chapelle Sainte-Ursule de la SORBONNE

visité en septembre 2011
lundi 19 septembre 2011
par  Philippe Landru

Les journées du Patrimoine 2011 ont été l’occasion de voir ENFIN la réouverture de la chapelle de la Sorbonne, fermée depuis plus de dix ans au public ! Souhaitons que cette réouverture soit définitive.

Le lieu est à la fois fort connu et paradoxalement confidentiel. Connu parce qu’on ne risque pas de louper cet édifice baroque, offrant avec la place qui le précède, une belle perspective aux étudiants de France et de Navarre, aux touristes et aux badauds, venus en nombre arpenter le quartier latin. Confidentiel cependant non seulement parce que la chapelle fut longtemps fermée, mais également parce que son patrimoine funéraire est peu connu, à l’exception évidemment du tombeau de Richelieu.

Histoire du lieu

La Chapelle Sainte-Ursule de la Sorbonne ou plus simplement Chapelle de la Sorbonne est un bâtiment religieux situé à Paris au sein de l’ensemble architectural de la Sorbonne. C’est le cardinal de Richelieu qui chargea en 1626 Jacques Lemercier de reconstruire l’ensemble dans un style classique (au début du XVIIe siècle, l’ancienne Sorbonne n’était plus qu’un ensemble de bâtiments disparates et délabrés). Dès le début, Richelieu avait prévu d’intégrer son futur mausolée à la chapelle. La chapelle ne fut finalement achevée que l’année de la mort du cardinal, en 1642, dont les funérailles se déroulèrent dans un décor de travaux. Elle fut le premier monument d’importance à coupole dans la capitale, et reste aujourd’hui considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de l’architecture baroque classicisante française.

Le tombeau du cardinal de Richelieu

C’est dans le chœur que se trouve le tombeau du fameux Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de RICHELIEU (1585-1642). Il est d’usage sur ce site de ne pas s’appesantir sur la biographie de personnalités aussi célèbres, dont Internet regorge de données : rappelons simplement qu’il fut un efficace et pragmatique ministre de Louis XIII, qui lui conserva sa confiance dans un contexte difficile ; et que c’est à lui que l’on dut l’édification progressive de l’absolutisme dont Louis XIV fut le bénéficiaire, au prix de la soumission de la noblesse, de certaines élites urbaines, et des protestants du royaume. A la mort du cardinal, la duchesse d’Aiguillon, sa nièce et héritière, prit en charge ses dernières volontés. Elle commanda un tombeau monumental à Girardon, qui ne fut achevé qu’en 1694, le corps de Richelieu étant déposé dans une crypte sous le cénotaphe.

Il se compose d’une vasque de marbre blanc sur laquelle repose le corps du cardinal soutenu par une figure de la religion. À ses pieds, se trouver la figure de la science qui le pleure également. Il est intéressant de noter que Richelieu n’est pas représenté sous la forme d’un gisant (plus à la mode à cette époque) mais s’offrant à Dieu, à demi couché sur son lit de mort, une main sur le cœur, l’autre désignant un livre de piété. Le monument a été plusieurs fois déplacé dans l’église, et a retrouvé sa place d’origine entre les stalles, le cardinal faisant face à l’autel. Cette dernière translation eut lieu en 1971, comme le signale l’une des plaques de l’église.

Le véritable chapeau du Cardinal est suspendu au-dessus de son tombeau. Il lui fut remis le 5 septembre 1622 en récompense de la signature des traités d’Angoulême (1620) et d’Angers (1621).

Les tribulations du corps de Richelieu

Le 5 décembre 1793, les révolutionnaires saccagèrent son tombeau placé dans la chapelle de la Sorbonne (son nez fut cassé), et ce malgré l’intervention physique d’Alexandre Lenoir. Les assaillants exhumèrent le corps du cardinal, puis le décapitèrent ; le reste du corps fut soit jeté à la Seine soit placé dans un des caveaux de la Sorbonne faisant office de fosse commune avec ceux de plusieurs membres de sa famille. La tête du Cardinal fut emportée par un commerçant parisien nommé Cheval, bonnetier ou épicier rue de la Harpe qui, la Terreur finie, peut-être repentant, offrit avec insistance la partie antérieure (son visage) à l’Abbé Boshamp lequel, à sa mort en 1805, la légua à son tour à l’Abbé Nicolas Armez, curé de Plourivo. Mise à l’abri au collège de Saint-Brieuc (où elle était exposée lors des distributions de prix), la relique ne retrouva la Sorbonne que le 15 décembre 1866 lors d’une cérémonie funèbre.

