VILLEURBANNE (69) : nécropole nationale de la Doua

Visité en juillet 2013
lundi 4 juin 2018
par  Philippe Landru

Ce cimetière rassemble des tombes de soldats ou de résistants, français ou issus de troupes alliées de la Première Guerre mondiale ou de la Seconde Guerre mondiale, tous Morts pour la France. Durant la Seconde Guerre mondiale, le lieu, alors ancien terrain d’entraînement de l’armée française, a servi à l’occupant nazi de lieu régulier de fusillades de résistants ; en particulier, de résistants prisonniers à Montluc. Le cimetière, inauguré en 1954, s’organise autour d’un lieu nommé la « Butte des fusillés » et se répartit selon sept carrés : A, B, C, D, E, F et G.

En septembre 1945, 77 corps de résistants, luxembourgeois et soldats allemands, dont les dates de morts respectives s’étalent entre octobre 1943 et juin 19442, furent retrouvés dans ce lieu qui servait régulièrement de lieu d’exécution à l’occupant allemand. Le lieu précis de l’exécution par fusillade de ces résistants est le « Mur des fusillés ». 60 corps ont été rendus à leurs familles ; les 17 autres corps, dont certains portent la mention Inconnu sont inhumés sur l’autre versant de la « Butte des fusillés ».
En 1995, une plaque commémorative fut apposée sur le « Mur des fusillés », répertoriant les 77 résistants fusillés.

Que ce soient des soldats de la Première Guerre mondiale ou des soldats (ou résistants) de la Seconde Guerre mondiale, un certain nombre d’inhumations ont donné lieu à des exhumations préalables : Concernant la Première Guerre mondiale, ce furent des exhumations depuis des carrés communaux (à titre d’exemple 221 corps provenant du carré communal de Villeurbanne ont été transférés à la nécropole de la Doua) ; concernant la Seconde Guerre mondiale, ce furent des corps exhumés de cimetières militaires de la région, ou de carrés communaux (où étaient inhumés des résistants des différents maquis de la région). Parfois, une mention Inconnu sur une stèle est ainsi complétée par le lieu d’exhumation.

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Carré C - division musulmane

La nécropole contient 6359 corps : 3622 de la Première Guerre mondiale, et 2723 de la Seconde. Le carré C de la nécropole est constitué par un carré musulman d’environ 200 tombes de soldats de la Première Guerre mondiale. Le cimetière honore des combattants originaire de l’ancien empire français tombés dans les deux guerres. Il abrite en particulier 5 soldats tués en Indochine, 7 en Algérie et un au Liban. On l’appelle parfois à tort « cimetière américain » en raison de son apparence : aucun soldat du nouveau monde n’y repose !

En 1961, les dépouilles de plus de 450 soldats tués lors de l’accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne du 12 décembre 1917 y furent transférées.

En 2015, un corps enterré à la nécropole est exhumé pour tenter une identification génétique. Enterré comme « inconnu », le test est destiné à savoir s’il s’agit du dernier fusillé d’Idron, c’est-à-dire le dernier fusillé du 26 août 1944 à n’avoir jamais été retrouvé, en l’occurrence Georges Coran.

Henri Galdin (1896-1968), dit Frère Benoît, seul civil enterré dans ce cimetière, car il découvrit en 1945 le charnier de La Doua et participa à l’exhumation des corps.

Parmi les centaines d’anonymes reposent en ce lieu :

- Gustave ANDRÉ (1908-1944) : instituteur drômois, il entra dans le mouvement de résistance « Franc-Tireur » en novembre 1941 et collabora activement à la presse clandestine. Il fut également membre du mouvement « Combat ». Ses fonctions dans ala Résistance l’obligèrent à s’installer à Lyon en 1943, où il exerça dans la clandestinité les fonctions d’Inspecteur des Transmissions pour la zone Sud. Arrêté sur dénonciation, en juillet 1944, Place Bellecour à Lyon, il fut incarcéré à la prison de Montluc où il fut torturé, mais ne parla pas. Extrait de sa cellule par les Allemands le 23 août, Gustave André fut emmené comme otage, alors que Lyon était sur le point d’être libéré, et exécuté à la mitraillette. Inhumé dans un premier temps au cimetière de la Guillotière, le corps de Gustave André repose depuis 1957 au cimetière national de La Doua à Villeurbanne. Il fut fait Compagnon de la Libération.

