implantèrent grâce à d’autres alliances matrimoniales au sein de l’espace lorrain, acquérant de nombreuses possessions. Otto fut grand écuyer du duc Charles III de Lorraine. Il fut inhumé en l’église de Fénétrange, transformée en temple. Sa pierre tombale en grès y était sans doute installée debout. Elle fut probablement extraite de la collégiale en 1682 lorsque les armées de Louis XIV occupèrent Fénétrange et rendirent l’église à sa vocation première.

- Jean-Blaise de MAULÉON (+1613) : prenant possession, en 1853, de la cure de l’église Saint-Élophe de Soulosse-sous-Saint-Élophe (88), l’abbé Marchand entreprit d’importants travaux de restauration du lieu de culte. Au cours de cette opération, on retrouva l’année suivante, dans un caveau, une grande pierre tombale qui fut offerte au musée en 1859. Présentée dans le vestibule du palais ducal puis dans la partie haute de la galerie basse, puis dans la salle de la sculpture lorraine dans les années 1930 ; ce tombeau fut finalement déplacé vers 1936 dans cette église. Grâce à l’étude des blasons présents sur la pierre, le défunt put être identifié comme étant Jean Blaise de Mauléon, sieur de la Bastide, chambellan, capitaine des gardes du corps du duc Charles III de Lorraine et bailli de l’évêché de Toul. Issu d’une famille originaire du Poitou, il épousa Antoinette du Châtelet qui lui apporta en mariage les seigneuries d’Autigny-la-Tour et de Saint-Élophe. Il participa pour Charles III à la lutte contre les troupes protestantes du duc de Bouillon. La partie non sculptée du tombeau était destinée à son épouse Antoinette du Châtelet, comme le signalent les blasons de la partie inférieure illustrant ses propres lignes nobiliaires : pour une raison inconnue, la pierre tombale ne fut jamais terminée.

- Jean des PORCELETS de MAILLANE (1582-1624) : originaire d’une vieille famille provençale, mais appartenant à la famille ducale de Lorraine par sa mère, il fut évêque de Toul à partir de 1607. Il fut également abbé de l’abbaye bénédictine de Saint-Avold dans laquelle il introduisit la réforme bénédictine. Il initia en Lorraine les réformes décidées par le concile de Trente. Il fut fut enterré dans l’église Saint-Roch des Jésuites de Nancy (aujourd’hui disparue) sous un mausolée commandé au sculpteur César Bagard : l’ensemble était constitué d’un grand piédestal soutenant un sarcophage porté par deux termes colossaux. Au registre supérieur étaient placées les trois statues ici présentes, qui représente un ange tenant le portrait de l’évêque et les allégories de l’espérance et de la foi. Ces statues, vandalisées à la Révolution, ont rejoint le Musée lorrain, après des détours par plusieurs lieux, dont la cathédrale.


DANS LA CHAPELLE DUCALE NOTRE-DAME-DE-LORETTE


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Entrée de la chapelle ducale, à gauche du maître-autel.

Un siècle après la construction des Cordeliers, le duc Charles III, arrière-petit-fils de René II, fit construire en 1608 une chapelle sur le flanc nord de l’église. Il voulait un caveau privé pour les sépultures de sa famille, évidemment avec le faste et la richesse dignes de la maison de Lorraine. Charles III s’éteignit l’année même du démarrage de la construction. C’est son fils, Henri II (duc de 1608 à 1624) qui poursuivit l’œuvre de son père.

L’église des Cordeliers entretint de longue date des liens particuliers à la maison de Habsbourg-Lorraine. Dès les années 1760, l’empereur d’Autriche s’inquiète des tombeaux de ses ancêtres et fait faire divers travaux de marbrerie. Il fait également dire des messes. Marie-Antoinette, née princesse d’Autriche, fit une halte dans la chapelle de ses ancêtres avant de rejoindre son futur époux Louis XVI.

