Père Lachaise : tombeaux remarquables de la 82ème division
par
La 82ème division ne fait pas partie des itinéraires des touristes : excentrée, vide de toute notoriété qui attire encore le touriste (qui se déplace encore pour voir que Bienvenüe n’est pas une manière aimable de vous accueillir à Montparnasse ?), elle n’est pas pour autant une division de déclassés : en témoigne l’opulence de certains tombeaux, le grand nombre d’œuvres d’art qui s’y trouvent... Elle est riche en personnalités, toutes plus oubliées les unes que les autres. On pourrait en fait qualifier cette division de celle du « calme discret de la bourgeoisie », aux tombeaux riches mais pas dans l’ostentation de certains coins du cimetière.
Cette division s’inscrit dans une période assez identifiable, celle de la charnière entre le XIXe et le XXe siècle, après l’agrandissement du Père Lachaise où elle fut lotie. On ne trouve quasiment aucune sépulture contemporaine.
LES PERSONNALITÉS
... mais aussi
Le chanteur lyrique Agustarello AFFRE (1858-1931), qui fut l’un des principaux ténors de l’opéra de Paris de 1890 à 19111. Durant vingt ans, il fut célèbre et apprécié en France et à l’étranger.
Le peintre et poète Alfred ARAGO (1815-1892), fils de François et frère d’Emmanuel, qui repose dans une division bien moins aristocratique qu’eux.
Le comédien et metteur en scène de théâtre Jacques BAUMER (Jacques Nusbaumer : 1885-1951). Il tourna pour le cinéma des années 30 aux années 50.
Amélie BEAURY-SAUREL (1848-1924) : peintre, ancienne élève de Tony Robert- Fleury et Jean Paul Laurens à l’Académie Julian, elle exposa au salon à partir de 1874 et fut reconnue comme une artiste majeure dès le salon de 1880. Elle devint rapidement une portraitiste renommée et est recommandée très tôt pour son talent par Léon Bonnat. Elle épousa Rodolphe Julian [1], fondateur de l’académie qui porte son nom, et s’occupa de l’atelier des femmes tout en continuant sa carrière de portraitiste. Avec elle repose sa nièce, André CORTHIS (Andrée Husson : 1882-1952), qui reçut le prix Femina en 1906 pour Gemmes et Moires. A partir des années 30, elle dirigea l’Académie Julian.
Roger BEAUSSART (1879-1952) : après avoir dirigé le collège Stanislas de 1928 à 1932, il devint évêque auxiliaire de Paris de 1935 à 1945. Il s’illustra avant la Seconde Guerre mondiale dans des missions diplomatiques officieuses (rapprochement entre la papauté et le Reich, restauration des relations avec Franco). À la Libération de Paris, en août 1944, il représenta le cardinal Suhard, archevêque de Paris, auprès des nouvelles autorités, car le cardinal Suhard qui avait donné l’absoute lors des obsèques de Philippe Henriot, était persona non grata auprès du général de Gaulle. Il donna sa démission en 1945.
L’écrivain chilien Alberto BLEST GANA (1830-1920), considéré comme le père du roman chilien. Il exerça également des fonctions diplomatiques.
Sébastien Adolphe BRALERET (1818-1890), qui fut maire du XXe arrondissement de Paris en 1870.
Le compositeur René CHEVILLARD (1884-1955).
Les journalistes Jacques CORDIER (1919-1951) et Hélène de LEUSSE (1899-1987).
Henry DASSON (1825-1896), qui fut l’un des plus célèbres ébénistes et bronziers de la seconde moitié du XIXe siècle. Il s’est intéressé aux chefs-d’œuvre anciens, de style Louis XVI en particulier. Ses meubles luxueusement ornés de bronzes, de marqueteries ou de panneaux de laque séduisirent une riche clientèle internationale. Il repose sous un buste en bronze par Jules Dallier.
Charles DELACROIX (1877-1956), qui fut l’architecte de l’Est parisien, tant à Paris (Temple de la rue des Pyrénées, immeubles de rapport dans tout le XXe arrondissement...) qu’en proche banlieue (en particulier Bagnolet).
