Narbonne récupère son archevêque

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Tout le Languedoc officiel a mené vendredi à sa dernière sépulture en la cathédrale de Narbonne Mgr Arthur Dillon, dernier archevêque et président-né des Etats de Languedoc, mort en 1806 à Londres.
Un cortège chamoiré où se mêlaient ors, pourpre, toges, étoles, hermines, velours et feuilles de chêne, confréries,
autorités religieuses et civiles, a accompagné la dépouille, découverte pendant les travaux de la gare Eurostar de Londres en 2004.
Le cercueil, arrivé jeudi par avion, avait auparavant emprunté en péniche un parcours commémoratif de Port-la-Nouvelle à Narbonne, par le canal de la Robine qui joint les deux villes, du Canal du Midi à la Méditerranée. Il avait été creusé au 18ème siècle sous l’impulsion du prélat.
Ce grand prince de l’Eglise, ami des philosophes et de Louis XVI, avait été un bâtisseur, construisant, par exemple, les digues qui protègent l’hôpital de la Grave de la Garonne à Toulouse où une promenade porte son nom, le cours Dillon. Libéral, soupçonné de libertinage par certains de ses contemporains, Mgr Dillon refusa après la révolution de prêter
le serment que lui demandait la République et s’exila à Londres en 1790.
L’archevêché de Narbonne qui, pendant un temps, commanda aux évêques de la Provence à la Catalogne, disparut avec son départ. Le dernier archevêque de Narbonne reposera désormais dans la chapelle Saint-Martin de la cathédrale.
Le président de la région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, a mis en avant les talents de bâtisseur de son « prédécesseur », président des « Etats de Languedoc » avant la révolution, avocat des besoins économiques de Nîmes à Narbonne, de Carcassonne à Toulouse. En toge de docteur universitaire, il a prononcé un lapidaire « reposez en paix » pour clore une brève cérémonie civile devant la mairie de Narbonne. Au son de la « Marche des cent Suisses », jouée par la fanfare du Réveil Gruissanais, le long cortège multicolore des confréries et religieux a traversé les petites rues du Narbonne médiéval.
Dans la cathédrale, Mgr Lustiger, cardinal et archevêque émérite de Paris, Mgr Fortunato Baldelli, nonce apostolique, et Mgr Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne, ont célébré une messe pontificale, dernier
hommage au prélat d’origine irlandaise, dont la famille avait mis une armée au service de la France sous Louis XIV.
Lorsque la tombe de Mgr Dillon fut retrouvée en 2004 sous la gare de St Pancras construite en 1886 à Londres, on y trouva le dentier du défunt, un bijou de porcelaine aux ressorts d’or, oeuvre du dentiste parisien Nicolas de Chemant. Ce dentier, exposé en 2006 au London Museum lors d’une « Journée du sourire », aurait ensuite été vendu à un amateur de curiosités. L’insistance des diverses autorités culturelles et civiles régionales à souligner le rôle économique du prélat-président et ses plaidoyers pour la région au temps de la monarchie semble indiquer qu’elles ont vu en lui un nouveau jalon historique de la forte identité régionale.
Monseigneur Dillon : un trésor en bouche
Sous la gare Saint-Pancras inaugurée hier, à Londres, gisait le corps du prélat narbonnais. Certes, les Britanniques n’ont pas manqué de retourner au diocèse de Narbonne la dépouille mortelle de l’Archevêque Arthur Richard Dillon exhumée lors de la construction de la gare Eurostar londonienne de St Pancras. Mais Londres a précieusement conservé son dentier en porcelaine de Sèvres monté sur des ressorts en or ! L’histoire a resurgi ces dernières heures à la faveur de l’actualité liée à l’inauguration de la nouvelle gare par la Reine Elizabeth .
Fuyant la guillotine, Dillon, qui fut archevêque de Narbonne, puis de Toulouse, s’exila en Angleterre chez son cousin à Londres, le Vicomte Dillon. Il y séjourna jusqu’à sa mort, en 1806 à l’âge de 85 ans. Sans doute le prélat était-il à son aise dans ce quartier catholique de St Pancras où se retrouvaient les aristocrates et les réfugiés de la Terreur, tel Nicholas Dubois de Chemant, le présumé dentiste de Dillon. Nombre d’entre eux y ont été enterrés près de l’église jusqu’en 1860, date à laquelle la construction de la gare signait la fin du cimetière. L’an dernier, pressés par les travaux du terminal Eurostar, les archéologues ont exhumé des milliers de tombes. Beaucoup comportaient des inscriptions en français. Dans le cercueil de Dillon, le dentier se trouvait encastré dans sa mâchoire. Natasha Powers, archéologue du Museum of London, a tout de suite estimé qu’il devait être l’œuvre de Chemant. Dentiste réputé, il avait obtenu une licence royale de Louis XVI pour son dentifrice minéral et disposait d’un four à l’usine de Sèvres. « Cet artefact unique reflète un tournant dans l’histoire de la dentisterie, dit-elle, tant pour l’adoption de nouveaux matériaux que pour la méthode de fabrication. » Les dentiers ainsi ciselés sur mesures en porcelaine fine et pivots en or sont une invention française des années 1770. A Toulouse, le cours Dillon nous rappelle qui était cet archevêque-bâtisseur sous l’impulsion duquel de nombreux édifices furent construits.
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