À la Révolution, les tombeaux furent profanés et les cercueils éventrés. Toutefois, les fossoyeurs prennent soin, en ensevelissant les os au cimetière de Boudonville de Nancy (disparu), de les mettre à part. Sous la Restauration, Louis XVIII et François Ier d’Autriche s’émurent du triste état de la chapelle ronde (en réalité octogonale). Celle-ci fut restaurée et les dépouilles ducales solennellement réinstallées le 9 novembre 1826. La cérémonie expiatoire a lieu sous la direction de Nicolas-Charles de Vincent, noble lorrain et ancien ambassadeur d’Autriche, et de Charles de Forbin-Janson, évêque de Nancy. D’autres dépôts mortuaires eurent lieu par la suite. L’empereur d’Autriche créa une fondation en 1826 instituant un aumônier chargé de dire quotidiennement la messe, et d’assurer un service funèbre solennel en novembre à la mémoire de ses ancêtres. Ce service fut assuré sans discontinuité jusqu’en 1914.

Après la Première Guerre mondiale, un groupe de Lorrains remit en place la messe solennelle à la mémoire des ducs et princes de Lorraine et de Bar. Cet office, assuré de manière pérenne depuis 1934, a lieu à l’automne. Il est organisé par la Société d’histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain. La messe est célébrée par le curé de la paroisse Saint-Epvre, dont dépend l’église des Cordeliers. Elle est parfois présidée par l’évêque de Nancy et de Toul. C’est également dans la chapelle des Cordeliers que fut célébré en 1951, le mariage d’Otto de Habsbourg-Lorraine et de Regina de Saxe-Meiningen, qui y célébrèrent également leurs noces d’or le 10 mai 2001.

Aspect de la chapelle

A l’entrée, une plaque « Souvenir » rapporte la liste des figures souveraines s’étant rendues ici entre 1770 et 1826, avec quelques anecdotes de leurs venues, à savoir Marie Antoinette en 1770, l’archiduc Maximilien François en 1775, l’empereur d’Autriche Joseph en 1777, l’empereur François II en 1813, Charles X et Mme Royale en 1826.

L’intérieur de la chapelle est très sobre : de plan octogonal, sept cénotaphes faits globalement sur le même modèle indiquent les noms multiples des membres de la dynastie inhumées (seul celui à l’arrière du maître-autel est authentique : les autres, profanés durant la Révolution, furent reconstruits).

L’ensemble est surmonté d’une coupole à caissons en trompe-l’œil.

Crypte (ne se visite pas)

Seize cercueils sont disposées autour de la crypte octogonale [1] : certains contiennent les restes d’un individu, d’autres de plusieurs. Certains contiennent des cranes, des cœurs, et même un orteil de la princesse Thérèse de Lorraine. Cinq d’entre eux contiennent les restes épars des princes de Lorraine rapportés du cimetière de Boudonville.

Les corps furent apportés ici, comme on l’a vu, à diverses reprises :
- En 1744, ce fut le transport de ceux qui étaient dans la collégiale Saint-Georges, détruites pour agrandir le palais ducal
- En 1762, transfert similaire de ceux inhumés dans la collégiale de Vaudémont
- En 1772, ceux de l’église du noviciat des Jésuites de Nancy
- En 1792, d’autres membres de la famille furent ramenés d’autres édifices religieux, vendus biens nationaux
- En 1826, retour des ossements du cimetière de Bondeville
- Deux nouveaux transfert en 1856 et 1867

Reposent donc dans cette crypte, tout ou partie des corps de [2] :

