NÎMES (30) : cimetière protestant

vendredi 18 juillet 2014
par  Philippe Landru

Au XVIIe siècle, les ensevelissements de protestants se faisaient dans les cimetières de la Couronne, de la Bouquerie et de la Madeleine. Après la révocation de l’Edit de Nantes (1685), les cimetières protestants furent récupérés par les catholiques. On se remit à ensevelir clandestinement dans les propriétés. L’ordonnance de Louis XVI de 1776 autorisa les protestants à ensevelir « dignement » les leurs.

Par personnes interposées (Jacques Maruejols), le Consistoire de Nîmes acquit, de 1778 à 1887, des parcelles de vigne et olivette pour y enterrer les protestants hors agglomération. Le premier ensevelissement eut lieu le 22 juillet 1782. Des parcelles contiguës supplémentaires furent acquises en 1821 et 1858, portant l’ensemble actuel à un peu plus de 5 hectares. La partie ouest est appelée « nouveau cimetière » par rapport à la partie est, plus ancienne. Depuis 1910, le cimetière appartient à l’Eglise réformée de Nîmes.

Ce cimetière est remarquable en bien des points : il est tout d’abord le plus ancien cimetière protestant collectif de France. Ses 6000 tombes racontent l’histoire funéraire de la communauté protestante, dans ses aspects historiques, religieux et esthétiques. Dès sa création, la dimension paysagère était considérée comme fondamentale, ce qui en fait un cimetière très romantique aux nombreuses espèces d’arbres. Enfin, pour un si petit lieu, le nombre de personnalités intéressantes est impressionnant !


Curiosités


- Pendant la période de la clandestinité, les protestants se réunissaient à l’extrémité du cimetière actuel où se trouvait un amphithéâtre au pied d’une colline. Le pasteur endossait sa robe dans une maisonnette, dite de l’olivette. Elle existe toujours, ombragée par un pin. On l’appelle désormais la chapelle du Désert. Elle fut restaurée en 1984.

- Le cimetière est traversé par un torrent (un « cadereau ») qu’un pont franchit. Il commet régulièrement des dégâts dans le cimetière, à l’instar de tous les torrents méditerranéens.

- Le cimetière est clos de murs. L’entrée principale est assez imposante.

- En 1852, peu avant sa mort, James Pradier exécuta une sculpture destinée au tombeau d’André Amenlier dans ce cimetière, berceau de ses ancêtres paternels. Pour ce riche propriétaire nîmois mort en 1847, Pradier réalisa une figure allégorique représentant L’Immortalité de l’âme ou L’Espérance en Dieu. La statue, commandée en juillet 1850, arriva à Nîmes fin mai 1852, juste avant la mort de Pradier le 4 juin.

- Plusieurs pyramides, dont celle du baron Boileau de Castelnau (non datée).


Célébrités : les incontournables...


- Francis PONGE

Le corps (mais pas le coeur !) du spéléologue Robert de JOLY se trouve dans ce cimetière.


... mais aussi


- La romancière Élisabeth BARBIER (Renée Guérin : 1911-1996), qui dirigea une compagnie de comédiens amateurs pendant des années à Avignon, et qui de ce fait participa de près à la naissance du Festival : dès 1950, elle collabora avec Jean Vilar et, publia pendant 15 ans, des chroniques sur le Festival de théâtre d’Avignon. Parallèlement à son activité théâtrale, son livre le plus connu, Les Gens de Mogador, éditée en 1947 relate les générations de la vie d’une famille liée au domaine - imaginaire - de Mogador, près d’Avignon. Elle était membre du Prix Femina.

- Le poète d’expression occitane Antoine BIGOT (1825-1897), qui refusa en 1854 d’intégrer le félibrige de Mistral par goût d’indépendance et parce qu’il voulait chanter sa ville de Nîmes dans son propre langage, son « impur patois qui s’éteint » : la langue la plus populaire de la ville. On lui doit un grand nombre de recueils de poèmes, populaire en Languedoc.

