MELLE (79) : église Saint-Savinien

visité en décembre 2022
samedi 21 janvier 2023
par  Philippe Landru

Petite visite dans une église pour nous plonger dans une bouffonnerie juridique du XVIIe siècle !

Saint-Savinien, la plus ancienne des trois églises de Melle (XIe-XIIe siècles), possède la particularité d’être édifiée dans l’enceinte du castrum féodal. Son chevet, notamment, repose sur les anciennes fortifications de la ville.

En 1801, l’édifice fut transformé en prison, pendant près d’un siècle et demi. Les travaux de maçonnerie effectués pour l’occasion ont, à l’époque, fait peu de cas de son architecture. Les prisonniers ont laissé de nombreuses traces de leur passage, sous forme de graffiti gravés sur une porte.

Le 24 septembre 1644, Pierre-Saturne Houlier, juge de Melle, se retrouve face à une situation épineuses. Un prêtre est venu se plaindre d’avoir été floué par une dénommée Marie Pérot lors d’un échange de monnaie, tandis que cette dernière se défendait de n’avoir rien à voir dans cette histoire de pièce disparue. L’affaire semble dans l’impasse. Le juge a beau faire jurer sous serments les deux parties à plusieurs reprises, aucun n’a pu lâcher le morceau. Comment en effet déterminer la preuve de ce que l’un ou l’autre avance ? Comment déceler le mensonge de la vérité dans des discours qui semblent pourtant emplis de bonne foi ? Désespéré, le juge se fia finalement à une solution de dernier secours : il se saisit alors de deux bûchettes et invita les deux parties à tirer à la courte paille. Marie tira finalement la plus grande des deux bûchettes. Pour le juge, se déchargeant d’une certaine culpabilité, la sentence ne pouvat être que juste car rendue par la Providence divine. Ne l’entendant pas de cette oreille, le prêtre décida de faire appel.

Devant le Parlement de Paris, « l’affaire des buchettes » fit grand bruit. Des copies furent imprimées à partir du jugement et circulèrent parmi les hommes de loi. Pourtant beaucoup soutenaient le juge de Melle en expliquant que la justice avait souvent recours au sort et que d’ailleurs, les Vénitiens empruntaient le même procédé pour élire leur Doge. Alors que le jugement fût déclaré irrégulier par le Parlement, Marie Pérot remporta finalement le procès devant la Cour suprême. Publiquement réprimandé pour sa sentence le juge répondit pour se défendre qu’ on devait lui pardonner de n’avoir pas osé se fier à ses lumières seul face à cette affaire. Le plupart des juges à sa place aurait d’ailleurs selon lui usé du même procédé.

Jean de La Fontaine s’inspira de cette histoire pour conter l’une de ses fable :

Deux avocats qui ne s’accordaient point
Rendaient perplexe un juge de province :
Si ne put on découvrir le vrai point,
Tant lui semblait que fût obscur et mince,
Deux pailles prend, d’inégale grandeur,
Du doigt les serre : il avait bonne pince.
La Longue échet sans faute au défendeur ;
Dont renvoyé s’en va gai comme un prince.
La cour s’en plaint et le juge repart.
« Ne me blâmez Messieurs pour cet égard ;
De nouveauté dans mon fait il n’est maille ;
Maint d’entre vous souvent juge au hasard,
Sans que pour ce tire la courte paille. »

Dans le bras droit du transept, sur un mur de l’église Saint-Savinien, quelques phrases endommagées par le temps témoignent de l’ancienne sépulture de cette grande famille de la ville de Melle : Cy gisent les corps de Maître François Houlier conseiller du Roy, lieutenant général civil et criminel, lieutenant particulier assesseur criminel et premier conseiller du siège royal de Melle âgé de 35 ans décédé le 26 mars 1655 et de Maître Pierre Saturne Houlier conseiller du roy président au siège royal de Melle âgé de 72 ans décédé le 10 février 1665. Et de Damoiselle Renée Gorrin femme de Maître Hilaire Houlier conseiller du roy, président et lieutenant général civil et criminel assesseur criminel et premier conseiller du siège royal de Melle âgé de 71 ans décédé le 30 janvier 1704.

Une plaque à proximité reproduit la fable.



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samedi 29 octobre 2022

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vendredi 14 février 2014

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