CERNOY-EN-BERRY (45) : cimetière

visité en juillet 2021
mardi 7 décembre 2021
par  Philippe Landru

Cimetière non traité de manière exhaustive

Les tombes qui nous intéresseront au cimetière de Cernoy-en-Berry rappellent, chacune à leur manière, les grands conflits contemporains.

- Une tombe militaire de 1870 renferment les dépouilles de deux soldats du village victimes de la guerre franco-prussienne. Une plaque rappelle le souvenir de leurs camarades inhumés ailleurs.

- Un personnage absolument inconnu du public et pourtant témoin de la grande histoire est inhumé au cimetière de Cernoy-en-Berry : il s’agit de Henri AGOGUÉ (1895-1935).

La plaque sur sa tombe est assez disserte sur son parcours : mutilé de la face, il fit partie du petit groupe qui forma le noyau de l’association des Gueules cassées. Mort à 40 ans, comme le rappelle cette plaque, c’est bien les suites de ses blessures qui lui furent fatales.

La plaque rappelle l’événement historique auquel participa Henri Agogué « présent au congrès de la paix à Versailles ».

C’est à Clemenceau lui-même que revient l’initiative d’avoir associé des mutilés à la cérémonie. Le gouverneur militaire de Paris prit contact avec le médecin-chef du service des « faciaux » de l’hôpital du Val-de-Grâce afin de désigner une délégation de cinq blessés. Deux cents mutilés du visage s’y trouvaient encore en traitement. Le choix du médecin-chef H. Morestin se porta sur l’un des plus anciens blessés maxillo-faciaux de son service, hospitalisé depuis plus de quatre années : Albert Jugon [1]. Mobilisé en août 1914 dans le 1er régiment d’infanterie coloniale, il avait été blessé en Argonne au début de la guerre. La moitié de son visage et de sa gorge avait été emportée par un éclat d’obus.

La sociabilité particulière aux défigurés qui régnaient dans les hôpitaux explique que Jugon connaissait tous ses « frères de souffrance ». Le médecin le chargea donc de compléter la délégation. Il désigna alors quatre autres “ gueules cassées ” que l’on retrouve sur la photographie.

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Les « 5 de Versailles »
De droite à gauche : Albert Jugon, Eugène Hébert, un ami d’enfance, mobilisé au 315e régiment d’infanterie, décédé en 1957. Henri Agogué, du 4e bataillon de chasseurs à pied, mort en 1935. Pierre Richard, du 102e bataillon de chasseurs à pied, mort en 1965. Et André Cavalier, du 2e zouave, blessé à Dixmude le 4 mai 1915 et décédé le dernier, en 1976. Tous des fantassins appartenant le plus souvent à des unités de choc.

Clemenceau joua un rôle initial décisif. Ce rôle demeura tout aussi déterminant lors de la cérémonie. Lorsque Clemenceau entra dans la grande salle, le 28 juin 1919 vers 14 heures, soit une heure avant la signature du traité, les journalistes présents soulignèrent qu’il refusa tout d’abord de se rendre à la table présidentielle et que son premier geste fut de se diriger vers le groupe des mutilés.

La délégation de « Gueules cassées » se trouvait placée dans l’embrasure de l’une des fenêtres de la Galerie des Glaces. Les mutilés du visage se trouvaient donc derrière la table la plus petite où fut signé le traité. Les plénipotentiaires devaient ainsi défiler devant eux puis leur tourner le dos pour signer le document.

Il est intéressant de se pencher sur les paroles du président du Conseil. Certains comptes rendus attribuent à Clemenceau des phrases qui font du traité la récompense des souffrances des combattants. A tous ces visages qui se tournaient vers lui, il dit : « Vous avez souffert mais voici votre récompense. » Et ses mains montrèrent le traité de paix placé sur la petite table. Il convient de ne pas voir dans la présence des « gueules cassées », à Versailles le 28 juin 1919 un geste dénonciateur de la guerre. Elle ne doit pas être regardée à travers le prisme de la victimisation ou de la revendication de la part des mutilés présents. Leurs blessures atroces sont aussi glorieuses, et ce aux yeux du public comme à leurs propres yeux. Il s’agissait également de présenter la victoire comme justificatrice des immenses souffrances endurées par les combattants français. A Versailles, on ne note d’ailleurs la présence d’aucun blessé allié ou ennemi. Le traité vaut réparation. La présence des mutilés revêt aussi le sens d’une mise en accusation de l’Allemagne. Ils avaient été placés là pour choquer les délégués allemands, leur faire honte. C’est donc avant tout un acte anti-allemand.

- Henry de RANCOURT de MIMÉRAND (1910-1992), issu d’une famille d’officiers, qui créa pendant la Seconde Guerre mondiale la première école de pilotage des Forces aériennes françaises libres. Il réorganisa ensuite et commanda le groupe de bombardement Lorraine de 1943 à 1944, puis rejoignit l’état-major particulier du général de Gaulle. Après la guerre, devenu général, il fut commandant adjoint des Forces alliées Centre Europe, puis il commanda le Groupement des Moyens militaires de Transport aérien (GMMTA). Il devint général de corps aérien, et commanda en second la 4e force aérienne tactique alliée. Il fut fait Compagnon de la Libération. Il ne repose pas dans le caveau de famille (il en existe deux face-à-face qui se trouvent dans un des coins du cimetière) mais dans une tombe à part au fond de la nécropole.


Source : http://www.histoire-image.org/

Merci à Claude Dannau pour le complément photo.


[1Il repose au cimetière de Moussy-le-Vieux, qui peut-être considéré comme la grande nécropole des Gueules cassés. On consultera cet article pour avoir plus amples informations sur cette association.


Commentaires

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CERNOY-EN-BERRY (45) : cimetière
mercredi 29 septembre 2021 à 21h46 - par  franck

Quid du chirurgien morestin inhumé au père Lachaise aucune trace ???

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vendredi 14 février 2014

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