Dans la chapelle de la Sorbonne, une plaque monumentale signale ce transfert de 1866.

En 1895, Gabriel Hanotaux, alors ministre des Affaires étrangères et connu pour être un collectionneur fétichiste, exigea une exhumation : « il en profita pour couper une mèche de cheveux qui alla rejoindre, sans son macabre petit musée personnel… le petit doigt du cardinal ! Cet auriculaire avait été tranché par un révolutionnaire désireux de s’emparer d’une bague et avait échoué dans un bocal de formol que le ministre légua rectorat de l’Université de Paris. Le tout était présenté dans une grande boite de cigares… Nul ne semble savoir où ce petit doigt se trouve aujourd’hui entre le rectorat, le tombeau de la Sorbonne et la Bibliothèque Mazarine qui l’avait un temps conservé dans le socle du buste de Richelieu par Varin ». [1]Hanotaux s’empara du crâne pour l’examiner une dernière fois avant de le placer dans un coffret scellé et de le faire recouvrir d’une chape de ciment armé, dans un lieu tenu secret à proximité du tombeau.

Les ducs de Richelieu

On sait moins que 27 membres de la famille des ducs de Richelieu ou de Fronsac reposèrent, à la suite du cardinal, dans l’église de la Sorbonne qui devint ainsi le Panthéon familial. Ceux qui y furent inhumés avant la Révolution connurent évidemment également les profanations de 1793, et ne sont donc plus ici que des souvenirs. Sous le vitrail aux armes du cardinal, une plaque rappelle la présence de sept membres de la dynastie dont les corps, post-révolutionnaires, se trouvent encore là ; à savoir les quatre derniers ducs [2] et certaines de leurs épouses. C’est en 1952 que fut inhumé le dernier d’entre-eux, Marie-Odet Jean Armand.

Il ne s’agit pas de tous les présenter (rien n’évoquant d’ailleurs leur présence), mais de conserver la mémoire de ceux qui marquèrent leur époque.

Reposent donc dans la chapelle de la Sorbonne :

-  Armand Jean de Vignerot du Plessis (1639-1715), second duc de Richelieu et petit-neveu du cardinal. Pair de France et gouverneur du Havre, ce joueur invétéré perdit toute la fortune, pourtant colossale, des Richelieu. Rien ne rappelle son souvenir en ce lieu.

-  Louis François Armand Vignerot du Plessis (1696-1788) : fils du précédent, troisième duc de Richelieu, il se rendit célèbre par sa vie débauchée et le grand nombre de ses maîtresses (en particulier Mme de Tencin et Jeanne du Barry). Ce furent souvent ces dernières qui furent à l’origine de ses promotions : ambassadeur à Vienne (1725-1729) puis à Dresde, gouverneur de Guyenne en 1755… Il se montra néanmoins habile diplomate et homme de guerre valeureux, et combattit avec distinction dans de nombreuses campagnes entre 1733 et 1758, prenant notamment une part décisive à la victoire de Fontenoy (1745), ce qui lui valut d’être fait maréchal de France en 1748. Brillant courtisan, il exerça une grande influence sur Louis XV, et fut l’ami et le mécène de Voltaire.
Bien que sachant à peine l’orthographe, il fut élu à l’unanimité à l’Académie française en 1720 (il fit écrire son discours de réception par Fontenelle, Campistron et Destouches). Il exerça une très grande influence au sein de l’Académie. Rien ne rappelle sa présence ici.