- Gérard Ier (+1108), comte de Vaudémont, rapporté de l’église Saint-Léopold.
- Mathieu Ier (+1176), duc de 1139 à 1176 et Judith Berthe de Hohenstaufen (+1195), fille de l’empereur Frédéric Barberousse. De lui son crane, et d’elle ses restes, furent rapportés de l’abbaye de Clairlieu, qu’il avait fondé à Villers-lès-Nancy et où ils s’étaient fait inhumer.
- cœur de Ferry de Lorraine (+1299), évêque d’Orléans, rapporté de l’abbaye de Beaupré après la Révolution.
- Mathieu II (+1251), duc de 1220 à 1251, rapporté de l’abbaye de Clairlieu.
- Ferry III (+1303), duc de 1251 à 1303, rapporté de l’abbaye de Beaupré.
- Thiébaud II, duc de 1303 à 1312, rapporté de l’abbaye de Beaupré.
- Ferry IV (+1328), duc de 1312 à 1328, rapporté de l’abbaye de Beaupré.
- Raoul (+1346 à la bataille de Crécy), duc de 1328 à 1346, rapporté de l’abbaye de Beaupré.
- Henri III de Vaudémont (+1348) et Isabelle de Lorraine (+1335), rapportés de la collégiale de Vaudémont, dont les gisants sont en surface.
- Jean Ier (+1390), rapporté de la collégiale Saint-Georges
- Charles II (+1431) et Marguerite de Wittelsbach (+1434)
- Marie de Bourbon (+1448), épouse du duc de Lorraine Jean II qui mourut en Espagne et repose dans le caveau des rois d’Aragon de la cathédrale Sainte-Eulalie de Barcelone. Elle fut rapportée de la collégiale Saint-Georges.
- Antoine de Vaudémont (+1458) et le cœur de Marie d’Harcourt (+1476), rapportés de la collégiale de Vaudémont, dont les gisants sont en surface.
- Nicolas d’Anjou (+1473), duc de 1470 à 1473, transféré de la collégiale Saint-Georges.
- Charles le Téméraire, duc de Bourgogne (+1477) : ses entrailles sont transférées de la collégiale Saint-Georges en 1743
- René II (+1508), duc de 1473 à 1508, le premier à avoir été inhumé directement ici, dont les restes du tombeau sont en surface.
- Antoine (+1544), duc de 1508 à 1544, et Renée de Bourbon-Montpensier (+1539), inhumés ici.
- François Ier (+1545), duc de 1544 à 1545, et Christine de Danemark (+1590), inhumés ici.
- Charles III (+1608), duc de 1545 à 1608, et Claude de France (+1575), fille du roi Henri II, inhumés ici. Le cœur du duc est rapporté de l’église des Noviciats de Nancy
- Anne de Lorraine et Claude de Lorraine, filles de Charles III, mortes toutes deux en 1576, inhumées ici
- Nicolas de Lorraine (+1577), évêque de Verdun et de Metz et régent des duchés de Lorraine et de Bar pendant la minorité de son neveu Charles III de 1552 à 1559, et Marguerite d’Egmont (+1554), inhumés ici.
- le cardinal Charles de Vaudémont (+1587), évêque de Toul et Verdun, inhumé ici et dont le tombeau est en surface.
- Henri de Lorraine (+1600), comte de Chaligny et marquis de Mouy, rapporté du couvent des Capucins de Varangéville
- cœur de Marie le Veneur (+c1600), comtesse de Salm, rapporté de l’église Notre-Dame de Nancy.
- Philippe-Emmanuel de Lorraine (+1602), duc de Mercœur et gouverneur de Bretagne, inhumé ici.
- cœur de Charles de Lorraine (+1607), évêque de Strasbourg et de Metz, rapporté de l’église des Noviciats de Nancy
- Antoinette de Lorraine (+1610), duchesse de Juliers : son cœur est rapporté en 1722 de l’église des Noviciats de Nancy.
- Henri (+1611), marquis de Hattonchâtel, fils de François II, inhumé ici. Son coeur fut rapporté de l’église des Minimes.
- Dorothée de Lorraine (+1621), duchesse de Brunswick, inhumée ici. Son cœur est rapporté en 1722 de l’église des Noviciats de Nancy.
- Éric de Lorraine (+1623), évêque de Verdun, rapporté du couvent des Capucins de Varangéville
