CHERBOURG (50) : cimetière des Aiguillons
par
Grand de six hectares, il fut ouvert vers 1830. Il était anciennement appelé cimetière de la Duché. Agrandi en 1926, il atteint désormais une superficie de dix hectares.
Curiosités
La vue est la première des curiosités de ce cimetière : elle est vaste sur la rade de Cherbourg et domine très largement la ville. Au loin, docks, entrepôts et grues des installations portuaires. Les croix des tombes répondent au clocher des églises.
Dès l’entrée dans la partie haute du cimetière, le monument du Souvenir français est au centre d’un hémicycle . Il est l’oeuvre du sculpteur Alphonse Marcel-Jacques qui repose dans ce cimetière. Sur le socle du monument, trois plaques commémorent la disparition des sous-marins Ondine (1928), Prométhée (1932), ainsi que de la gabare La Fidèle (1997). Nous sommes dans le cimetière d’un grand port français, et comme c’est systématiquement le cas, la marine de manière général (grand nombres de matelots, de caboteurs, de capitaines au long-cours, d’officier portuaire...), et les accidents qui lui sont liés sont légions.
Un monument à la mémoire "des marins des chaloupes de la Couronne commandé par M. de Besplas, lieutenant de vaisseau, qui ont péri dans le coup de vent du 2 décembre 1863 en opérant le sauvetage du sloop l’Argus".
Un certain nombre de soldats de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie sont enterrés dans ce cimetière, Français en majorité (581). Mais des tombes de soldats belges (62), britanniques et du Commonwealth (86), portugais (1) et serbes (2) sont recensées. À ceux-ci, s’ajoutaient une cinquantaine de soldats allemands et une soixantaine de soldats russes, mais les restes de ces derniers ont été transférés dans des cimetières militaires. Avec environ 700 tombes, il s’agit du plus grand cimetière militaire inséré dans un cimetière civil. Comme c’est souvent le cas, les emplacements sont indiqués par des glaives évoquant des croix (catholiques) ou des stèles avec l’étoile chérifienne et le croissant (musulman). Parmi elles, en un unique exemplaire, se trouve une ancre de marine.
Assez étonnamment, la ville de Cherbourg-Octeville est l’unique site de
- Le Combat du Kearsarge et de l’Alabama par Edouard Manet
- La bataille marqua assez les esprits pour devenir une source d’inspiration pour le peintre.
la guerre de Sécession en Europe ! En 1864 effectivement, la corvette sudiste Alabama se trouvait dans le port de Cherbourg pour faire du charbon lorsque apparut la frégate nordiste Kearsage qui la traquait. Pris au piège, l’Alabama sortit du port : à peine sortis des eaux territoriales, l’Alabama ouvrit le feu : sur les hauteurs de la ville, environ 15 000 spectateurs assistaient au spectacle ! L’Alabama, en moins bon état, finit par sombrer. Les victimes retrouvées furent inhumées ensemble au cimetière, ce qui en fait l’unique lieu au monde où sont enterrés côte à côte sudistes et nordistes. Le monument aux morts des marins de l’Alabama fut érigé en 1915 par le conseil municipal de Cherbourg. Ces tombes ont été restaurées par une association américaine avec l’aide du Souvenir français. Pour l’anecdote, l’épave de l’Alabama, au large de Querqueville, fut fouillée de 1984 à 2004. Le canon Blakely, pièce maîtresse des fouilles, se trouve désormais à la cité de la Mer.
Dans le centre de la partie ancienne du cimetière a été édifié un élégant hémicycle néogothique portant fontaines.
Dans la partie haute du cimetière se trouvent, cote à cote, les deux tombes les plus anciennes du cimetière (sans doute rapportées du cimetière précédent).
Dans ce cimetière, dans lequel dominent les obélisques, on trouve peu d’oeuvres d’art. On mentionnera cependant :
- le couple Pitron, joliment statufié par Marcel-Jacques.
- le seul gisant du cimetière est un Christ, issu des ateliers du fondeur François Rudier.
Célébrités : les incontournables...
Aucun incontournable à Cherbourg pour l’instant.
... mais aussi
Un tombeau de la famille d’Aboville.
Armand François, comte de BRICQUEVILLE (1785-1844), issu de l’une des plus vieilles familles nobles de Normandie. Colonel de cavalerie de l’armée napoléonienne, il participa avec la Grande Armée aux campagnes de Prusse, de Pologne, d’Espagne, de Russie. Après le retour de l’île d’Elbe, reprenant sa place durant les Cent-Jours, il fut l’un des artisans de la victoire de Ligny. Criblé de blessures et d’infirmités, il fit partie de plusieurs conspirations bonapartistes contre les Bourbons, puis se retira dans ses terres. Il sortit de sa retraite en 1827 quand il fut élu député de la Manche. Après la révolution de 1830, il fit partie de l’opposition constitutionnelle.
L’architecte Gaston (1823-1910) et son fils René DRANCEY (1876-1958), qui oeuvrèrent sur Cherbourg.
L’amiral Alexandre DUCREST de VILLENEUVE (1813-1892), qui fit le blocus de Buenos-Aires, puis participa en 1870 à la défense de Cherbourg. Il fut préfet maritime de Cherbourg (1875-1877).
Le peintre Armand-Auguste FRÉRET (1830-1919), issu d’une longue lignée d’artistes. Il exposa au Salon de Paris de 1865 et 1874, et fut un paysagiste, spécialiste des marines.
Il repose sous l’imposante colonne surmontée d’une urne Henri-Vauvert.
