Du nouveau sur Merlin de Douai !...

lundi 14 février 2011
par  Philippe Landru

Décidément, il ne finit pas d’être énigmatique celui-là ! Cet article à deux raisons d’être : pour les protagonistes de la redécouverte récente de cette tombe, il a pour but de rassembler les données et de constituer une interface pour faire avancer le dossier. Pour les autres, il peut être un bon moyen de comprendre comment les taphophiles travaillent, et par la même occasion de découvrir que cette passion est aussi un travail de recherches, parfois longues, pour faire avancer la connaissance du patrimoine funéraire.

La fiche de Merlin de Douai

Rappel des faits :

Il y a quelques semaines, Marie-Christine Penin m’indique la présence au cimetière Montparnasse de Philippe Antoine Merlin « de Douai », mort en 1838 à Paris. Petit scoop dans le milieu des taphophiles, car cette tombe était totalement inconnue jusqu’alors. Dans le petit microcosme des spécialistes du cimetière Montparnasse, c’est l’émoi !

Immédiatement, je fais le relais de cette info sur mon site. Marie-Christine a localisé la tombe : malheureusement, celle-ci est totalement illisible. Elle me donne les informations suivantes : « la concession a été prise par sa femme, la comtesse Jeanne Merlin née Jeanne du Monceau. je ne sais pas si c’est le cas pour toutes les sépultures anciennes, mais son cas est éclaté en plusieurs dossiers d’où la difficulté à trouver l’info car en 1838 les enregistrements ne se faisaient pas comme aujourd’hui : dossier concession, dossier de la personne... D’où les difficultés pour la conservation de recoller tous les morceaux ... Ils ne savent pas l’inscription d’origine de la tombe, sachant que l’inscription d’un nom sur une pierre tombale n’a rien d’obligatoire. Qu’a fait graver la comtesse ? Mystère. Idem pour savoir si quelqu’un d’autre y repose. Apparemment non ».

Jeudi dernier, en compagnie de Herbert, que les habitués du cimetière Montparnasse connaissent bien, nous sommes allés nettoyer la tombe. Bonne surprise : avec un peu de persévérance (et pas mal d’eau !), l’inscription illisible a parlé ! Je retranscris tout ce qui a pu être retrouvé (les mots manquants sont entre crochets).

A LA MEMOIRE
De Madame la comtesse
Brigitte Jeanne Joséphine
DUMONCEAUX
Epouse de M. le comte MERLIN
Grand officier
De la Légion d’honneur
Conseiller d’Etat
Procureur général […]
A la cour de cassation
Membre de l’Institut
Décédée le 15 septembre 1812
En son hôtel particulier […]
Saint-Germain
 
Son mari et ses enfants
Ont élevé ce monument
De leur tendresse
 
Exhumé du cimetière
De […] et transportée
Ici le … 183 ?

Avant et après nettoyage

Il est à noter que la partie basse de la tombe a souffert d’infiltrations en eau : la plaque funéraire y est beaucoup plus fragile et plus friable. Dommage : à l’endroit du nom du cimetière où fut primitivement inhumée la comtesse, à la graphie peu lisible s’ajoute un éclat de la pierre. Du coup, supputations plutôt que véritable certitudes. Herbert lisait « Tours », nous en étions arrivé à « Trieste ». Or, il semble n’y avoir aucun lien entre la défunte et ces deux villes. Le nom exact du cimetière restera à déterminer. J’y retournerai avec une petite brosse, car à ce niveau là, il faut y aller sur du velours si on ne veut pas abîmer la pierre.

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Dernière partie de l’épitaphe : on remarque l’éclat de pierre à l’emplacement précis du cimetière d’origine.

Bon, récapitulons :

- Merlin de Douai meurt à Paris le 26 décembre 1838 : il semblerait donc que le « transfert » du corps de sa femme ait été fait à une date très proche de son décès (difficile d’en lire plus pour l’instant). Il faut se rappeler que si c’est avec Jeanne Dumonceau que Merlin eut ses enfants, il n’en fut pas moins remarié après son veuvage avec Isabelle-Caroline Rochart.

Dès lors, cette lecture pose plus de questions qu’elle n’en résout. Il est évident que Marie-Christine pourra confirmer les infos, voire y ajouter des données en sa possession. Je liste les points d’ombre (et propose des hypothèses) :

La sépulture est-elle contemporaine de la mort de Jeanne du Monceau ?

Evidemment non : elle meurt en 1811 et le cimetière n’ouvre qu’en 1824. En outre, la mention « à la mémoire » laisse penser que la famille fit établir le caveau (la tombe a été achetée en 1829), puis seulement en un second temps fit transférer Jeanne (vers 1838)... et peut-être par la suite (ou un peu avant) Philippe Merlin de Douai. En outre, la mention du transfert est réalisé dans une écriture différente, a priori plus récente, et également plus fragile, que celle du reste de l’épitaphe.

Merlin de Douai est-il là alors que rien n’indique sa présence ?

Certes, son identité n’y est pas, mais son cv y est (est-il plus naturel, si seule sa 1ère épouse est là, de mentionner qu’il fut conseiller d’Etat, membre de l’Institut, etc...). En outre, le fait de ne ne se faire mentionner qu’indirectement sur un tombeau est une sorte de coquetterie de l’humilité qui peut se voir ailleurs (ex : laurecisque à Montmartre). En outre, mais Marie-Christine pourra peut-être être plus précise, des pièces attesteraient de sa présence ici.

Peut-il être inhumé avec sa première épouse alors qu’il était remarié ?

Rien d’impossible : soit Merlin a voulu privilégier la mère de ses enfants, soit, si ce sont les enfants qui firent faire le tombeau, cette réunion est encore plus logique. De manière générale, dans les familles aristocratiques, il est très fréquent que le mari et l’épouse soient séparés.

« Pourquoi »exhumé« est-il au masculin et »transportée" au féminin ?

Erreur du graveur ? Considération que « le corps » fut exhumé et « Jeanne Dumonceau » fut transportée ? Difficile à dire, mais je ne pense pas qu’il faille y prêter une grande attention.


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