Dans un même tombeau repose la comédienne Léone DEVIMEUR (Lucienne Dieudonné : 1884-1920), qui mourut jeune après avoir écrit un unique roman (La colombe blessée) et l’écrivaine Alice BROUILLHET (1887-1960).
Jules FAYSSAT (1855-1936) : ancien chef de cabinet du président du Conseil Émile Loubet, il fut député des Alpes-Maritimes de 1910 à 1914. Son fils René FAYSSAT (1897-1968) fut député du même département de 1932 à 1936. Tous deux reposent dans la chapelle Rouville.
Le docteur Octave FLEURY du MESNIL (1832-1898), spécialiste d’hygiène publique et des questions sociales, notamment en milieu industriel et ouvrier. Il fut maire de Créteil de 1873 à 1884. Il repose sous un buste de Jack Millard. Dans la même tombe repose Edmond du MESNIL (1866-1928), directeur du journal Le rappel. Un médaillon en bronze qui ornait sa tombe a disparu.
Le dentiste Charles Edouard GODON (1854-1923), qui fut en 1879 le fondateur de la première école dentaire française, l’École Dentaire de Paris.
Le compositeur Ernest GUIRAUD (1836-1892). Élève de Marmontel, Barbereau et de Jacques Fromental Halévy, il obtint en 1859 le prix de Rome. Ses œuvres furent jouées à l’Opéra-Comique et à l’Opéra. Lié d’une vive amitié avec Georges Bizet, il enrichit l’opéra Carmen par des récitatifs en remplacement des dialogues originaux. Il acheva l’orchestration des Contes d’Hofmann d’Offenbach. Il fut élu membre de l’Académie des beaux-arts en 1891 et nommé professeur de composition au Conservatoire en remplacement de Victor Massé. Son enseignement y fut très apprécié par ses élèves, parmi lesquels comptèrent Paul Dukas, Erik Satie, et Claude Debussy sur lequel il exerça une forte influence.
Le peintre paysagiste Ernest Victor HAREUX (1847-1909), surtout connu pour ses peintures de montagne. Il intégra l’école dauphinoise. Dans le même caveau repose le peintre décorateur François dit Francis TROTIN (1827-1867), qui fut un de ses maîtres.
Le soprano de l’Opéra de Paris Juliette HEMMLER (1887-1919) repose sous une énorme lyre ornée de deux médaillons : le sien (en bronze doré) par Max Blondat et celui de son père, Jules HEMMLER (1864-1921), qui était sculpteur sur bois.
Le ministre Marcel HÉRAUD
Eugène HUBERT (1818-1897), rédacteur en chef de la revue maçonnique La Chaîne d’Union.
Dans une même sépulture de famille reposent, parmi d’autres membres, Pierre JOLIBOIS (1884-1954), qui fut professeur de chimie à l’École des mines de Paris et membre de l’Académie des sciences, et son petit-fils Charles JOLIBOIS (1928-2013), qui fut sénateur de Maine-et-Loire de 1983 à 2001. Sa mère, née Duruy, et qui repose dans le caveau, était la petite-fille de Victor Duruy.
Louis JUSTIN-BESANÇON (1901-1989) : médecin, professeur à la Faculté de Paris, il fut cofondateur des Entretiens de Bichat (session annuelle et française de formation médicale continue, durant une semaine). Membre de l’Académie nationale de médecine, il fut l’un des grands patrons de l’industrie pharmaceutique française (les laboratoires Delagrange). Il était en outre le grand-père de la comédienne Anémone.
André de KARTZOW (1834-1907), qui fut consul général de Russie.
Le diplomate Arthur LANEN (1835-1908), qui fut Consul, non autorisé par le gouvernement confédéré, à Charleston (1863), agent du gouvernement français auprès de la Commission de Washington (1871-1883), consul de France au Cap de Bonne-Espérance, consul général à Hong Kong (1877-1878), à Glasgow (1878), consul de France à Bogota (1885).