- Henri II (+1624), duc de 1608 à 1624, rapporté de la collégiale Saint-Georges (posé sur le cercueil son cœur et ses entrailles) et Marguerite de Gonzague (+1632), rapportée en 1743 de la collégiale Saint-Georges (posé sur le cercueil son cœur et ses entrailles).
- Nicole (+1657), duchesse de 1624 à 162. Morte à Paris, elle fut , inhumée en l’église Saint-Paul des Champs avant son transfert ici.
- François II (+1632), duc pendant 5 jours en 1625, et Christine de Salm (+1627), inhumés ici. Leurs cœurs sont rapportés de l’église Notre-Dame de Nancy.
- le cardinal Nicolas-François (+1670), duc éphémère en 1634, et Claude-Françoise de Lorraine (+1648), inhumés ici.
- François de Lorraine-Chaligny (+1671), évêque de Verdun, rapporté du couvent des Capucins de Varangéville
- Charles IV (+1675), duc de 1625 à 1634, en 1641, puis de 1661 à 1670 : mis en dépôt dans l’église des Capucins de Bernkastel puis dans l’église des Capucins de Coblentz, il fut transporté de nuit sans cérémonie dans la chartreuse de Bosserville en 1717. corps et cœur rapportés en 1826 ici.
- Charles V (+1690), duc « en titre » de 1675 à 1690, inhumé ici. Son cœur est rapporté en 1722 de l’église des Noviciats de Nancy.
- Léopold, duc de Bar (+1700), fils de Léopold Ier, inhumé ici.
- Louise-Christine de Lorraine (+1701), fille de Léopold Ier, inhumée ici.
- Joseph de Lorraine (+1705), fils de Charles V, général dans l’armée impériale (il fut inhumé dans la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles : seul son cœur fut déposé ici)
- Josèphe-Gabrielle de Lorraine (+1709), , fille de Léopold Ier, inhumée ici.
- Eléonore de Lorraine (+1710), fille de Léopold Ier, inhumée ici.
- Élisabeth-Charlotte de Lorraine (+1711), fille de Léopold Ier, inhumée ici.
- Gabrielle-Charlotte de Lorraine (+1711), fille de Léopold Ier, inhumée ici.
- Louis de Lorraine (+1711), fils de Léopold Ier, inhumé ici.
- Anne-Élisabeth de Lorraine (+1714), fille de Charles III : inhumée dans le cloitre des Carmélites de Pont-à-Mousson, ses entrailles furent déposés devant l’autel de la chapelle Saint-Charles de Commercy. Son cœur fut rapporté ici de la chartreuse de Bosserville après la Révolution.
- morte-née (+1715), fille de Léopold Ier, inhumée ici
- François de Lorraine (+1715), fils de Charles V, abbé de Stavelot.
- cœur de Camille de Lorraine (+1715) rapporté de l’abbaye de Royaumont.
- Léopold-Clément, prince héréditaire de Lorraine (+1723), fils de Léopold Ier, inhumé ici. Son cœur est rapporté de l’église des Noviciats de Nancy.
- Charles-Henri de Lorraine (+1723), fils légitimé de Charles IV, prince de Commercy, rapporté de la chartreuse de Bosserville après la Révolution.
- François-Armand de Lorraine (+1728), abbé de Royaumont et évêque de Bayeux, rapporté en 1856 de l’abbaye de Royaumont.
- Léopold Ier (+1729), duc « en titre » de 1690 à 1697 et réel de 1697 à 1729 et son épouse Élisabeth-Charlotte d’Orléans (+1744), inhumés ici. Le cœur du duc est rapporté de l’église des Noviciats de Nancy.
- Louis de Lorraine (+1743), comte de Brionne, rapporté en 1856 de l’abbaye de Royaumont.
- Anne-Charlotte de Lorraine (+1773), fille de Léopold Ier, abbesse de Remiremont, inhumée ici.
- Charles-Alexandre de Lorraine (+1780), fils de Léopold Ier, gouverneur des Pays-Bas (il fut inhumé dans la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles : seul son cœur fut déposé ici)
- François-Camille de Lorraine (+1788), inhumé ici.


