ORMESSON-SUR-MARNE (94) : cimetière
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Le cimetière d’Ormesson présente, tel un exemple-type, ce qu’il ne faut pas faire : la quasi totalité des tombes anciennes a disparu. Les affreuses dalles modernes ont pris leur place. Moralité : un vaste parking funéraire, où les emplacements peuvent désormais céder leur place à d’autres locataires en tout point similaires. Le tout est impeccable, rangé au cordeau : un bel alignement d’ennui. Quand tous les cimetières ressembleront à cela, on pourra alors tous les foutre en l’air et bétonner par dessus ! Circulez y-a-rien-à-voir.
Parmi ces tombes toutes semblables se détache, signalé par arbres et buissons, ce qui fut un ancien enclos familial, celui de la famille locale : les Le Fèvre Ormesson.
Une tombe moderne abrite la dépouille de Wladimir d’ORMESSON (1888-1973). Fils du diplomate Olivier d’Ormesson (voir plus bas), il passa les vingt premières années de sa vie à voyager au gré des affectations de son père. Après avoir combattu en Alsace pendant la Première Guerre mondiale, il servit comme officier d’ordonnance du maréchal Lyautey au Maroc, puis se lança dans le journalisme, particulièrement dans le domaine des relations internationales qui lui était familier. Il collabora notamment au Figaro et à la Revue des Deux Mondes. Sa carrière diplomatique commença en mai 1940 quand Paul Reynaud le nomme ambassadeur auprès du Saint-Siège, mais il fut rappelé en octobre par le gouvernement de Vichy. Il collabora au Figaro replié à Lyon avant d’entrer dans la clandestinité.
En 1945, il fut nommé ambassadeur en Argentine, puis au Chili l’année suivante, avant de retourner auprès du Saint-Siège en 1948 où il resta jusqu’en 1956, année au cours de laquelle il fut élu à l’Académie française. Il défendit alors les courants modérés voire libéraux de l’Église, en particulier français contre l’« offensive intégriste ». Wladimir d’Ormesson fut appelé par le général de Gaulle à la présidence de l’Office de la radiodiffusion et de la télévision française (ORTF).
Il fut l’auteur de nombreux ouvrages, surtout des essais, mais aussi des poèmes (Les Jets d’eau) et un roman (La Préface d’une vie). Il était l’oncle de l’actuel académicien Jean d’Ormesson.
A coté de cette tombe moderne, deux stèles du début du XIXe siècle ont survécu à tous les bouleversements. L’une est la pierre tombale du trisaïeul de Wladimir, à savoir Henri IV François de Paule LE FÈVRE D’ORMESSON (1751-1808). Issu lui-même d’une dynastie de magistrats, fils et petit-fils d’intendants des finances, conseiller d’État et intendant des finances, il succéda à son père dans ses différents emplois, et notamment comme administrateur de la maison d’éducation de Saint-Cyr. Il devint en 1783 un éphémère contrôleur général des finances : à peine arrivé aux affaires, le nouveau ministre donna la pleine mesure de son inexpérience et de son incapacité à trouver d’urgence des fonds pour rembourser les échéances liées à la guerre d’Amérique. Huit mois plus tard, il fut remercié. Apprécié dans les milieux populaires de la capitale, il traversa sans encombres la Révolution française. Après la journée du 20 juin 1792, il refusa le ministère de la Justice que Louis XVI voulait lui confier. Le 21 novembre 1792, il fut élu maire de la capitale. Terrorisé par des lettres de menaces, il donne sa démission aussitôt. Il se retira alors dans son château d’Ormesson.
La présentation de ce cimetière sera pour moi également l’occasion de présenter la chapelle de famille que possède les d’Ormesson dans la 56ème division du Père Lachaise. Ceux qui y sont inhumés font effectivement le trait d’union entre Henri IV d’Ormesson et Wladimir.
Henri IV eut un fils, Marie-Henri François de Paule Le Fèvre d’Ormesson, dit Henri V (1785-1858). Ce maître des requêtes épousa la fille du maréchal de Grouchy. J’ignore où il est inhumé, mais tout laisse à penser qu’il se trouve également au cimetière d’Ormesson. Il n’est en tout cas pas signalé au Père Lachaise.
Henri V eut pour fils Emmanuel Henri Marie François de Paule LE FÈVRE D’ORMESSON (1808-1882) qui lui repose de manière certaine dans la chapelle du Père Lachaise. Il en fut le premier occupant, laissant penser que c’est donc lui qui l’a fit bâtir pour sa descendance. Lui aussi fut maître des requêtes.
Avec lui reposent dans cette chapelle familiale, entre autres membres de la famille :
Olivier Gabriel François de Paule LE FÈVRE D’ORMESSON (1849-1923), fils du précédent, qui fut préfet de l’Allier et des Pyrénées-Atlantiques, puis ambassadeur de France (Portugal, Grèce, Belgique). Il fut le père de Wladimir d’Ormesson (voir plus haut), mais également de :
André LE FÈVRE D’ORMESSON (1877-1957), qui suivit la carrière diplomatique paternelle : il fut ambassadeur de France en Roumanie et au Brésil. Il était le père de l’actuel académicien Jean d’Ormesson, qui reposera donc peut-être ici à sa mort.
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