- Hélène ( Ilona Fürth : 1863-1944) et Victor (Guillaume Victor : 1863-1944) BASCH : couple de juifs hongrois naturalisés français, ils prirent fait et cause pour le capitaine Dreyfus. Lui était professeur d’esthétique et de philosophie (Rennes, Sorbonne…). En 1898, Victor Basch participa à la fondation de la Ligue des droits de l’homme, avec Lucien Herr et Ludovic Trarieux. La Ligue avait alors pour but de sensibiliser l’opinion publique à l’injustice faite à Dreyfus. Victor Basch en devint le quatrième président national, en 1926. Le couple s’installa à Paris en 1913. Intellectuel engagé, socialiste anticonformiste, Victor Basch s’inquiéta très tôt de la montée du nazisme en Allemagne. Il apporta son soutien aux Républicains espagnols, milita contre l’extrême-droite et joua un rôle moteur dans la création du Front populaire. Les Basch quittèrent Paris en 1940 pour Caluire-et-Cuire, aux portes de Lyon. Ils furent arrêtés à leur domicile le 10 janvier 1944 par un groupe de miliciens conduit par Paul Touvier, le chef de la milice de Lyon, et un lieutenant de la Gestapo. Ce dernier, jugeant les Basch trop vieux pour être arrêtés, ordonna leur exécution. Sur le corps de Victor Basch fut retrouvé un écriteau laissé par les miliciens sur lequel était inscrit : « Terreur contre terreur. Le juif paie toujours. Ce juif paye de sa vie l’assassinat d’un National. À bas De Gaulle-Giraud. Vive la France ». Guillaume Victor Bash se faisait appelé par son second prénom, mais c’est sous le premier qu’il repose.

- Pierre BERNHEIM (1884-1944) : alsacien, il entra dans la Résistance en 1941.
Devenu responsable de « Franc-Tireur » à Roanne, Pierre Bernheim diffusa des tracts et participa au développement du journal le Franc-Tireur. Après la création, en janvier 1943, des Mouvements Unis de Résistance (MUR), fusion des trois principaux mouvements de résistance de zone sud (« Combat », « Libération » et « Franc-Tireur »), Pierre Bernheim en devint le responsable à Roanne. En juin 1943, à la suite de plusieurs arrestations au sein de « Franc-Tireur », alors qu’il est activement recherché par la Gestapo, il se replia à Lyon avec sa femme, qui partagea ses activités de résistance. Arrêté à Lyon en août 1944 quelques jours avant la libération de la ville, torturé, il ne livra aucun secret et fut fusillé avec plusieurs de ses collaborateurs, sur le terrain d’aviation de Bron, le 20 août 1944. Son épouse Germaine, arrêtée en même temps que lui, fut brûlée vive à Saint-Genis-Laval le même jour que son mari. Il fut fait Compagnon de la Libération.

- André BOLLIER (1920-1944) : polytechnicien entré dans la Résistance, il se consacra à l’organisation et à la propagande de Combat, journal du mouvement. Il fournit également des faux-papiers et dirigea, à la demande de Henri Frenay, l’organisation et la réalisation, avec quelques camarades, de l’évasion de Berty Albrecht, de l’hôpital de Bron, le 23 décembre 1942. Arrêté par la Gestapo à Lyon ; interrogé puis interné au Fort Montluc, il fut torturé à plusieurs reprises mais les Allemands ne parvinrent pas à l’identifier. Il réussit à s’évader et reprit immédiatement ses activités, malgré un très mauvais état physique, conséquence de son passage entre les mains de la Gestapo. En juin 1944, surpris dans son imprimerie clandestine, il est assiégé par la Gestapo et 150 miliciens. Il engagea la lutte sans espoir avec trois de ses camarades. Parvenu à sortir dans la rue, il fut blessé par balle et se tira une balle en plein cœur pour ne pas être pris vivant. Enseveli sous son nom d’emprunt au cimetière de la Guillotière, à Lyon, André Bollier fut , plusieurs années après la guerre, définitivement inhumé au cimetière militaire La Doua. Il fut fait Compagnon de la Libération.

