VIBERT François (1846-1912)

Nouveau cimetière de la Guillotière de Lyon (69)
vendredi 11 novembre 2022
par  Philippe Landru

En 1885, un pharmacien genevois, Charles Hahn (1845-1925), eut l’idée d’utiliser, dans une lotion capillaire, le pétrole qui semblait avoir une action tonique sur le cuir chevelu : la vertu de ce produit était connue depuis l’Antiquité, et les hommes employés dans les puits de pétrole de Pennsylvanie étaient réputés pour leur « étonnante pilosité ».

La lotion, sous la dénomination de « Pétrole pour les cheveux », arriva en France en 1893. Le droguiste lyonnais François VIBERT (1846-1912) s’y intéressa et déposa le modèle de l’étiquette du pétrole pour les cheveux au tribunal de commerce. En juin 1893, il signa un contrat avec Hahn stipulant l’obligation de vendre 6000 flacons de produit avant de connaître la « formule secrète » et de pouvoir fabriquer lui-même cette lotion. François Vibert déposa officiellement la marque Pétrole Hahn au tribunal de commerce le 24 juillet 1896. Dès 1901, François Vibert avait rempli son contrat et réussi à vendre les six mille flacons. Il put enfin prendre possession de la fameuse formule de fabrication. De simple concessionnaire général, il devient propriétaire - fabricant.

Les dix premières années du siècle furent les années fondatrices de Pétrole Hahn : médailles nationales et internationales, campagnes de publicité à base d’affichage, de cartes postales, éditions de catalogues commerciaux, développement du réseau de diffusion. A sa mort, la direction de l’entreprise passa à son fils adoptif, Robert LAURENT-VIBERT (1884-1925). Personnage polyvalent, il fut d’abord agrégé d’histoire, prix de Rome (il procéda à des fouilles archéologiques, d’abord entre Naples et Rome en compagnie d’André Piganiol, puis en Sicile ou en Tunisie (Haïdra). Sous-lieutenant d’infanterie pendant la Grande Guerre, il fut envoyé en mission en Grèce de janvier 1916 à octobre 1918, dans l’Armée d’Orient. Ses talents d’organisateur lui valurent d’être choisi pour assister les autorités grecques afin de réorganiser le ministère du ravitaillement. Il participa aux conférences préliminaires de la paix, à Spa, et devint délégué à la Commission Économique pour l’élaboration du traité de Versailles. Après la guerre, il reprit en main la destinée de l’entreprise. Il créa un modèle social avant l’heure en accordant à ses salariés des congés payés et des « allocations familiales ». De même, Pétrole Hahn lui dut son nouveau statut de société anonyme.

L’entre-deux-guerres fut pour Pétrole Hahn une sorte d’âge d’or, marqué par un

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Benjamin Rabier, ami de Robert-Laurent Vibert, illustra dans les
années trente trois recueils d’histoires reproduites en images d’Epinal.

déploiement extraordinaire de publicité. La lotion se multiplia et se déclina sans trêve : affiches, publicités dans la presse et les magazines, cartons publicitaires, chromos, buvards, cartes postales, timbres, calendriers, puzzles, enseignes lumineuses, gadgets. La communication joua indifféremment l’attrait d’une belle chevelure ou la hantise de la calvitie. Autre support privilégié de la marque, les coiffeurs, avec lesquels Pétrole Hahn travailla en étroite collaboration, avec son lot de petits cadeaux, peignes, tondeuses et autres objets publicitaires. L’enfance ne fut pas exclue, et pour la séduire on fit appel aux meilleurs illustrateurs, Benjamin Rabier en tête. Durant la guerre, Pétrole Hahn parvint à tirer son épingle du jeu : l’usage de la lotion permettait aux soldats de garder des cheveux sains, malgré le port du casque ou du képi.

Mécène, il acheta un château, à Lourmarin, pour y accueillir artistes, écrivains, musiciens, mais aussi des scientifiques, inspirée du modèle de la Villa Médicis à Rome qu’il a bien connue lors de ses voyages. Dans ce but, Il légua par testament le château et ses collections à l’Académie des Sciences, Agriculture, Art et Belles Lettres d’Aix-en-Provence. Celle-ci créa la Fondation de Lourmarin Laurent-Vibert, reconnue d’utilité publique en 1927. Son ami Henri Bosco l’aida à monter et gérer la Fondation qui, chaque été, accueille en résidence de 8 à 10 jeunes pensionnaires, artistes de diverses disciplines (peintres, sculpteurs, musiciens, chercheurs, écrivains…). Durant leur séjour au château, ils se consacrent à leur art, sans soucis matériels [1]. Robert Laurent-Vibert fut victime d’un accident de voiture : un pneu avant de la voiture éclata et trois passagers furent gravement blessés. Après avoir semblé être sur la voie de la guérison, il mourut des suites de ses blessures.

L’entreprise Vibert et la marque Pétrole Hahn furent rachetés fin 1978 par le groupe américain Richardson-Merrel.



[1L’Académie des Beaux-Arts parraine chaque année quelques lauréats de prix prestigieux. Depuis l’origine, ce sont près de 600 pensionnaires qui ont été ainsi accueillis, certains d’entre eux connaissant une brillante carrière, comme le pianiste Jean-François Zygel, le violoncelliste Dominique de Williencourt ou encore le sculpteur Jean Cardot.


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