La tête de Passannante enfin inhumée
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L’anarchiste italien avait tenté d’assassiner le roi Humbert Ier en 1878.
Son cerveau et son crâne ont été transférés presque en cachette. Puis finalement enterrés dans le cimetière de son village natal. Près de un siècle après son décès. Et cent vingt-huit ans après sa tentative de régicide, qui lui avait valu une condamnation à mort commuée en prison à perpétuité. Sur ordre du ministre italien des Biens culturels, Francesco Rutelli, les restes de l’anarchiste Giovanni Passannante ont ainsi été ensevelis jeudi dernier à Savoia di Lucania, en Basilicate, après des semaines de polémiques. Il aura fallu une pièce de théâtre et l’intervention d’artistes et d’intellectuels dont le Prix Nobel Dario Fo pour que le jeune idéaliste trouve enfin une sépulture et que se « referme finalement de manière honorable, selon le ministre, une blessure trop longtemps ouverte ».
Entre dispute historique et politique, le cerveau de Passannante a en effet suscité de vives passions dans la péninsule, bien au-delà du village méridional d’un millier d’âmes, qui, pour oublier l’acte criminel de l’un de ses fils, avait décidé à la fin du siècle dernier de changer de nom, de Salvia à Savoia, en honneur de la famille du roi Humbert Ier, que l’anarchiste avait tenté d’assassiner, à Naples, le 17 novembre 1878. A l’aide d’un couteau et au cri d’ « A bas la misère » le cuisinier avait alors blessé légèrement le monarque. Condamné à mort, Giovanni Passannante fut finalement placé en détention à vie sur l’île d’Elbe, dans des conditions inhumaines.
A sa mort, en 1910, dans une prison psychiatrique, l’anarchiste est décapité, son corps livré aux chiens. Quant à son crâne et son cerveau, plongé dans du formol, ils sont exposés au musée de Criminologie de Rome. Dans le sillage des théories morphologiques de Cesare Lombroso, les scientifiques italiens souhaitaient en effet démontrer l’existence de déviances criminelles innées chez Passannante.
Opposés à la sépulture, les monarchistes sont montés au créneau dénonçant « un mauvais exemple pour les jeunes », tandis que les radicaux se sont eux insurgés contre « l’enterrement d’un témoignage du passé ». « L’idéologie ne doit pas occulter la pitié », a insisté Francesco Rutelli, obtenant finalement gain de cause.
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