CHASLES Michel (1793-1880)
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Peut-être que vous ne gardez pas un excellent souvenir de cette fameuse « relation » qui prit son nom, même si cette propriété était déjà utilisée avant lui !
Étonnant personnage que ce Michel Chasles...et comme nous allons le voir, parcours funéraire pas si évident que tout le monde l’entend !
Après de brillantes études secondaires, Chasles entra à Polytechnique en 1812. Il y devint professeur en 1841. En 1846, une chaire de géométrie supérieure fut créée pour lui à la Sorbonne. Il fut élu en 1851 membre de l’Académie des sciences, dont il était correspondant depuis 1839.
Il devint également membre étranger de la Royal Society en 1854, tandis que ses travaux de géométrie lui valurent la Médaille Copley en 1865.
Outre cette fameuse « Relation » auquel son nom est attaché, on lui doit également un théorème, la création du mot « homothétie », et un grand nombre de travaux sur les coniques. Historien des mathématiques, il publia en 1837 un Aperçu historique sur l’origine et le développement des méthodes en Géométrie.
Ce très sérieux scientifique s’illustra également dans un autre domaine où il fit preuve de beaucoup d’amateurisme, et la confusion qui s’en suivit entacha sa réputation. Amateur d’histoire, et collectionneur d’autographes,
il présenta à l’Académie des sciences une série de lettres inédites prétendument de Pascal, que le faussaire Vrain-Lucas venait de fabriquer. Elles voulaient établir qu’avant Newton, l’auteur des Pensées avait découvert le principe de l’attraction universelle. Un savant anglais fit observer qu’on y trouvait des mesures astronomiques bien postérieures à la mort de Pascal. Plutôt que de reculer, Chasles s’entêta et produisit des lettres de Galilée, puis on apprit qu’il avait également acheter d’autres lettres, d’Alexandre le Grand à Aristote, de Jules César à Vercingétorix, de César à Cléopâtre ... toutes rédigées dans un faux vieux français !
Ses collègues de l’Institut prirent la chose avec bonne humeur, mais à l’étranger — à Londres en particulier — on fit des gorges chaudes du manque d’esprit critique des scientifiques français.
Pas rancunier, Chasles légua à sa mort sa collection à l’Institut, y compris les faux fabriqués par Vrain-Lucas.
Tous les guides sans exception (Moiroux, Gabrielli, Beyern, Bauer ...) placent sans difficulté sa tombe dans la 17ème division du Père Lachaise, que tous les connaisseurs du cimetière savent retrouver sans problème.
On n’y fait guère attention, mais un sarcophage d’ornement, portant l’identité du scientifique, et son appartenance à l’Institut, surmonte la massive chapelle.
L’énigme Michel Chasles…
A l’intérieur, une plaque rappelle le souvenir de plusieurs membres de la famille, en particulier son frère Henri Lubin Adelphe Chasles, qui fut maire de Chartres et député (voir plus bas). Petit détail auquel on ne fait guère attention : la plaque du Père Lachaise indique systématiquement, pour les parents et les fils : « à la mémoire de ». En règle général, cette mention indique l’ajout du souvenir d’un membre de la famille qui n’est pas inhumé avec les autres. Ici, le sens doit être autre...
Dès lors, comment expliquer cette étonnante trouvaille que j’ai faite au cimetière Saint-Chéron de Chartres.
Chasles y possède également un tombeau, plus modeste mais dans la même veine que celui du Père Lachaise (chapelle surmontée d’un sarcophage).
La lecture de la plaque est encore plus troublante : les mêmes noms apparaissent qu’au Père Lachaise (Michel, son frère, leurs parents...), mais ils sont indiqués cette fois-ci non pas « en mémoire » mais textuellement « inhumés sous cette pierre » !
Une plaque, datée de 1881, fut érigée par Louis Michel Henri Chasles « à la mémoire de sa famille dont il est le dernier survivant ».
Dès lors que croire ? Chasles -il n’est pas le seul, je pense en particulier aux Legouvé - nous gratifie donc post-mortem de l’énigme de la double tombe. Toutes les sources l’indiquent au Père Lachaise, mais y est-il réellement -l’opposition des mentions « en mémoire » et « inhumé sous cette pierre » est tout de même troublante ? Fut-il inhumé au Père Lachaise puis transféré à Chartres ? Voici pour l’instant l’état d’une question. Je n’ai trouvé pour l’instant aucune source corroborant l’une ou l’autre thèse.
Rebondissement dans l’affaire Chasles ! Quentin Stinat, lecteur du site, m’envoie un complément d’information précieux : il a retrouvé la tombe du frère de Michel, le député Henri Lubin Adelphe CHASLES (1795-1868). Notaire à Paris, il fut nommé maire de Chartres par Louis-Philippe en 1830 et le resta jusqu’en 1847. Battu une première fois en 1830 à l’élection de député, il réussit à se faire élire député de Chartres l’année suivante et le demeura jusqu’en 1848. Il fut également Conseiller général d’Eure et Loir (1833-1848).
- Naissance de Henri Lubin Chasles - Chartres, an 4.
Ce dernier repose avec son épouse dans le cimetière de Vitray-sous-Brezolles (actuelle Crucey villages) (28). Cet élément tenterait à corroborer le fait que Michel Chasles repose bien à Chartres, et que la tombe du Père Lachaise ne serait qu’un cénotaphe familial où reposeraient des descendances plus tardives.
… L’énigme levée
En décembre 2019, Benoit Gallot, conservateur du Père Lachaise (que je remercie au passage), m’envoie la résolution de l’énigme (depuis, la mise en ligne des registres du cimetière a rendu la tâche encore plus aisée).
L’énigme est enfin levée : Michel Chasles fut inhumé en 1880 au Père Lachaise, puis transféré en 1881 au cimetière de Chartres. La tombe du Père Lachaise est donc bien désormais un cénotaphe !
Retour vers le Père Lachaise
Merci à Quentin Stinat pour la photo de la tombe d’Henri.
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