CARIOU Corentin (1898-1942)

Père Lachaise - 97ème division
lundi 22 février 2016
par  Philippe Landru

Sur la piste de lapremière tombe de Corentin Cariou

Corentin Cariou, originaire du Finistère, fut d’abord marin pêcheur. En 1923, alors qu’il parle assez mal le français, il s’installe à Paris où il devint ajusteur. Il s’engagea alors dans le combat syndical et gravit les échelons de la CGTU. En 1938, son action syndicale lui valut d’entrer au Conseil municipal de Paris pour le 19ème arrondissement.

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Monument des fusillés.
Cette stèle se trouve sur la butte des zouaves, lieu associé à la Première Guerre mondiale, entre Carlepont et Moulin-sous-Touvent où furent fusillés Corentin Cariou et 5 de ses camarades entre février et mars.

L’entrée en guerre le voit, en raison de ses opinons communistes, entrer dans la tourmente : déchu de son mandat municipal par le conseil de la préfecture, il est interné en camp d’où il s’évade. Il poursuit ses activités politiques dans la clandestinité. Arrêté dans le cadre de la répression de Vichy, il erre de centre d’internements en prison (Poissy, camp de Châteaubriant...). Sa situation s’aggrave évidemment avec la rupture du pacte germano-soviétique : en représailles à l’assassinat d’une sentinelle allemande, les nazis décidèrent de fusiller vingt « communistes et juifs ». Corentin Cariou en faisait partie, et fut exécuté le 7 mars 1942 en même temps que Pierre Rigaud et Léopold Réchossière dans une clairière de la forêt de Carlepont, dans l’Oise.

Selon sa fiche wikipedia, Corentin Cariou fut inhumé au cimetière de Cuts, commune voisine de Carlepont, lieu de son exécution, à une vingtaine de kilomètres de Compiègne.

J’ai voulu savoir s’il restait quelques témoignages de cette présence dans l’Oise. Je me suis donc rendu à Cuts.


le cimetière de Cuts


Stricto censu, le cimetière de Cuts se divise en deux zones :

-  Sur la droite, le cimetière militaire créé en 1920, qui rassemble les corps exhumés de 32 297 soldats tombés dans les batailles de l’Aisne. On y note en particulier la présence et la contribution des troupes africaines (396 stèles musulmanes, tirailleurs algériens et marocains pour la plupart). On trouve également dans ce cimetière la tombe d’un soldat russe, vraisemblablement prisonnier de guerre.

Parmi les croix, toutes identiques, signalons la présence du mathématicien André Louis CHOLESKY (1875-1918, inhumé sous le prénom René). Polytechnicien et officier, ingénieur topographe et géodésien, il demeure célèbre pour sa méthode de résolution des systèmes d’équations linéaires, toujours intensément utilisée de nos jours. Il mourut sur le front des suites de ses blessures.

- sur la gauche, le cimetière de la commune proprement dit, organisé autour de son allée centrale. Il est de taille très modeste. Au fond, à la place d’honneur, se trouve le caveau de famille des Langlade. Rien de particulièrement remarquable dans ce cimetière.

Arpenté tombe après tombe à deux reprises, il faut se rendre à l’évidence : rien ne signale plus la présence de Corentin Cariou dans ce cimetière.

Me vient l’idée qu’il pourrait exister, dans le centre de la petite commune, un ancien cimetière survivant autour de l’église. Bingo. Pourtant, malgré la survivance d’un nombre assez conséquent de tombeaux, rien ne signale d’une manière quelconque Corentin Cariou.

Désireux de me donner néanmoins toutes les chances, je décide de me rendre dans la commune de Carlepont voisine : après-tout, c’est là qu’il fut fusillé.


le cimetière de Carlepont


Sur la droite, en entrant dans le cimetière, figure une stèle sur laquelle apparaissent six noms, dont celui de Corentin Cariou.

Quelle est la fonction de cette stèle ? Marque-t-elle l’emplacement du dépôt des corps à l’origine ? N’est-elle que commémorative ? Y a-t-il encore des corps à cet endroit, à moins qu’ils ne soient dans des tombes militaires en face indiquées « inconnue » ? En outre, un autre site qui à l’air plutôt bien informé indique que si les trois fusillés du 21 février (Léon Durville, Arthur Lefebvre et Emile Michaud) avaient été inhumés au cimetière de Carlepont, ceux qui tombèrent le 7 mars (Corentin Cariou, Baptiste Rechossiere et Pierre Rigaud) le furent à Cuts [1] [2].