DANS LE CLOÎTRE



Fermé lors de ma visite.
Plusieurs plaques funéraires ornent les murs du cloître.
On y trouve également le tombeau du graveur Jacques CALLOT (1592-1635). Natif de Nancy issu d’une famille récemment anoblie, il partit pour Rome pour y travailler dans l’atelier du graveur Philippe Thomassin et y réalisa ses premières œuvres. De 1612 à 1621, il résida à Florence où Cosme de Médicis, époux de la fille de Charles III de Lorraine, le prit à son service. En 1621, il retourna à Nancy à une époque où il était un artiste reconnu. Invité aux Pays-Bas, puis à Paris, il peignit des commandes du roi Louis XIII. Durant la guerre de Trente Ans, la Lorraine étant l’adversaires de la France fut envahie en 1632 par Louis XIII. Nancy fut assiégée l’année suivante et connut une terrible famile. Jacques Callot honora tous ces malheurs de son art en réalisant ses célèbres gravures sur les Misères de la guerre. À l’instar d’un Rembrandt - qui collectionna les estampes de Callot - Jacques Callot a eu une influence considérable sur l’histoire de l’eau-forte, en en perfectionnant les techniques.
Son tombeau d’origine fut détruit par l’écroulement d’un pan du mur en 1751. Ce qui restait du monument fut détruit lors de la Révolution, mais Nancy confia en 1830 au sculpteur Nicolas Lépy la réalisation d’un nouveau tombeau, version simplifiée de l’ancien.

Dans ce même cloître fut également inhumé, aux côtés de sa première femme, le peintre Jean LE CLERC (1586-1633). Peintre d’histoire baroque caravagesque rattaché à l’école de Lorraine, il se mit au service de la République de Venise, et, à l’occasion, fut aussi ambassadeur des ducs de Lorraine. Il devint le peintre officiel des ducs durant tout le premier tiers du XVIIe siècle. Il entretint des liens avec Georges de La Tour et les artistes lorrains, introduisant dans cette province une peinture nouvelle, marquée par les recherches luministes des peintres établis à Rome et influencés par l’art du Caravage.



[1Le plan de 1772 en indiquait 39.

[2Rangés par ordre chronologique.


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Mise à jour et conseils aux contributeurs

samedi 29 octobre 2022

Je suis en train de remettre à jour toutes les rubriques qui listent le plus exhaustivement possible le patrimoine funéraire de tous les départements. Tous les cimetières visités par moi (ou par mes contributeurs) y sont portés, mise-à-jour des couleurs qui n’étaient pas très claires dans les versions précédentes (le noir apparaissait vert), rajout de tombes depuis les visites, photos de tombes manquantes... N’hésitez pas à les consulter pour y trouver la version la plus globale du patrimoine. Ces rubriques représentent les listes les plus complètes que l’on puisse trouver sur le net du patrimoine funéraire français.

Contrairement aux articles, vous ne pouvez pas interagir sur les rubriques : aussi, si vous avez une information nouvelle à apporter sur un département, merci de laisser votre message en indiquant clairement le département et la commune concernée sur un article dédié uniquement à cela : Le patrimoine funéraire en France : classement par départements

Merci et bonne lecture.

Qui est derrière ce site ?

vendredi 14 février 2014

Pour en savoir un peu plus sur ce site et son auteur :

- Pourquoi s’intéresser aux cimetières ?
- Pourquoi un site sur les cimetières ?
- Qui est derrière ce site ?