Les questions les plus classiques sur le Père-Lachaise..

lundi 5 décembre 2011
par  Marie Beleyme, Philippe Landru

Cet article fut rédigé en 2004 par Marie Beleyme et moi-même. Je le reprend en l’actualisant et en le complétant.

Pourquoi ce nom ?


Le Père-Lachaise est improprement dénommé : son nom officiel est « cimetière de l’Est ». Trop administratif, les Parisiens lui préférèrent toujours celui de « Père-Lachaise » en référence à François d’Aix de la Chaise (1624-1709), membre de l’ordre des Jésuites, et qui fut confesseur de Louis XIV. Cet intime du roi venait fréquemment se reposer dans la maison et le parc que possédaient l’ordre en ce lieu.

Que reste-t-il du parc des origines ?

Le cimetière se superposa au jardin des origines : le tracé du secteur romantique en rappelle largement l’ordonnance. La présence de 6000 arbres, dont certains contemporains du père Lachaise lui-même, est également une survivance du parc des Jésuites. Le bosquet Dellile (dans la 11ème division), le carrefour Casimir-Perrier, le chemin des Chèvres existaient déjà il y a trois siècles. Une citerne, toujours visible, a donné son nom à un chemin bordant la 24ème division. Si le château des Jésuites n’existe plus, la chapelle du cimetière occupe son emplacement. L’entrée principale du parc des origines est aujourd’hui celle du cimetière.

A quels besoins répondait-il ?

- A un besoin hygiénique et urbanistique tout d’abord : les cimetières de l’Ancien Régime, à l’exemple des Saints Innocents dans le centre de Paris, étaient saturés. Les plaintes des riverains étaient nombreuses, compte tenu des nuisances aisément imaginables. Il fallait également prendre en compte l’extension de la ville face à la poussée démographique. L’idéal hygiéniste des Lumières œuvra, et à la fin du XVIIIème siècle, l’ordre est donné de créer de nouveaux cimetières plus excentrés. Il fallut néanmoins attendre encore une vingtaine d’année pour que ceux-ci voient le jour.

- A un besoin politique ensuite : la Révolution Française étant passée par là, le processus de sécularisation était en œuvre. L’image du cimetière paroissial et confessionnel était en train de disparaître. L’Etat napoléonien voulait affermir son pouvoir sur des institutions jusqu’alors ecclésiastiques.

- A des besoins sociologiques : la mort individualisée ne s’accordait plus avec la vision anonyme des charniers de l’Ancien Régime. En outre, le principe d’un panthéon esthétique « à la française » (parc arboré, tombeaux édifiants) séduisait une élite avide de reconnaissance.

En quoi est-il différent des cimetières antérieurs ?

Répondant à une conception sécularisée des cimetières, le Père-Lachaise n’est plus un enclos paroissial. Sa taille également le distingue, et atteste d’une prise en compte des extensions futures de la ville. Les concessions à perpétuité, rapidement destinées à être célébrées par des monuments pérennes, furent également une nouveauté. Dernier point, et non des moindres, il fut conçu dès l’origine comme un lieu esthétique et éducatif, ce qu’il demeure aujourd’hui.

Quand a-t-il ouvert ?

Le 21 mai 1804, ce qui n’en fait pas le plus vieux cimetière de Paris : les petits cimetières du Calvaire et de Charonne sont plus vieux, mais également le cimetière Montmartre, qui ouvrit une première fois ses portes en 1798.

Est-il le plus grand cimetière de France ?

Absolument pas : tout juste le plus grand de Paris intra-muros. Extra-muros, Bagneux, Thiais, et surtout Pantin sont bien plus grands que lui.

Qui sont les différents promoteurs du cimetière ?

Napoléon, bien sûr, qui donna son aval au projet déjà ancien de fondation du cimetière. Le préfet Frochot ensuite, qui acheta le terrain et mit le projet en œuvre. L’architecte Alexandre-Théodore Brongniart enfin, qui en conçut les premiers plans. A ce triumvirat, ajoutons Louis Baron-Desfontaines, ancien propriétaire du lieu. N’oublions pas un certain nombre d’historiens (Viennet, Paul-Albert, Hillairet) qui par leurs œuvres ont contribué à sa notoriété. Il est intéressant de noter que tous sont inhumés au Père-Lachaise, à l’exception bien sûr de Napoléon qui en avait pourtant émit le souhait. En revanche, François d’Aix de la Chaise qui n’eut bien entendu aucun rôle dans la création du cimetière, n’y repose pas.

Qu’appelle-t-on le « secteur romantique » ?

Il s’agit du secteur le plus ancien du cimetière, aménagé à flanc de colline. Il comprend les tombes les plus anciennes (en particulier celles des personnages liés au Premier Empire). Ce secteur fut classé en 1962.

A quoi ressemble le Père-Lachaise aujourd’hui ?

