Vichy : Sur les traces des illustres trépassés du cimetière, avec la directrice des Archives municipales

Article de www.lamontagne.fr - 27 octobre 2014
mardi 28 octobre 2014
par  Philippe Landru

Ici la success story d’un patron social, là une mythomane promise au Panthéon de la gloire, plus loin un maire farouchement indépendant. Le cimetière de Vichy regorge d’histoires d’un autre temps.

Muet comme une tombe, dit-on. Avec Aurélie Duchezeau, l’adage ne fait pas long feu. La jeune directrice des Archives municipales sait faire parler les sépultures et leur faire raconter des histoires extraordinaires.

C’est une visite au cimetière du Père Lachaise, à Paris, qui l’a inspirée. Elle s’est alors mise en quête des illustres trépassés du cimetière de Vichy. Là voilà aujourd’hui incollable sur ces disparus qui ont fait l’histoire de Vichy, la grande et la petite. En cette période de Toussaint, un petit tour s’imposait au cimetière des Bartins. Visite guidée.

Antoine Pétillat (1834-1920), le petit berger millionnaire. Il commence berger, dans une ferme, près de Brout-Vernet. Puis devient apprenti serrurier. Ce qui le conduit à ouvrir un petit atelier à Vichy. Il en vient ensuite à réparer des machines agricoles. En 1873, à 39 ans, c’est le grand saut : il construit une grande usine de machines agricoles sur le site actuellement occupé par l’hôtel d’agglomération. Le voilà devenu un gros industriel de la place vichyssoise. L’affaire prospère, sort 22 brevets d’invention et se taille une renommée internationale. La maison Pétillat tient un stand aux Expos universelles de Paris, Moscou et Chicago.

« Il n’a jamais oublié d’où il venait, relate Aurélie Duchezeau. Il a fait construire des habitations pour ses ouvriers et leur a fait profiter, dès la fin du XIX e, d’une participation aux bénéfices de l’entreprise ». En 1907, Antoine Pétillat écrivit ses mémoires. L’ouvrage s’intitulait : Le Petit Berger millionnaire.

Armand Perrin (1835-1893), « laïcard » et homme d’affaires. Il est mort plutôt jeune, à l’âge de 58 ans, mais a eu le temps de vivre deux vies bien remplies. Armand Perrin est d’abord connu pour avoir fondé, en 1871, la toute première école laïque de Vichy, l’école Carnot, dans les anciennes écuries impériales (boulevard de Russie). Celle-ci a par la suite été déplacée et rebaptisée Sévigné-Lafaye.

Puis, arrivé à la retraite, le « laïcard » s’est reconverti homme d’affaires. Il a racheté un ancien théâtre et l’a transformé en hammam (dans l’immeuble de l’ancien cinéma Pax, rue Burnol). « Ça a tout de suite fait le buzz auprès des curistes », commente Aurélie Duchezeau. Il a fait également fortune. Il repose dans l’un des plus beaux monuments funéraires des Bartins, tout en marbre de Carrare.

Louis Lasteyras (1851-1931), fantasque et luxuriant. Sa tombe ressemble à un carré de jardin exotique, foisonnant et flamboyant. «  Elle est à l’image de l’homme : luxuriante  », sourit Aurélie Duchezeau, sous le charme du parcours atypique de ce personnage hors-norme. Celui que l’on connaît pour avoir été maire de Vichy pendant vingt-deux ans (1900-1912 et 1919-1929) a aussi fait les 400 coups. Farouchement indépendant, ce fils de bonne famille s’engage, à 16 ans, comme mousse sur un voilier, puis dans l’armée pendant la guerre de 1870. Démobilisé, il s’établit à Vichy où il mène une vie de plaisir et dilapide la fortune familiale. Ruiné, il part à Paris, joue au théâtre, se pique de journalisme, puis adhère au parti radical socialiste.

De retour à Vichy, il s’engage en politique et monte son propre journal, Le Moniteur de l’Allier, dans lequel sa plume trempée dans l’acide fait grincer bien des dents. Il multiplie les frasques, fait le coup-de-poing dans les cafés, se bat en duel contre un confrère journaliste. En 1900, quand il est élu maire, à 52 ans, on pense qu’il s’est assagi. Que nenni. Un jour, sans crier gare, il abandonne femme et mairie et disparaît trois mois dans la nature, avec une jeune fille dont il est tombé éperdument amoureux. Les électeurs ne lui en tiendront jamais rigueur. Triompalement réélu, il aurait déclamé, bravache : « La prochaine fois, j’enlèverai deux jeunes filles au lieu d’une et j’aurai plus de voix encore ».

La Mère Ibrahim (1822-1896), inconnue au bataillon. La vieille dame est décédée subitement, au milieu de l’été 1896. Après seulement trois semaines de cure. Pendant ce court laps de temps, son incroyable bagout lui avait valu de s’assurer la sympathie du Tout Vichy. Au point de se faire payer tous ses soins et le restaurant.

Ismaëlle Brun, aussi appelée la Mère Ibrahim, se présentait comme l’ancienne cantinière du régiment de zouaves. Et écumait les conversations de ses nombreux faits d’armes : deux balles à Solférino, l’épaule fracassée en Russie, la hanche broyée au Tonkin… « Elle était vite devenue la star de Vichy », raconte Aurélie Duchezeau. Aussi, quand elle meurt, on organise aussitôt une souscription pour financer un monument funéraire à la mesure de l’héroïne de guerre. On prévoit des discours et un défilé en ville jusqu’au cimetière. «  On voulait lui rendre les honneurs militaires ».

Patatras… On découvre, dans ses effets personnels laissés à l’hôpital, des livrets de chanteur ambulant. On se renseigne : inconnue au bataillon. Aucune trace d’elle dans aucun régiment. Elle sera finalement inhumée en catimini dans une tombe très modeste. L’argent souscrit sera reversé au Souvenir français.

Le scandale sera relayé par toute la presse nationale. On n’a jamais su qui elle était vraiment. « Ah quoi bon !, retient Aurélie Duchezeau. Un journaliste parisien avait écrit : « Ce qu’il y a de meilleur dans l’histoire, n’est-ce pas la légende ? » ».

Jean Bellam (1847-1920) et Marie Combet (1852-1907), le Petit Paris. Ils ont fondé, à la fin du XIX e siècle, le tout premier grand magasin vichyssois, sur le modèle du Bon Marché parisien. Il se situait à l’angle des rues Clemenceau et de l’Hôtel-des-Postes, en face de l’actuel Crédit Agricole. C’était le premier à Vichy, mais aussi hors de Paris. « C’était l’époque où la Reine des villes d’eau était aussi surnommée le Petit Paris ».

Jean-PIerre Ducros


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