-  Armand Emmanuel du Plessis (1766-1822), petit fils du précédent : il fut le plus fameux des Richelieu après le cardinal. Emigré en 1789, il prit du service dans l’armée russe et participa à des campagnes contre-révolutionnaires dans les rangs autrichiens. L’amitié du tsar lui valut d’être nommé gouverneur d’Odessa, et propriétaire des vastes territoires méridionaux conquis sur les Turcs. Il s’attacha à l’œuvre d’administration et de mise en valeur qui lui fut confiée et transforma la contrée en une province prospère. Revenu en France en 1814, il fut nommé pair de France. Après l’intermède des Cent-Jours, Louis XVIII lui offrit la présidence du Conseil et le ministère des Affaires étrangères. Quoique la Révolution l’ait dépouillé de ses biens, il n’afficha pas les prétentions de la plupart des émigrés à les récupérer. Respecté par les Alliés, entretenant des relations privilégiées avec le tsar, Richelieu réussit à obtenir des conditions de paix supportables. A l’intérieur, Richelieu appuya Decazes. Il lutta contre l’outrance des ultra¬royalistes, et ceux-ci ne tardèrent pas à le considérer comme un « traître ». Richelieu démissionna fin 1818. Après l’assassinat du duc de Berry, le duc de Richelieu fut rappelé aux affaires. Il présida une deuxième fois le Conseil des ministres de 1820 à 1821, mais sous la pression des Ultras d’un côté et des libéraux de l’autre, il démissionne à nouveau en 1821. Il mourut d’apoplexie peu de temps après. Sa présence ici est signalée non seulement sur la plaque sous le vitrail, mais le duc possède également un cénotaphe en contrebas de la nef. Ce tombeau monumental de facture clairement néoclassique représente le moribond tenu par la religion (portant la croix). Il fut réalisé par Jules Ramey.

La crypte des résistants

En bas à gauche de la nef, un escalier (que l’on ne peut malheureusement pas emprunter) mène à la crypte (où reposent en particulier les derniers Richelieu). Cette crypte est également signalée par un panneau quasiment illisible indiquant : « tombeaux des enseignants, étudiants et lycées résistants ». Ce répertoire du patrimoine funéraire de la Sorbonne ne serait effectivement pas complet si l’on ne mentionnait pas la présence dans cette crypte voûtée des tombes de dix enseignants et deux étudiants symbolisant l’héroïsme des universitaires au service de la France, et morts pour elle. Parmi eux figurent :

- Jean CAVAILLÈS (1903-1944) : professeur puis maître de conférences de philosophie à Strasbourg, à Clermont-Ferrand puis à la Sorbonne à Paris, il entra dans la Résistance. Membre de "Libération-Nord", il fonda des groupes de Résistance en Belgique et dans le Nord de la France. Arrêté en 1943, il fut emprisonné à Fresnes puis à Compiègne avant d’être transféré à Arras. Condamné à mort par un tribunal militaire allemand, il fut fusillé à la Citadelle d’Arras. Enterré dans une fosse commune sous une croix de bois portant l’inscription Inconnu n° 5, ses restes furent exhumés et transférés ici. Il fut fait Compagnon de la Libération. C’est lui qui inspira le personnage de Luc Jardie, interprété par Paul Meurisse dans le film L’Armée des ombres de Melville.

- Stéphane PIOBETTA (1913-1944) : professeur agrégé de philosophie au lycée Voltaire à Paris, militant politique SFIO et résistant, il quitta la France pour aller rejoindre les Forces françaises libres en Afrique du Nord. Il prit part à la campagne d’Italie au sein de la 1re Division française libre, et fut tué dans les combats du Garigliano en mai 1944. Il fut fait Compagnon de la Libération à titre posthume. Il fut d’abord inhumé au cimetière divisionnaire de San Giorgio, puis ses restes furent transférés dans cette crypte.

Dans le fond de la crypte, une niche avec une urne de marbre contient depuis 1952 les cendres des étudiants martyrs du lycée Buffon (sauf celles de Jacques Baudry, inhumé dans le caveau familial). Après avoir été fusillés en 1943 par les nazis au stand de tir de Balard, à Paris, leur corps avaient été jetés dans une fosse commune du cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine.


[1BEYERN Bertrand, Guide des tombes d’hommes célèbres, Le Cherche Midi, 2008

[2A la mort du cardinal, le titre de duc de Richelieu passa au fils de sa demi-sœur Simplicie, né d’Antoine-Pierre de La Chapelle de Saint-Jean de Jumilhac, avec réversion dans la descendance de son frère cadet pour le cas où il décéderait sans héritier mâle, ce qui se produisit en effet, le titre passant alors à son neveu.Le titre s’éteignit en 1952 avec le fils du 7e duc de Richelieu et d’Alice Heine (1858-1925), veuve en 1880 et remariée en 1889 avec le prince Albert Ier de Monaco.


Commentaires

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chapelle Sainte-Ursule de la SORBONNE
lundi 5 décembre 2011 à 15h14 - par  petit fils de raoul

En mai 68,quel a été l’importance du vandalisme des étudiants gauchistes sur le tombeau de Richelieu ?

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