Il comporte 97 divisions qui résultent d’agrandissements successifs. On peut le diviser en 4 parties bien distinctes :
- Les divisions « du haut » (celles immédiatement accessibles par la Porte Gambetta) forment l’extension la plus moderne du cimetière : terrain plat, allées rectilignes, végétation clairsemée. Les dalles conformistes y côtoient les chapelles et les monuments parmi les plus originaux du cimetière.

- Les divisions centrales du secteur romantique forment un ensemble harmonieux : végétation touffue, pentes parfois raides, chemins de terre, monuments plus ou moins ruinés...

- Le quart Nord-Ouest, accessible par la Porte des Amandiers (la plus proche de la station de métro « Père-Lachaise »), s’étale en pente douce vers le boulevard : moins riche en célébrités, cette partie possède un grand nombre de chapelles imposantes de la fin du XIXème siècle édifiées à la place des anciennes fosses communes. Elles côtoient des dalles plus modestes.

- La septième division (à droite de la Porte du Repos) correspond à l’ancien cimetière juif (autrefois séparé du reste de la nécropole par un mur dont on aperçoit encore les fondations). Ses allées ombragées, ses tombeaux encore essentiellement israélites, lui donnent un caractère bien distinct.

La consultation d’un plan récent du Père-Lachaise permet de repérer aisément ces différentes parties.

Quels sont les événements marquants de son histoire ?

Pour une chronologie détaillée, cliquez ici.

Combien y a-t-il eu d’inhumations au Père-Lachaise depuis son ouverture ? Combien y a-t-il de tombes aujourd’hui ?

Plus d’un million. Le Père-Lachaise compte aujourd’hui plus de 69 000 sépultures.

Combien y a-t-il de cases au columbarium ?

On compte autour de 26 500 cases sur trois niveaux.

Combien d’oeuvres d’art contient le Père Lachaise ?

En marbre, en pierre ou en bronze ; bustes, médaillons ou statues, le cimetière a contenu un peu plus de 1700 oeuvres. Quand on parle d’un musée à ciel ouvert, ce n’est donc pas un titre galvaudé, même si environ un tiers a disparu, en raison de l’usure, des intempéries, des dégradations et des vols.

Combien de célébrités reposent au Père Lachaise ?

Difficile de répondre à cette question : qu’appelle-t-on une « célébrité » ? Qui fait consensus dans ce domaine ? Si l’on considère le paramètre suivant : est connu celui dont l’existence est rappelée par plusieurs notices significatives dans un moteur de recherche tel que Google, on pourra établir sans grosse marge d’erreur la présence d’environ 5 000 personnalités inhumées en ce lieu. Pour relativiser ce chiffre, nous dirons que la quasi totalité des ouvrages sur le cimetière n’en traitent que quelques centaines, et que la communication du cimetière depuis au moins 50 ans ne porte que sur environ 100 tombes du cimetière, dites un peu rapidement « les plus demandées ».

Etre inhumé au Père Lachaise est-il « à la mode » ?

La réponse est claire : non ! Depuis les années 30, le Père Lachaise s’est fait voler la vedette de l’enterrement mondain par le cimetière Montparnasse, où reposent l’essentiel des grandes vedettes du monde des artistes et du spectacle. C’est un paradoxe, mais on enterre finalement peu de grandes pointures au Père Lachaise (entre trois et sept par ans ces dix dernières années). En revanche, la plupart d’entre-elles s’y font crématiser avant de voir leurs cendres disparaître dans des lieux de dispersion inconnus. En dépit de cette donnée globale, il est cependant vrai que le cimetière garde ses amoureux qui s’y font encore inhumer par attachement.

Est-il vrai que c’est un lieu très étrange, très « mystique » ???

Les gogos de toutes les observances possibles y sentirons toujours des émanations mystiques, des manifestations surnaturelles, des présences invisibles... Un cimetière est un lieu suffisamment chargé symboliquement pour que ce type de clientèle soit ravi. Toute contradiction à ces délires est immédiatement taxée de matérialisme sectaire, et à dire vrai, à partir du moment où rien ni personne n’est dégradés, ils peuvent bien croire en ce qu’ils veulent. Les légendes sur le Père Lachaise sont légions : beaucoup d’entre-elles furent « créées » ex-nihilo entre les années 60 et 80 par des guides pour s’attirer de la clientèle. La présence de plusieurs spirites, Allan Kardec en tête, est souvent vu comme une preuve supplémentaire de la charge des lieux. Si l’on regarde les choses d’un point de vue sereinement cartésien, il ne se passe pas grand chose au Père Lachaise : les débordements Morissoniens ne sont plus qu’un souvenir pour ceux qui connurent le cimetière au début des années 80. Les messes noires et autres pratiques de sorcellerie ont disparu avec les dits guides qui en avaient été les promoteurs. En revanche, les vols existent malheureusement bel et bien eux, mais ils n’ont rien à voir avec le monde des esprits, loin de là !

