On se croit seul dans le lointain du désert des tartares de Thiais, les écouteurs dans les oreilles, et soudain une voix derrière vous se fait entendre, un jeune barbu tout brun qui vous rattrape, tout sourire mais disant ne pas parler français, il demande votre aide, en anglais, si on veut bien : Il désire être pris en photo à côté de la tombe de son oncle. Il me désigne l’étrange division 110 où une haute haie semble séparer les musulmans sunnites et chiites. Lui m’explique qu’il vient d’Iran pour voir la tombe de son tonton… L’oncle, c’est la défunte star de la chanson iranienne Farhad Mehrad (1944-2002) dont la carrière s’étiola après la révolution islamiste. Mort en France après deux ans de maladie. Tout content des photos prises avec son téléphone, je l’avise qu’à l’autre bout du rang dans lequel repose son oncle, est plantée une tombe énigmatique, assez récente, il y avait encore une simple dalle de ciment il y a peu, une tombe sans inscription qui doit être celle de Gholam-Reza Pahlavi (1923-2017), demi-frère du Shah, un prince général qui a fini ses jours en France.
Et autre étrangeté, de l’autre côté de la haie séparant la petite communauté chiite de tous les autres, semblant inhumés dans un terrain à l’abandon, une pierre tombale toute neuve, se distinguant par sa seule présence, pas d’autres dalles dans ce quasi champ de patates, que des moignons de ciment, donc, une dalle de granit portant le nom de Mohammad Daftary (1904-1983). Cet officier passé par Saint-Cyr et l’armée française avait été nommé par Mossadegh gouverneur militaire de Téhéran, Mossadegh n’avait guère de gens de confiance dans ce milieu, et il semble que Daftary roulait aussi déjà pour le camp adverse qui allait installer le Shah au pouvoir. D’où cette inhumation à part, du fait de son parcours sinueux, de vieilles rancœurs internes à ce petit milieu en exil, on suppose. Un fils à lui est universitaire en Angleterre...
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