Le ténor Alexandre LAPISSIDA (1840-1907) qui fit l’essentiel de sa carrière au au théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Il fut engagé à l’Opéra de Paris comme régisseur général et metteur en scène, et mit en scène les principaux opéras représentés à la fin du XIXe siècle. Il fut en particulier le premier à avoir mis en scène, en français, les opéras de Wagner. La tombe est ornée de son buste par Jules Lagae et du médaillon en bronze de son épouse par Georges Armand Vérez.
- Le céramiste et faïencier Jules Paul LŒBNITZ (1836-1895), qui se lança en 1860 dans la céramique architecturale. Il collabora à de nombreuses reprises avec l’architecte Paul Sédille (il réalisa les terres cuites émaillées de l’enseigne du nouveau magasin du Printemps en 1883, et fut en outre l’architecte du tombeau Lœbnitz). De nombreux édifices portent encore la trace des céramiques subtiles issues de la faïencerie ; à commencer par la façade de l’entreprise, qui se tenait au 4 de la rue de la Pierre-Levée dans le XIe arrondissement, et qui ferma ses portes en 1935. Dans cette même sépulture repose également Robert LE BESNERAIS (1893-1948) [2], qui fut le premier directeur général de la SNCF de septembre 1937 à son épuration en octobre 1944. Y repose enfin le fils de ce dernier, Henry LE BESNERAIS (1921-2003), qui fut ethnologue au Venezuela avant de devenir député de Saint-Pierre-et-Miquelon de 1966 à 1967 puis membre du Conseil économique et social.
Le botaniste Léon MAQUENNE (1853-1925), qui fut professeur de physiologie végétale au Muséum national d’histoire naturelle. Il était membre de l’académie des Sciences. Je n’ai pas retrouvé son tombeau.
Le sculpteur Félix MARTIN (1844-1917), qui était sourd. Il fut l’élève de Pierre Loison, Jules Cavelier, Francisque Duret et Eugène Guillaume. Il fréquenta l’École française de Rome et participa au Salon à partir de 1864.
Le général Robert MASSENET ROYER de MARANCOUR (1880-1969), qui fut un as de l’aviation de la Première Guerre mondiale.
Le musicien Ernest MASSON (1844-1906), sous un buste de Fernand David [3].
L’architecte Charles MERAL-MOUKARZEL (1961-1995).
Le médecin Jules Edouard NICAISE (1838-1896), spécialiste en pathologie chirurgicale, qui fut membre de l’Académie de Médecine. On lui doit plusieurs ouvrages sur l’histoire de sa discipline.
Ernest OUTREY (1863-1941) : administrateur colonial, il fit carrière en Indochine, où il fut Résident supérieur au Laos (1911) puis au Cambodge (1911-1914), enfin député de la Cochinchine durant vingt-deux ans (1914-1936).
Le violoniste, compositeur et chef-d ’orchestre Jean-Grégoire PENAVAIRE (1840- 1906).
Le ministre Alfred PICARD
Le Compagnon de la Libération Jean PILLARD
Le général François REBOUL (1815-1893), qui servit en Cochinchine. Né à Fort-de-France (Martinique), un boulevard de la ville porte son nom.
L’archiviste paléographe Gaston Charles REYNAUD (1850-1911), qui fut bibliothécaire au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Le sculpteur alsacien Gaston-Auguste SCHWEITZER (1879-1962), ancien élève d’Alexandre Falguière, et d’Antonin Mercié, qui en raison de problèmes pulmonaires s’installa dans le Morbihan où il réalisa un grand nombre de monuments aux morts.
Le sculpteur norvégien naturalisé danois Stephan SINDING (1846-1922) qui étudia à Paris et s’inspira des tendances réalistes de la sculpture française, en particulier d’ Auguste Rodin et de Paul Dubois. Il fut peu reconnu par le public norvégien qui considéra son style trop moderne. Il est l’auteur, en 1913, de l’Angélus qui orne sa tombe, et qui est l’une des statues les plus originales du cimetière.
Les peintres Joseph (1817-1876) et Mélitine (1850-1935) THIÉRAT.
Le comte Léon de TINSEAU (1842-1921) qui fut haut fonctionnaire mais également un romancier mondain parisien qui connut un certain succès.
