BAILLEUL (59) : Avec Chantal Vincent, guide, le cimetière devient terre d’émotions et de découvertes
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« Ces terres délaissées où mille émotions et informations n’attendent que d’être découvertes. » Chantal Vincent a fait sienne cette citation de Bertrand Beyern. Passionnée, intarissable et consciencieuse à l’extrême, cette ancienne enseignante, devenue guide, nous conduit, en ce jour de Toussaint, dans les allées du cimetière de Bailleul. Pour un éclairage insolite sur ces lieux chargés d’histoire.
Au croisement d’une allée jonchée de feuilles mordorées, Chantal Vincent s’arrête et s’exclame : « Et voici le clou du cimetière ! ». Une stèle grise, un peu rongée par les ans, entièrement en langue flamande. La seule des lieux. Pendant deux heures - voire plus ! - Chantal Vincent peut disserter et enthousiasmer son auditoire, pour des détails invisibles aux yeux du promeneur lambda.
Là où les lierres ont envahi les pierres et là où le temps a abîmé les monuments, Chantal Vincent, déniche des trésors.
Macabre, un cimetière ? Pas pour elle. La passionnée a créé une visite de celui de Bailleul, il y a quelques années. Au moment de sa retraite, la Douaisienne d’origine - Flamande depuis une trentaine d’années - s’est consacrée à un second métier : guide. Membre de l’association Retables de Flandre, des Amis du musée de Bailleul et du Cercle d’histoire et d’archéologie, elle officie aussi pour le musée de la Vie frontalière de Godewaersvelde ou peut, par exemple, faire découvrir le beffroi de Bailleul ou la ville, selon les demandes. « C’est le travail de l’homme au cours des siècles qui me passionne, confie la Bailleuloise. Pour le cimetière, j’ai privilégié les aspects insolites. Moi, je le vois comme un jardin. Bien sûr, cela dépend si on a eu le décès d’une personne proche ou pas. Mais c’est aussi un lieu de promenade, on y croise Dieu, Yahvé et Mahomet (il y a des tombes juives et musulmanes au cimetière). On philosophe, on relativise les choses, on y apprivoise sa propre mort. Je fais des recherches aux archives départementales, à celles de l’évêché, à la bibliothèque de Bailleul, suivant ce qu’on me donne comme documents. »
Personnages célèbres
À Bailleul, le cimetière actuel date de 1799. L’une des choses qui ont le plus intrigué Chantal David : les tombes des servantes, disposées juste derrière celle des familles pour lesquelles elles travaillaient. « Vous avez déjà vu cela, vous ? Moi, jamais ! » De part et d’autre de l’allée centrale bordée de tilleuls, on peut s’arrêter sur des épitaphes énigmatiques ou poétiques : « S’il poussait une fleur à chacune de nos pensées pour toi, la terre serait un immense jardin. » À Bailleul, il y a aussi des tombes qui sortent de l’ordinaire, comme celle d’Albert Leuwers, un artiste original, qui a été enterré avec ses deux chats, Bib et Bijou. Sur le marbre, un dessin d’un de ses animaux « en représentation », un pigeon sur la tête.
Enfin, de très nombreux visiteurs de la cité de Mélusine aiment retrouver, dans le dédale des caveaux, ceux des familles illustres de la commune. Les sépultures des Cleenewerck de Crayencour, la famille de Marguerite Yourcenar, celles de Pharaon de Winter ou encore de tous les anciens maires de Bailleul.
Parce qu’un cimetière, bien loin d’être seulement triste, peut inviter à la flânerie. D’autant plus avec un guide qui, comme aime à le définir elle-même Chantal Vincent, « fait ouvrir les yeux sur des choses qu’on ne voit plus ».
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