TCHANG TCHONG-JEN ([Zhang Chongren] : 1907-1998)

Cimetière de Nogent-sur-Marne (94)
mardi 12 février 2013
par  Philippe Landru

Encore un de ses célèbres inconnus dont raffolent les taphophiles exigeants ...

Fils et neveu de sculpteurs, né dans la banlieue de Shanghai, il était issu d’un milieu très modeste. Il apprit toutefois le français et, à partir de 1928, travailla dans l’industrie du cinéma et dans des journaux locaux. Il partit finalement pour la Belgique en 1931 et suivit des cours à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles.

Alors qu’il s’apprêtait à écrire Le Lotus bleu, Hergé fut contacté par l’abbé Léon Gosset, aumonier des étudiants chinois de l’université de Louvain. Ce dernier, qui s’inquiétait de voir Hergé truffer sa prochaine aventure, déjà annoncée, de clichés rétrogrades et colonialistes sur la Chine, le mit en relation avec un de ses étudiants en art d’origine chinoise : Zhang Chongren. Ce jeune homme devint vite un ami d’Hergé et il lui expliqua les coutumes chinoises, lui donnant une version plus réaliste de la Chine que les stéréotypes dont on disposait alors en Europe. Il participa même à l’écriture de l’album, écrivant de vraies phrases en chinois sur les affiches représentées par Hergé, contenant pour la plupart une violente dénonciation de l’impérialisme japonais et occidental.

L’apport de Zhang fut immense : Le Lotus Bleu fut la première aventure de Tintin pour laquelle Hergé se documenta réellement, une démarche qu’il conserva ensuite dans tous ses albums. Zhang a également ouvert l’esprit d’Hergé, jusqu’alors sous l’influence des stéréotypes véhiculés de son milieu, la petite bourgeoisie catholique conservatrice. Cette rencontre fut tellement importante pour Hergé qu’il créa dans Le Lotus Bleu un nouveau personnage, Tchang, auquel il donna le nom de son ami, ce qu’il n’avait jamais fait et ne refit jamais.

En Belgique durant ses études, il reçut de nombreux prix et de nombreuses médailles... En 1935, Zhang quitta la Belgique et voyagea en Europe avant de rentrer en Chine en 1936, où il organisa des expositions pour présenter ses œuvres et fonda les studios Chongren. Hergé perdit le contact avec lui pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il lui écrivit de nombreuses lettres, mais n’obtint jamais de réponse, parce qu’elles n’arrivaient jamais à destination, peut-être égarées ou encore interceptées par les autorités chinoises ou japonaises.

Sa déception trouva un écho dans les efforts surhumains de Tintin pour retrouver Tchang dans Tintin au Tibet. Durant la Révolution culturelle, dans la second moitié des années 1960, Zhang fut réduit à se faire balayeur, puis fut nommé directeur de l’académie des Beaux-Arts de Shanghai dans les années 1970. Après 1979 et la libéralisation économique de la Chine, il reçut une large reconnaissance dans le monde de l’art chinois. Il sculpta notamment un buste de Deng Xiaoping.

Ce n’est qu’en 1981, peu de temps avant sa mort, qu’Hergé revit Zhang. Bien que sur-médiatisées, les retrouvailles furent très touchantes. En 1985, Zhang reçut la nationalité française et fut invité par le gouvernement français à s’installer en France. Il devint un sculpteur renommé en occident. On fit appel à lui pour réaliser le buste de Mitterrand après sa réélection en 1988. Il travailla aussi pour la communauté chinoise de Paris, friande de se faire statufier.

Il vécut ses dernières années dans un agréable atelier d’artiste à Nogent sur Marne.


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Merci à Herbert pour l’exploration et la photo de sa tombe.

Un clin d’oeil à Thibaut Duparc ;-)


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