- Le sculpteur Auguste BOSC (1827-1879), ancien élève de Pradier, qui se vit confier la réalisation de nombreux bustes et médaillons de personnalités locales.

- Le peintre, décorateur et illustrateur Jean-Paul BRUSSET (1909-1985), qui fut un grand ami de Cocteau, avec lequel il collabora à la décoration de la chapelle Saint Pierre de Villefranche-sur-Mer. Il fit des expositions dans le monde entier et sa renommée est internationale. Il fut marié avec Marika Rivera, la fille de Marevna et Diego Rivera, dont il eu un fils, Jean, toujours vivant mais dont l’identité est déjà portée sur la tombe.

- Jean DONNEDIEU de VABRES (1918-2009) : appartenant à la célèbre famille cévenoles (il était le fils du professeur Henri Donnedieu de Vabres, juge au procès de Nuremberg, et l’oncle du ministre Renaud DdV), ce haut fonctionnaire fut directeur de Cabinet de Georges Pompidou. Il fut également le fondateur et premier président du Parc national des Cévennes.

- L’architecte Jean DUBUISSON (1914-2011), auteur de nombreux projets, notamment de logements, durant les Trente Glorieuses. Deuxième Grand Prix de Rome en 1943, puis Premier Grand Prix en 1945, il reste un des représentants majeurs de l’architecture française de l’après-guerre avec ses grands ensembles de logements : le Shape Village à Saint-Germain-en-Laye (1951-1952), La Caravelle à Villeneuve-la-Garenne (1959-1967) ou ceux de Maine-Montparnasse à Paris (1959-1964), mais aussi le musée national des arts et traditions populaires à Paris. Il obtint le grand prix national de l’architecture en 1996.

- L’architecte Henri-Jacques ESPÉRANDIEU (1829-1874), ancien élève de Vaudoyer, qui ne laisse rien à sa ville natale de Nîmes (sinon son corps), mais tout à Marseille, dont il fut le grand architecte. On lui doit effectivement dans cette ville trois monuments aussi emblématiques que la Major, Notre-Dame de la Garde, et le Palais de Longchamps. Il mourut des suites d’une fluxion de poitrine contractée dans les cryptes de Notre-Dame de la Garde. Sa dépouille mortelle fut transférée jusqu’à la gare Saint-Charles de Marseille pour un enterrement au cimetière protestant de Nîmes.

- L’aviateur et peintre Jacques FAVRE de THIERRENS (1895-1973), qui fut l’un des as français de la Première Guerre mondiale. Il exposa ses peintures sur ses vieux jours (il fut un peintre de la femme). Il repose dans la sépulture Soulas.

- Charles GIDE (1847-1932) : oncle de l’écrivain André Gide, dont il était très proche, il suivit, selon la tradition familiale, des études de droit à Paris, avant de devenir professeur d’économie. A partir de 1885, il participa activement au mouvement coopératif français au sein des coopératives de consommation. En 1887, il créa la Revue d’économie politique, dont il fut le rédacteur en chef jusqu’en 1932. Il participa aux premiers pas de la Ligue des droits de l’homme et de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et il s’impliqua dans le mouvement des universités populaires. Il fut le théoricien de l’économie sociale, et l’un des fondateurs du catholicisme social.

- La manadière Fanfonne GUILLIERME (Antoinette Guillierme : 1895- 1989), dite « la Grande Dame de la Camargue », personnage folklorique très populaire de la région. Elle parvint, dans un milieu très macho, à créer et à imposer sa propre manade.

- Le dramaturge et acteur Edmond GUIRAUD (1879-1961), qui mena une carrière d’auteur dramatique avant la Première Guerre mondiale, puis tourna dans quelques films dans les années 40.

- Le sculpteur Marcel MERIGNARGUES (1884-1965), qui repose dans la sépulture Sugier.