Quelques records :

-  la première personne inhumée Selon les registres du cimetière, une fillette de cinq ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve, inhumée en 1804, fut la première personne inhumée dans une tombe individuelle. Sa tombe, qui se trouverait aujourd’hui dans la 60e division, a disparu depuis longtemps. Elle n’a jamais reposé, contrairement à une tradition qui date de 2004, dans l’actuelle 42ème division, où quelques nostalgiques continuent à apporter au lieu de son hypothétique tombe des fleurs en plastique !

-  la tombe la plus ancienne Dans l’actuelle 60ème division, on peut voir la plus ancienne pierre tombale encore en place : celle de Reine Févez. Déplacée de quelques mètres par rapport à son emplacement d’origine, elle côtoyait justement la tombe d’Adélaïde Paillard de Villeneuve.

-  les défunts les plus anciens Contemporains du XIIème siècle, Héloïse et Abélard sont à l’évidence les défunts les plus anciens du cimetière. Ils y furent transférés en 1817 dans le but de promouvoir la notoriété du Père-Lachaise. Citons également Molière et La Fontaine dont les restes (hypothétiques) furent amenés à la même époque.

-  la première chapelle La chapelle de la famille Greffulhe édifiée en 1815 dans l’actuelle 43ème division.

-  la première sculpture La stèle cénotaphe du dragon Antoine de Guillaume-Lagrange (1782-1807), dans l’actuelle 29ème division.

-  la première statue La pleureuse en marbre de la sépulture du négociant Pierre Gareau (+1815), dans la 10ème division.

-  la plus haute sépulture Le « phare » de Félix de Beaujour, qui culmine à 20m de hauteur, dans la 48ème division, est à l’évidence le plus haut monument du cimetière. On peut l’apercevoir du haut de la Tour Eiffel.

-  la plus monumentale Le mausolée de la famille Demidoff-Strogonoff, dans la 19ème division, suivi de près par la tombe d’Adolphe Thiers, dans la 55ème division.

-  la plus fleurie En dehors de la Toussaint, la tombe la plus fleurie est sans doute celle d’Allan Kardec, dans la 44ème division.

-  la plus visitée Difficile à dire. Cela se joue entre Allan Kardec, Jim Morrison, Edith Piaf et Frédéric Chopin.


Commentaires

Tombe B
mardi 25 novembre 2014 à 18h56

Au détour d’un chemin, j’ai croisé une tombe gravée d’une croix teutonne et marquée d’un grand « B » avec les dates 650-1880. En savez-vous plus sur cette tombe ? Merci.

Logo de Joce Degenève
samedi 31 janvier 2015 à 18h57 - par  Joce Degenève

Bonjour,je vous avait trouvé sur un site ,mais perdu,aussi votre recherche au final m’a passionnée également,j’y ai passé un bon moment mais celà m’a amenée à ceci:Le chiffre 650 représenterait la division d’infanterie d’un régiment allemand,la croix de fer expliquerait celà,quant à l’année 1880 ce serait la date de naissance de cette personne si on considère que la deuxième guerre s’est terminée en 45,cet homme aurait autour des 60 années,il est bien évident que ce sont mes propres recherches qui m’ont amenées à ces déductions.....1945-1880=65 ans ! car cette division a été dissolue en 45,ce serait comme je vous l’avais mentionné quelque part un soldat...PS : en calculant son décès à la fin de la guerre,il pouvait être un peu plus jeune.Quant au B ,le début de son nom de famille ,mais je ne le pense pas,un soldat mort dans des conditions troubles justifierait qu’il n’y aie pas d’autres inscriptions,j’espère vous avoir été un peu « utile » dans votre recherche.Bien à vous Joce...

samedi 3 janvier 2015 à 21h10

Je cherche je cherche. Je pense que 650 est une date de naissance liée à la création de l’ordre en 1191. A part cela ...

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Les questions les plus classiques sur le Père-Lachaise..
dimanche 2 septembre 2012 à 15h42 - par  sebadive

Bonjour. Je ne sais pas ou mettre la question, car cela concerne tous les cimetières. Elle va paraître ridicule |-) , quand je vois marqué par exemple pour l’emplacement d’une tombe 2eme ligne, Y, 22 (ici pour Joseph de Nittis dans le site appl-lachaise) je suppose que ligne est synonyme de rangée et que 22 signifie que c’est la 22eme tombe. Mais sans vraiment être certain que sa soit ça. Le Y je ne sais pas la signification.
Bon après-midi.

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jeudi 19 décembre 2013 à 18h48 - par  sauval

Vous pouvez trouver l’ouvrage de Moiroux sur Gallica et un plan vue 407 sur 419 qui situe la tombe de Joseph de NITTIS cité page 11, 263 et 358.
bonnes recherches

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dimanche 2 septembre 2012 à 16h00 - par  Philippe Landru

Non, ce n’est pas la bonne lecture. Les coordonnées des articles de l’appl sont inutilisables pour le public puisqu’elles font référence au plan contenu dans un ouvrage de Jules Moiroux édité dans les années 20, et que très peu de gens possèdent.

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vendredi 14 février 2014

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