Le compositeur Jules UZÈS (1836-1893).
L’aviateur Jean VANELLA (1889-1917), mort dans son avion.
Le peintre Jean-Joseph WEERTS
L’écrivaine et poète chilienne Teresa WILMS MONTT (1893-1921), considérée comme une pionnière du féminisme libertaire. Elle se suicida à l’âge de 28 ans.
Jacques de ZOUBALOFF (1876-1941) : peintre, compositeur et collectionneur, il donna sa collection de peintures et de sculptures aux musées de France en 1927. Il repose dans une chapelle où se trouve les restes d’un vitrail en très mauvais état.
Anecdotes et curiosités
- Monument dédié « aux plus jeunes combattants volontaires de la Résistance »
- Tombe sur laquelle repose une croix de Lorraine en bronze de 1,55 m de hauteur. Une liste de résistants est inscrite sur un bandeau en bronze. Il fut commandé par la Centurie, groupement des combattants de moins de 20 ans de la Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Réalisations artistiques
- Tombe Aviles
- Tombe beurville
- Tombe Fraisse
- S’y affiche la doctrine de Kardec : Naitre mourir renaitre et progresser sans cesse telle est la loi
- Chapelle anonyme
- Médaillon de Léonie-Marie
- Tombeau Mancel
- Médaillon par Édouard-François Millet de Marcilly
- Tombe Monnet
- Buste par Julien Prosper Legastelois
- Tombe Moog
- Médaillon en ronde-bosse par Alexandre Descatoire
- Tombe Poussin
- Maurice (1880-1916) et André (1896-1914), morts au Front.
- Tombe Ruyer
- Tombe Steigelmann
- Chapelle Tochon-Lepage
- Chapelle Yakovleff
- Sépulture appartenant à la princesse russe Soltykov élevée en 1885 à la mémoire de son grand-père, Jean de Yakovleff. Petite chapelle en forme de basilique russe surmontée d’une coupole. La porte et la grille sont en bronze doré. Le fronton de la chapelle comporte une peinture représentant Saint Alexis. L’autel est décoré d’une peinture représentant Saint Jean Chrysostome. Les deux peintures sont l’œuvre de Fédoroff.
- Tombe Millet
- Tombe Morestin
- Chapelle Rousseau - Lebeault
De nombreux vitraux dans cette division (dont certains cassés ou aux couleurs délavés) :
- Chapelle Bégard
- Chapelle Beglet
- Chapelle Bourdin
- Signé Mathieu
- Chapelle Conteyssouze
- Chapelle Decour
- Chapelle Dupuis
- Signé Collinet. Un rare (unique ?) exemple de vitrail qui avait été cassé et qui a été restauré.
- Chapelle Foucault
- Chapelle Gallet et Fauchier-Magnan
- Chapelle Gottschalck
- Chapelle Grégoire
- Chapelle Janvier et Hamel
- 3 vitraux dans cette chapelle
- Chapelle Joigneaux
- Signé Rouvière
- Chapelle Las-Mamy
- Chapelle Laumonnier et Copin
- Chapelle Bapst
- 2 vitraux difficilement photographiables
- Chapelle Lemy - Hyrvois
- Chapelle Lemesle - Cras
- Chapelle Marchal - Schusster
- Chapelle Ohresser
- Signé Rouvière
- Chapelle Ponscarme - Loiseau
- Chapelle Richard - Archambaut
- Chapelle Vermond
- Signé Mathieu
- Chapelle Dufraisse
- Signé Collinet
- Chapelle Declemy
- Chapelle Fichot
- Chapelle Feugas et Rahaut
- Chapelle Adam
- Signé Collinet
- Chapelle Nagaut-Aubrun
- Signé Collinet
- Chapelle Zoubaloff
- Signé Collinet
- Chapelle Marret
- Chapelle Petrocochino
[1] Il ne repose pas avec elle mais au cimetière de Lapalud (84).
[2] Son épouse appartenait à la famille Lœbnitz.
[3] Toutes les sources le font naître en 1811 : je confirme qu’il est bien né en 1844.
Commentaires