DELESSERT famille

Passy - 6ème division
lundi 2 mai 2011
par  Philippe Landru

Famille protestante originaire de Genève, puis installée à Lyon puis à Passy, les Delessert occupent une position particulière et finalement privilégiée dans ce cimetière. Les premiers d’entre-eux furent en réalité enterrés dans le premier cimetière de Passy, qui se trouvait rue Lekain. Lorsque ce premier cimetière fut fermé, les Delessert parvinrent à conserver un minuscule enclos funéraire, cimetière privé dans lequel ils continuèrent à ensevelir leurs morts. En 1959 furent achetée trois concessions côte à côte dans l’actuel cimetière de Passy. Ce n’est finalement qu’en février 1961 que l’exhumation et le transfert des ossements des 12 membres de la famille Delessert dans l’actuel tombeau furent réalisés.

Très sobre, il se présente sous la forme de trois pierres tombales gravées de l’identité des défunts.

Dans le tombeau central (par ordre d’inscription)

- Etienne DELESSERT (1735-1816), le patriarche. Calvinistes, les Delessert s’étaient exilés de France après la révocation de l’édit de Nantes. Plusieurs membres de sa famille revinrent en France en 1735. Étienne Delessert vint en 1777 se fixer à Paris, où il fonda un établissement de banque qui devint bientôt l’un des plus importants. Il contribua au développement de l’industrie des tissus de gaze et forma la première compagnie d’assurances contre l’incendie. Il provoqua en 1782 la création de la caisse d’escompte, germe de la Banque de France. Emprisonné en 1792 malgré ses services, il s’occupa dès qu’il fut libre de questions d’agriculture et introduisit en France 6 000 mérinos. Amateur des arts, il se constitua une galerie de tableaux, agrandie par ses fils, et riche surtout en chefs-d’œuvre des écoles hollandaise et flamande. Il repose avec son épouse, Madeleine Catherine Boy de La Tour (1747-1816), fille d’un négociant neuchâtelois et amie de Rousseau.

- Madeleine DELESSERT (1767-1838), seconde fille d’Etienne, et son époux Jean Antoine Gautier (1756-1800), banquier.

- Laure DELESSERT (1772-1823), qui épouse son cousin Benjamin Delessert (tombeau de gauche)

- François Marie DELESSERT (1780-1868) : troisième fils d’Etienne, il conjugua ses activités de banquier avec celles de philanthrope. Il fut président de la Chambre de commerce et acquit l’hôtel Lauzon au 27 de la rue Raynouard. Il fut député de la Seine de 1831 à 1837, puis du Pas-de-Calais de 1838 à 1848. Il était également membre libre de l’Académie des Sciences. Il fut une « victime » involontaire du caricaturiste Daumier. Il épousa sa nièce Julie Sophie Gautier, fille de sa sœur Madeleine Delessert et de Jean Antoine Gautier.

- Valentinde de LABORDE (1806-1894), épouse de Gabriel Delessert (voir tombeau de droite). Petite-fille du célèbre financier, le marquis Jean-Joseph de Laborde, fille du comte Alexandre de Laborde, elle fut la maîtresse de Prosper Mérimée qui en était fou amoureux. Pendant six ans cette liaison, affichée au vu et au su du tout-Paris, sembla être ignoré de son époux ! Sous la monarchie de Juillet, elle tint un salon prestigieux, recevant dans son hôtel de Passy les principales figures de la génération romantique. C’est ainsi qu’elle « quitta » Mérimée pour devenir la maîtresse de l’écrivain et voyageur Maxime Du Camp, puis celle de l’homme politique Charles de Rémusat. Sous le Second Empire, devenue veuve, elle conserva une position mondaine éminente, et fut l’intime de l’impératrice Eugénie. Elle inspira à Flaubert le personnage de Mme Dambreuse dans L’Éducation sentimentale, et à Maxime Du Camp celui de Viviane dans Les Forces perdues.

- François Benjamin DELESSERT (1817-1868) : banquier, il fut un éphémère député de la Seine de 1849 au coup d’Etat de 1851. Comme son cousin Edouard Delessert (voir tombeau de gauche), il fut un pionnier passionné de photographie.

