Ainsi donc, une vieille dame de 113 ans, Mme Marie Brudieux-Liguinen, vient d’être « découverte » (je n’ose dire exhumée !) en région parisienne, et elle se trouve être désormais la doyenne actuelle des Français. Et chacun d’admettre, sans broncher ni sourciller, le communiqué de l’Inserm, repris par la presse, selon lequel la diffusion d’une telle information « dépend de la volonté des familles ».
Mais de qui parle-t-on ? Non pas de l’un des quelque 20 000 centenaires français vivants, mais bien de vieillards parmi les plus âgés qui soient, supercentenaires de plus de 110 ans pour les femmes, de plus de 107 ans pour les hommes. Et il serait possible que ceux-ci ne soient connus que de leurs familles ? Mais dans quelle société vivons-nous ?
On semble évoquer une société française repliée, qui méconnaîtrait ses citoyens, au point d’ignorer jusqu’à l’existence de certains. Mais on ne devient pas un supercentenaire du jour au lendemain, et chacun vit, plus ou moins, mais nécessairement, dans un groupe social : les voisins se connaissent entre eux, un maire est informé de ses administrés les plus âgés, la presse régionale est friande de ce type d’information, et ces personnes vivent généralement (c’est le cas de Mme Liguinen) dans une maison de retraite ; elles ne sont ni recluses ni mises au secret !... Tout se sait, qu’on le veuille ou non, ou finit par s’éventer.
Et que l’on ne vienne pas invoquer la protection de la vie privée ! La date et le lieu de naissance d’un individu, et donc son âge, font partie de son état civil, de son identité. Ces éléments figurent dans les actes de l’état civil, sur les pièces d’identité, sur les listes électorales... et sont accessibles à toute personne en faisant la demande (décret du 3 août 1962, article 10 : délivrance à tout requérant d’extraits des actes de naissance ; Code électoral, articles L. 28 et R. 16 : communication des listes électorales à tout électeur, à la mairie ou en préfecture). Donc, pas d’hypocrisie : de telles informations sont à caractère public.
Dans ces conditions, qu’un supercentenaire puisse être ainsi « oublié » me paraît non seulement invraisemblable, mais carrément impossible. Et pourtant, les faits sont là, et ils semblent têtus...
Alain Meyet (Paris)
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