- Fortuné DELSAUX (1915-1946) : originaire du Pas-de-Calais, engagé volontaire, il fut envoyé au Levant. Refusant immédiatement l’armistice, il s’évada de Syrie le 27 juin 1940 et rejoignit les forces britanniques en Palestine. Envoyé en Egypte, il intégra les rangs du 1er Bataillon d’infanterie de marine (1er BIM) qui constitua, pour les Anglais, le premier élément des Free French (Français libres). Il participa à la première campagne de Libye contre les Italiens dès septembre 1940. Il combattit à Tobrouk et prit part à la prise de Benghazi. C’est là qu’il fut fait Compagnon de la Libération. Il prend part ensuite à la campagne de Syrie en juin 1941 puis à la seconde campagne de Libye, où il se distingua à Bir-Hakeim puis à El Alamein. A l’issue de la campagne de Tunisie, il débarqua en Italie en juin 1944 puis en Provence. Il participa aux combats de libération de la vallée du Rhône et à la campagne des Vosges. Il décéda de maladie le 10 janvier 1946 à Grenoble. Le site des Compagnons de la Libération l’indique inhumé à Lyon, mais c’est ici qu’il repose.

- Jacques TROLLEY de PRÉVAUX (1888-1944) : officier dans la Marine, puis dans l’Aéronautique, il fit la Première Guerre mondiale où il reçut la Croix de Guerre. Capitaine de vaisseau en 1937, il prit , en août 1938, le commandement du croiseur Duguay-Trouin. En 1940, il se trouva immobilisé avec la Flotte à Alexandrie. Nommé Président du Tribunal maritime de Toulon en juillet 1941, il est mis, en raison de ses sympathies pour la Résistance, en disponibilité parl’amiral Darlan. Ill réussit très vite à fournir aux Alliés des informations très importantes sur la Marine ennemie et devint responsable d’un réseau de la Résistance. Reconnu et arrêté par les Allemands, il fut incarcéré à la prison du Fort Montluc à Lyon et soumis à la torture. Le 19 août 1944, il fut fusillé avec son épouse dans les bois de Bron dans la banlieue lyonnaise (ils reposent l’un à coté de l’autre). En raison des services rendus, Jacques Trolley de Prévaux fut nommé en 1945 contre-amiral avec effet rétroactif. Il fut fait Compagnon de la Libération.

- Tola VOLOGE (Anatole Vologe : 1909-1944) : sportif accompli, Il participa pour la France, à des compétitions internationales, dans trois sports différents : en athlétisme (relais 4 × 400 m), en tennis de table (double messieurs) et en hockey sur gazon. Il fut ainsi triple champion de France du 4 × 400 m, avec le Stade français, participa aux épreuves de hockey sur gazon aux JO de Berlin de 1936, et remporta dans ce sport 8 championnats de France entre 1931 et 1939. Installé à Paris avec sa mère, d’origine juive, il quitta Paris, en juin 1940 pour s’installer à Lyon. Dans cette ville, il devint membre du réseau Sport Libre et cacha notamment des réfractaires au service du travail obligatoire. Arrêté par des miliciens, remis à la Gestapo, il fut abattu quelques jours après, alors qu’avec deux détenus il tentait de s’enfuir. Précédemment inhumé au cimetière de la Croix-Rousse de Lyon, il fut transféré ici en 1976.

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samedi 29 octobre 2022

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vendredi 14 février 2014

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