MONTREUX (Suisse) : cimetière de Clarens
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Sur les hauteurs qui dominent le Lac Léman, dans la partie la plus huppée de la riviera suisse, le cimetière de Clarens, localité de la commune de Montreux respire l’opulence feutrée caractéristique de ces nécropoles qui attirent aristocrates, artistes et bourgeois. L’endroit est impeccable, fleuri et arboré, entretenu par une armada de jardiniers. Le cimetière respire l’entre-soi pas trop tapageur, malgré quelques tombeaux un brin mégalos. Il fut conçu dès son aménagement, en 1817, dans le but d’attirer le visiteur et l’inciter à la promenade et à la rêverie…
Les œuvres d’art ne sont pas si nombreuses.
Naturellement, nous sommes en Suisse, et les inhumés forment un gotha international.
Parmi les personnalités qui résident ici, dont certaines n’évoquent pas grand chose au-delà de la Suisse, reposent :
Henri Frédéric AMIEL (1821-1881) : écrivain et philosophe suisse, auteur d’un journal intime exceptionnel tant par son volume (17 000 pages) que par la valeur et l’universalité de son message.
Le chef de chœur, chef d’orchestre, harmonisateur et compositeur suisse Carlo BOLLER (1896-19952).
Sydney CHAPLIN (1885-1965) : demi-frère de Charlie Chaplin, qui repose à quelques kilomètres, il le rejoignit pour tenter sa chance à Hollywood, et entama lui aussi une carrière au cinéma. Si sa renommée n’égala jamais celle de son cadet, il apparut néanmoins dans une trentaine de films. Il devint en 1918 directeur des Charles Chaplin Productions, se consacrant dès lors quasiment exclusivement à la gestion de la carrière de son frère.
Hubert GIRAUD (1920-2016) : musicien dans l’orchestre de Ray Ventura, puis dans celui de Jack Hélian, il devint parolier et compositeur. Il écrivit avec Jean Dréjac la chanson-thème du film de Julien Duvivier Sous le ciel de Paris (1951), reprise par de très nombreux artistes au point de devenir une image emblématique de Paris et de la France. Des années 1950 aux années 1980, Giraud enchaîna succès sur succès pour les interprètes les plus populaires (Claude François, Gloria Lasso, Dalida, Céline Dion...). Parmi ses plus grands tubes, on citera Il ne pense qu’à toi (Parlez-moi de lui) pour Nicole Croisille, et surtout Il est mort le soleil et Mamy Blue pour Nicoletta. Ces créations furent souvent chantées à l’Eurovision par différentes artistes.
Le peintre autrichien Oskar KOKOSCHKA (1886-1980), ancien élève de Gustav Klimt et de Carl Otto Czeschka, qui fut aussi graveur, dessinateur, décorateur de théâtre, mais aussi écrivain et auteur dramatique. Il compte parmi les figures les plus marquantes de l’art contemporain. Si sa personnalité est difficilement réductible à un courant artistique, son œuvre fut néanmoins souvent cataloguée comme expressionniste. À partir de 1912, Kokoschka vécut une grande passion avec Alma Mahler. De 1919 à 1924, il fut professeur à l’Académie d’art à Dresde et devint un peintre connu jusqu’à l’exposition nazie de l’Art dégénéré en 1937, à Munich. En 1938, il s’installa en Angleterre, où il vécut pendant la guerre, puis il se retira en Suisse.
Vladimir NABOKOV (Владимир Владимирович Набоков : 1899- 1977), écrivain américain d’origine russe dont la famille fuit la révolution de 1917. La consécration de l’auteur vint avec Lolita en 1955. Le roman fit scandale, fut refusé par les éditeurs américains et dut être publié à Paris, mais la critique y reconnut un chef-d’œuvre. Le livre fut adapté au cinéma par Stanley Kubrick en 1962, puis par Adrian Lyne en 1997. En 1961, il publia Feu pâle, autre texte majeur. En 1959, il s’installa en Suisse dans un grand hôtel de Montreux, où il demeura jusqu’à sa mort. Vladimir Nabokov était aussi un chasseur de papillons et un lépidoptériste reconnu : c’est d’ailleurs suite à un accident survenu dans les montagnes suisses en 1975 pendant qu’il chassait les papillons que sa santé commença à se détériorer. Il repose avec Véra NABOKOV (1901-1991), qui fut son épouse, sa dactylographe, son éditrice, l’inspiratrice et parfois la traductrice de son œuvre ; et leur fils Dmitri (1934-2012), chanteur américain d’opéra et traducteur de son père.
Le compositeur roumain (installé en France) Horatiu RADULESCU (1942-2008), qui fut le premier, dès les années 1970, à avoir introduit le concept de musique spectrale, en composition musicale.
La soprano australienne Joan SUTHERLAND (1926-2010), surnommée « La Stupenda » en raison de son timbre de voix et de sa technique, au fil d’une carrière jalonnée par l’interprétation des rôles du bel canto italien les plus acrobatiques. C’est elle qui fit découvrir Luciano Pavarotti. Elle était mariée au chef d’orchestre Richard BONYNGE (né en 1930) dont l’emplacement de la tombe est déjà réalisé auprès d’elle. La tombe est ornée d’un très kitsch buste représentant la chanteuse.
Alexandre VINET (1797-1847) : théologien, philosophe, journaliste, critique littéraire et historien suisse. Il fut une des grandes figures du protestantisme européen.
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