NEW YORK : African Burial Ground National Monument

Visité en avril 2016
dimanche 1er mai 2016
par  Philippe Landru

A la pointe de Manhattan, dans la Civic Center section de Lower Manhattan, se trouve un monument discret qu’on ne s’attendrait pas à voir au milieu des immenses buildings, à quelques mètres de la très industrieuse Wall Street.

Le site contient les restes de plus de 419 Africains enterrés à la fin du XVIIe et XVIIIe siècles dans une partie de ce qui était le plus grand cimetière colonial de l’ époque pour les personnes d’origine africaine, certains libres mais la plupart esclaves. Les historiens estiment qu’il peut y avoir eu 15 000 à 20 000 enterrements dans ce qu’on appelait le « Negros Burial Ground".

L’esclavagisme à New York

L’ esclavage dans la région de New York a été introduit par la Dutch West India Company en Nouvelle-Hollande vers 1626. La première vente aux enchères d’esclaves dans la ville eut lieu en 1655 à Pearl et Wall Street puis sur l’ Est River. Bien que les Hollandais aient importé les Africains en tant qu’esclaves, il était possible pour certains de gagner la liberté ou « demi-liberté » sous la domination néerlandaise. Certains droits et protections leur furent accordés telles que l’interdiction des châtiments corporels arbitraires comme le fouet. Lorsque New-Amsterdam fut récupérée par les Anglais en 1664 et devint ainsi New York, les conditions de vie des esclaves empira : remise en service des châtiments corporels, annulation de la plupart des anciens droits et protections des esclaves.

En 1697, Trinity Church prit le contrôle des lieux de sépulture dans la ville et adopta une ordonnance excluant les Africains des cimetières, et obligeant ceux-ci à être inhumés en dehors de la limite nord de la ville, ce qui constitue aujourd’hui Chambers Stree, sur l’actuel site qui nous intéresse. Ce cimetière fonctionna donc du début du XVIIIe siècle à 1794, date de sa fermeture.

La redécouverte du Negros burial ground

Après la fermeture du cimetière, le site fut loti et on oublia rapidement l’existence d’une ancienne nécropole. En Octobre 1991, la General Services Administration (GSA) annonça la découverte de sépultures intactes lors d’ une enquête archéologique menée avant la construction d’un nouvel immeuble de bureaux du gouvernement fédéral. La nouvelle fut connue et la communauté afro-américaine s’inquiéta du devenir du lieu, la pression immobilière étant évidemment considérable. De nombreuses polémiques virent le jour, tandis que le site était sondé, que l’on remontait plus de 400 squelettes, et qu’il apparut assez rapidement que le périmètre des inhumations était bien plus grand que l’on ne l’avait imaginé.

L’activisme de la communauté afro-américaine finit par payer, et George W. Bush signa une loi pour revoir le projet, arrêter la construction de la partie du pavillon du site où les restes avaient été trouvés, et affecter 3 millions $ pour un mémorial.

Les débats sur le site mirent en avant les oubliés d’une partie significative de l’histoire des débuts de la ville. Comme le journaliste Edward Rothstein l’écrivit : « Parmi les cicatrices laissées par l’héritage de l’ esclavage, l’ un des plus grands est une absence : où sont les monuments, des cimetières, des structures architecturales ou sanctuaires robustes qui fournissent généralement le sol pour la mémoire d’un peuple"

Au total, les restes intacts de plus de 400 hommes, femmes et enfants d’ascendance africaine ont été trouvés sur le site, où ils avaient été enterrés individuellement dans des boîtes en bois (il n’y avait pas d’enterrements de masse). Près de la moitié étaient des enfants de moins de 12, ce qui indique le taux de mortalité élevé de cette époque. Les fouilles ont mis également à jour des rituels d’inhumation (découvertes d’artefacts, de dents limées, de décorations rituelles...).

Le Memorial

Un appel d’offre pour la construction du mémorial a été emporté par les architectes Rodney Leon et Nicole Hollant-Denis en 2004. Le projet fut livré en 2007. Il dispose d’ une carte de la région de l’ Atlantique au sein du « Cercle de la Diaspora » en référence au passage du milieu par laquelle les esclaves ont été transportés d’Afrique vers l’ Amérique du Nord. Il est construit en pierre d’ Afrique du Sud et d’Amérique du Nord, pour symboliser les deux mondes ainsi liés. Le monument est surnommé La porte du retour, référence à la porte du non retour, trompeusement considéré comme l’un des principaux lieux d’embarquement en Afrique d’esclaves vers l’Amérique, sur l’île de Gorée.

En 2003, une cérémonie de ré-inhumation des restes eut lieu : ceux-ci furent déposés avec d’autres objets, dans des boites en bois fabriquées au Ghana. Ces boites furent placées le plus proche possible de l’endroit d’où les restes avaient été retirés, dans sept cryptes qui sont aujourd’hui identifiées par sept monticules gazonnés.

Le mémorial a été consacré en 2007 lors d’ une cérémonie présidée par le maire Michael Bloomberg et le poète Maya Angelou. Dans le cadre des cérémonies de commémoration, la ville a officiellement rebaptisé Elk Street en African Burial Way Ground.


Commentaires

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NEW YORK : African Burial Ground National Monument
mercredi 4 mai 2016 à 20h48 - par  lajeanne jean piere

comment des hommes se croyant supérieur on t ils pu réduire leur semblable en esclavage pendant des siècles pour la seule raison qu’ils avaient une peau de couleur différente ?

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lundi 5 novembre 2018 à 13h25 - par  Sir Stephen

ATTENTION

L’esclavage a existé en Afrique bien avant l’arrivé des premiers « blancs »...

Celui-ci existait déjà, depuis bien avant le XVIIIème siècle, entre les diverses ethnies africaines. Certains « noirs » de confession musulmane n’hésitaient pas, au cours de guerres tribales, à capturer des « noirs » non musulmans pour en faire LEURS esclaves ! Et de ce fait, les traiter pire que des bêtes de somme...

La couleur de la peau n’avaient rien à voir, dans ces horreurs que l’Histoire de l’Afrique (et aussi l’Histoire mondiale, il semblerait) a préféré couvrir d’un voile d’oubli pudique.

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