Notre enquête s’arrête ici : on a bien retrouvé la trace de Corentin Cariou dans l’Oise, même si sa première tombe a, à priori disparu.

Signalons encore au cimetière de Carlepont la présence d’un enclos impeccable abritant plusieurs membres des familles Guesnet et Dulud. Parmi eux reposent le peintre Louis-Félix GUESNET (1843-1907), et son épouse Delphine Alard, fille du violoniste Delphin Alard et petite-fille du luthier Jean-Baptiste Vuillaume [3].


Retour au Père Lachaise


Quoi qu’il en soit, depuis le 1er novembre 1945, Corentin Cariou repose, près du Mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise, à Paris, avec six autres élus victimes du nazisme : Jules Auffret, Léon Frot, Maurice Gardette, René Le Gall, Raymond Losserand et Charles Michels.

Le 20 octobre 1946, la ville de Paris honora sa mémoire dans le XIXe arrondissement qui fut sa circonscription. L’avenue du Pont-de-Flandre et la station de métro du même nom s’appellent désormais Corentin-Cariou.


[1C’est sans doute la source qui fut utilisée pour indiquer cette destination du corps dans la fiche Wikipedia.

[2Les Allemands avaient l’habitude de ne pas rassembler les fusillés dans les mêmes cimetières : le but était à la fois de ne pas faire de ces cimetières des lieux de commémoration de la résistance, mais également de « diluer » le nombre de fusillés. Il en fut ainsi dans la région parisienne où les fusillés du Mont Valérien se partagèrent entre le Père Lachaise et la plupart des cimetières de la proche banlieue.

[3Qui reposent tous les deux dans la même chapelle du cimetière Montmatre à Paris.


Commentaires

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CARIOU Corentin (1898-1942)
vendredi 21 octobre 2016 à 07h47 - par  Jean-Michel VICAIRE

Bonjour,

J’ai été maire de CARLEPONT de 2001 à 2012. Je suis à l’initiative de la réfection du carré militaire et de l’érection de la stèle des fusillés. J’ai fait érigé cette stèle pour rappelé qu’en 1942, 3 des 6 otages communistes extraits du camp de ROYALLIEU avaient été fusillés au-dessus du village comme otages et inhumés, pour la durée du conflit, dans le carré militaire de notre cimetière communal.
Ces 3 martyrs sont Léon Eugène DURVILLE, Arthur LEFEBVRE et Emile MICHAUD. Ils ont été fusillés le 21 février 1942 et ensevelis, de façon anonyme, sur ordre des occupants. A la Libération, on sait que les corps de Léon DURVILLE et d’Arthur LEFEBVRE ont été restitués aux familles. On n’a aucune trace de ce qu’est devenu celui d’Emile MICHAUD. Lors de la réfection de ce carré militaire, on a « retrouvé » une sépulture de trop parmi celles des poilus et, sur un vieux plan communal, à cet emplacement, il était indiqué au crayon « fusillé ».
On a donc déduit que ce pourrait être celui d’Emile MICHAUD et l’occupant de cette sépulture repose désormais, lors que l’on a le dos vers la stèle et que l’on fait face au nouveau carré militaire, dans la dernière sépulture, à droite, indiquée « inconnu ».
A l’endroit même de l’exécution, le 7 mars 1942, on été fusillé 3 autre communistes d’envergure « nationale » et détenus à Royallieu : Corentin Marie CARIOU, Baptiste Léopold RECHOSSIERE et Pierre Jean Charles RIGAUD. Ils ont été inhumés, dans les mêmes conditions, dans la commune voisine de CUTS.
Ce monument a été visité et « inauguré » le 22 mai 2010 par une délégation de l’Association nationale des familles de Fusillés et Massacrés de la Résistance française conduite par Mme Jacqueline OLLIVIER-TIMBAUD, petite fille de Jean-Pierre TIMBAUD, un des 27 de CHATEAUBRIAND.
J’ai, bien sur, de quoi prouver mes affirmations...

Cordialement, en espérant avoir été clair et permis de faire évoluer la situation.

M. VICAIRE Jean-Michel

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vendredi 21 octobre 2016 à 11h34 - par  Philippe Landru

@VICAIRE Jean-Michel : merci beaucoup pour ce complément d’informations.