- Louis ROSSEL (1844-1871) : issu d’une famille cévenole républicaine, il s’opposa à la ligne défaitiste imposé par Thiers et Bazaine lors de la guerre de 1870. C’est donc par patriotisme qu’il fut le seul officier supérieur de l’armée française à avoir rejoint la Commune de Paris en 1871. Le 3 avril, il devint chef d’état-major de la Commune. Il considèra alors que cette dernière courait à sa perte si ses soldats ne s’organisaient pas. En effet, la plupart désertaient ou refusaient tout combat alors même que l’armée régulière des Versaillais, très entraînée, se trouvait aux portes de la capitale. Louis Rossel devint président de la cour martiale mais démissionna, ulcéré par son manque de moyens et d’écoute. La Commune, allant dans son sens, le nomma le 30 avril délégué à la Guerre en remplacement de Cluseret. Cependant, les moyens lui manquaient. Louis Rossel ne souhaitant pas prendre le pouvoir total, démissionna avec éclat, mais ne fuit pas la Commune. Il resta à Paris, caché jusqu’au 7 juin, puis fut arrêté, et jugé deux fois. Adolphe Thiers proposa à Louis Rossel de le gracier s’il s’exilait à vie. Il refusa, voulant assumer ses responsabilités, ne voulant pas trahir son pays et ses convictions ni soulager la conscience de Thiers. Il fut fusillé le 28 novembre 1871, à l’âge de vingt-sept ans, au camp de Satory en même temps que Théophile Ferré et le sergent Pierre Bourgeois. Il fut inhumé (discrètement et de nuit) au cimetière protestant de Nîmes, aux côtés de sa sœur et de ses parents. De vives manifestations en sa faveur éclatèrent dans la ville lorsqu’il y fut enterré. Ces dernières années, il fut « récupéré » par des groupuscules identitaires qui organisent des « hommages » sur sa tombe.

- Jules SALLES-WAGNER (1814-1900), peintre français, son style est typique du modèle néo-grec français. Certaines de ses réalisations ont été inspirées par les fresques de Pompéi.

- L’astronome Benjamin VALZ (1787-1867) de renommée internationale : il travailla sur les comètes et découvrit de nombreux astéroïdes.


Merci à Bernadette Bessodes pour les photos.


Commentaires

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NÎMES (30) : cimetière protestant
dimanche 20 mai 2018 à 10h46 - par  HELENE MONTONI

J’ai fait des recherches sur Internet concernant Jean Brusset, dont le grand-père était Diego RIVERA, le grand peintre mexicain.
Il est décédé en janvier 2017 et a été inhumé au cimetière protestant de Nîmes le 12 janvier 2017.

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NÎMES (30) : cimetière protestant
dimanche 1er mai 2016 à 16h34 - par  Gilles Peugeot

Concernant la dernière phrase de la notice sur Charles Gide : il est dit qu’il est un des fondateurs du Catholicisme social....je pense qu’il y a erreur ...il s’agirait plutôt du Christianisme Social fondé par le pasteur Tommy Fallot, ce qui n’est pas tout à fait la même chose...

NÎMES (30) : cimetière protestant
samedi 21 février 2015 à 16h55

Bonjour
Il existe dans ce cimetière une autre sépulture où repose Emmanuel Boileau de Castelnau, vainqueur de l’ascension de la Meije en 1877

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jeudi 19 avril 2018 à 14h17 - par  marvier jacqueline

bonjour , je viens de decouvrir au cimetiered e LAFRANCAISE (T ET GNE) de nombrueses tombes pyramidales et souhaiterais en savoir plus sur ce sujet , où pourrais je avoir plus de renseignements sur ce sujet ??
MERCI DE VOTRE ATTENTION

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NÎMES (30) : cimetière protestant
samedi 19 juillet 2014 à 08h37 - par  Pincettes

Un petit joyau que ce cimetière.
L’arbre que l’on voit sur la 1ère photo, au pied de la maison de l’olivette, n’est pas un pin mais un cyprès.;-)

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