Edouard GAUTTIER D’ARC (1799-1843) : on lit beaucoup de bêtises sur ce personnage ! Il ne fut évidemment pas (!) l’arrière-petit-neveu de Jeanne d’Arc (!!!), et ne descendait même pas du frère de celle-ci, mais cette ascendance aurait été celle de son épouse qu’il s’octroya généreusement ! Il ne fut pas non plus un historien, et n’en reçut pas de formation, mais se piqua d’orientalisme et rédigea effectivement quelques ouvrages de vulgarisation sur la culture perse. Il mena une carrière diplomatique et mourut en rade de Barcelone, à bord d’un vapeur anglais qui le ramenait malade d’Alexandrie en Europe. C’est Ferdinand de Lesseps, alors consul à Barcelone, qui prit en charge la dépouille mortelle et organisa son transport à Cherbourg.
Henri JOUAN (1821-1907) : officier de marine, il faisait partie de l’équipage de la Belle Poule qui ramena à Cherbourg les cendres de Napoléon. Il navigua sur une trentaine de navires qui sillonnèrent toutes les mers du monde. Il fit de nombreuses recherches pour retracer ses souvenirs de voyages et faire le point sur ses travaux sur l’emplacement de Coriallo, le Vieux Cherbourg. En 1885, il devint conservateur du Museum d’ethnographie, d’histoire naturelle et d’archéologie de Cherbourg.
François LAVIEILLE (1829-) : commissaire de la Marine, puis consul de France au Panama, il fut député de la Manche de 1877 à 1885.
Pierre LE CONTE (1894-1946) : artiste-peintre, imagier de la Marine, sa passion pour la mer le conduisit à partir en expédition océanographique à bord du "Pourquoi-Pas". Il fut l’auteur d’un Répertoire des navires de guerre français.
Le sculpteur Armand LE VEEL (1821-1905). Ancien élève de
Rude, il côtoya dans son atelier Emmanuel Frémiet et Jean-Baptiste Carpeaux. Parmi ses œuvres figurent la célèbre statue équestre de Napoléon à Cherbourg, et celle de Jeanne-d’Arc à Orléans. Il repose avec son épouse Eugénie Feuchère, fille du sculpteur Jean-Jacques Feuchère.
Sa tombe est une niche au fond d’une fausse grotte, ornée de son buste en bronze réalisé par ses soins.
Le vice-amiral François LECANNELIER (1855-1933), qui fut chargé durant la Première Guerre mondiale d’organiser la surveillance et la lutte anti-sous-marine à l’entrée de la Manche. Il repose dans la tombe Leblanc.
Le Compagnon de la Libération Jacques LEMARINEL (1923-1944).
L’architecte René LEVAVASSEUR (1881-1962), dont les constructions se concentrèrent à Cherbourg et dans le Cotentin. Son oeuvre la plus fameuse est la gare maritime transatlantique de Cherbourg. Il fut également un grand reconstructeur de la Normandie après 1945.
Adrien LIAIS (1839-1907) : membre d’une célèbre famille de notables de la région, il fut député de la Manche de 1885 à 1889.
Albert MAHIEU (1860-1926), maire socialiste de Cherbourg de 1903 à sa mort, il fut député de la Manche de 1906 à 1919. Il repose dans la partie moderne du cimetière, sous un bas-relief avec médaillon d’Emilie Rolez.
Alphonse MARCEL-JACQUES (1874-1952) : sculpteur, il fut l’auteur de la statue de Jean-François Millet à Gréville. On a vu qu’il était l’auteur de plusieurs monuments dans ce cimetière. Cherbourg possède plusieurs de ses sculptures. Sa tombe, par lui-même, est un beau bas-relief en marbre qui représente sa mère.
NOËL-AGNES (Nicolas Jacques Noël : 1794-1866) : maire de Cherbourg en 1835 , il fut député de la Manche de 1849 à 1851.
Alfred ROSSEL (1841-1926) : chansonnier normand, il fut à la fin du XIXe siècle le normannisant le plus célèbre. Il est toujours chanté dans les assemblées normandes comme dans les fêtes familiales. Ses textes sont écrits en langue normande du Cotentin, ou cotentinais, de la région de Cherbourg ou de la Hague, et s’y mêlent le parlé et le chanté. Son chant le plus connu, Su la mé, est devenue l’hymne du Cotentin.
René SCHMITT (1907-1968) : instituteur socialiste, résistant, il fut maire de Cherbourg de 1944 à 1947, puis de 1954 à 1959. Il œuvra au déblaiement des ruines, au ravitaillement de la population et à la reconstruction de la cité. Député socialiste de la Manche de 1945 à 1955 et de 1958 à 1962, il fut appelé par Léon Blum dans son troisième gouvernement, comme sous-secrétaire d’État à la reconstruction (1946-1947).
Le peintre Michel-Adrien SERVANT (1885-1949), dont les oeuvres sont très présentes dans les bâtiments officiels de Cherbourg (fresques du salon de la Rotonde à l’hôtel de ville, bas-reliefs peints représentant les principales activités économiques de la Chambre de commerce...). Il repose sous une croix au nom de Bourdon-Noyon.
Henri SIMON-DUBUISSON (1912-1972) : officier de Marine, il rallia Londres en juillet 1940. A partir de 1942, il prit le commandement de sous-marins. Il fut fait Compagnon de la Libération.
Si vous désirez visiter le cimetière de Cherbourg, ne manquez pas de vous procurer l’excellent petit guide de Didier Lecoeur, illustré par Jean-Philippe Burnel, Promenade dans le cimetière de Cherbourg, ed. isoete, 2009. Il est très bien fait, propose un plan très précis, localise les principales notoriétés du lieu, et offre un itinéraire cohérent de promenade. Bref, un must absolu.
Merci à Didier Brunet pour la photo Simon-Dubuisson.
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