Dans la tombe de gauche

- Benjamin DELESSERT (1773-1847) : le plus fameux de la famille. Second fils d’Etienne, il reçut une éducation poussée (parmi les amis de la famille figuraient Jean-Jacques Rousseau et Benjamin Franklin). Adolescent, il fut envoyé en Angleterre où il rencontra d’éminents personnages, tels que l’historien-philosophe David Hume, l’économiste Adam Smith et le physicien James Watt. La révolution le rappela en France et le lança dans une brillante carrière militaire. De retour à Paris, il se tourna vers l’industrie et essaya d’introduire, grâce à ce qu’il avait appris de Watt, l’usage de la vapeur dans les machineries. A la même époque, très touché par la misère, il créa en 1800 les premières soupes populaires.

En 1806, alors que le blocus continental provoquait une envolée des prix des produits venus d’outre-mer, Napoléon souhaita que l’industrie française développât un produit de substitution à la canne à sucre. Après six ans de recherche, Benjamin Delessert réussit la mise au point de machines perfectionnées qui permirent d’extraire du sucre de betterave. Très enthousiaste, Napoléon se précipita à la fabrique de Delessert à Passy, décora celui-ci de sa propre légion d’honneur et le nomme Baron. Il pu mener son combat législatif sur le long-terme : il siégea pendant 25 ans à la Chambre des députés, dont il fut deux fois élu vice-président. En 1818, toujours dans l’optique de secourir les plus démunis, il créa, avec l’aide d’autres banquiers, les Caisses d’Epargne et de Prévoyance. Ce fut l’œuvre dont il fut le plus fier.

Il fut enfin un homme de sciences : durant toute sa vie, il accorda un grand intérêt à la botanique et la malacologie et ramassa une collection importante : le plus grand herbier particulier avec 86 000 espèces et la plus grande collection de coquillages : 150 000. Il fut élu membre libre de l’Académie des sciences en 1816.

- Edouard DELESSERT (1828-1898) : fils de Gabriel (voir plus loin). Tout à la fois peintre, archéologue et pionnier de la photographie avec son cousin germain Benjamin Delessert (voir tombeau central), il commença par entreprendre des études de droit avant d’accompagner, en 1850, Félicien de Saulcy dans son voyage à la Mer Morte et en Syrie, puis de visiter la Turquie, la Grèce, la Sardaigne et l’Italie. Collaborateur de la Revue de Paris de 1851 à 1858, fondateur de la revue critique L’Athenaeum, il se lança dans les affaires où il engloutit une grande partie de sa fortune, avant de dilapider le reste.

Dans le tombeau de droite

- Gabriel DELESSERT (1786-1858) : quatrième fils d’Etienne. Officier dans la Garde nationale, il fut maire de Paris de 1830 à 1834 : il se signala auprès des autorités dans la répression de l’émeute des 5 et 6 juin 1832. Éphémère préfet de l’Aude, puis de l’Eure-et-Loir, il fut nommé préfet de police de Paris en 1836, poste qu’il conserva jusqu’à la Révolution de 1848. Dans ces fonctions, il eut à faire incarcérer à la Conciergerie le prince Louis-Napoléon Bonaparte après sa tentative malheureuse de soulèvement de Strasbourg, en dépit des liens qui l’unissaient à la reine Hortense. Il améliora les services des transports, les prisons, la voirie, les services de secours. En reconnaissance des services qu’il avait rendu à l’État, Louis-Philippe le fit pair de France en 1844. Il occupa une position de premier plan sous la monarchie de Juillet, renforcée par le prestige du salon de sa femme qui recevait dans son hôtel de Passy les principales figures de la génération romantique. Il resta fidèle à la famille d’Orléans après la Révolution de 1848 et rendit plusieurs fois visite à Louis-Philippe à Claremont. Il refusa de servir le Second Empire et mourut d’une congestion pulmonaire contractée en sauvant un homme de la noyade.


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Commentaires

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DELESSERT famille
dimanche 10 mars 2024 à 18h33 - par  Cécile Déjardin

Monsieur,
Merci infiniment pour votre article et pour le lien vers le Bulletin de la Société historique d’Auteuil et de Passy. Ici, je vais abréger, si vous le permettez : je cherche à savoir quelle est la pièce d’archive qui indique que le transfert des dépouilles a été fait en 1961 ? D’autres personnages enterrés à cet ancien cimetière de Passy en 1799 m’intéressent, mais existe-t-il une liste des sépultures relevées ?
Merci encore....

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DELESSERT famille
lundi 16 février 2015 à 16h19 - par  G.barbier

Je recherche la photo des tombes delessert rue lekain ainsi que l’image ou la photo de l’Hotel Lauzon
Rue Raynouard