CHÂTEAUVIEUX (41) : ancien cimetière paroissial

visité en décembre 2010
samedi 22 janvier 2011
par  Philippe Landru

Quand on arpente les cimetières, on subit évidemment les aléas du temps : du franc soleil à la petite pluie et le ciel bas (en cas de grande averse, on peut faire autre chose aussi...). Il arrive ainsi parfois, mais c’est malheureusement assez rare, que le cadre et le climat fonctionne à l’unisson.

Il en fut ainsi lors de ma découverte de l’ancien cimetière paroissial de Châteauvieux : les modestes ruines, dominées par le calvaire et la tombe de Royer-Collard, dans une brume fantomatique de début de journée d’hiver, constituèrent une jolie carte postale romantique pour l’oeil !

Attenant à l’église du château, l’ancien cimetière paroissial se présente sous la forme d’une pelouse modeste très entretenue sur laquelle « surnagent » quelques moignons de croix ou de monuments, qui semblent avoir été détruits de manière systématique. Seules ont survécu quelques rares inscriptions, un calvaire qui occupe le centre du périmètre, et un enclos familial sobre, dominé par une croix. De la plateforme que constitue ce cimetière, la vue (quand le temps le permet !) domine le village, la vallée, et les vignobles environnants.

L’histoire de ce cimetière est intimement lié à celle de la famille qui occupa le château contiguë. Vieil édifice d’origine médiévale, mais constamment habité et entretenu, il passa par héritage en 1821 à Augustine Marie Rosalie de Forges de Châteaubrun (1772-1853). Celle-ci n’était autre que l’épouse de Pierre-Paul ROYER-COLLARD (1763-1845).

Issu d’une famille de la bourgeoisie rurale de la Marne, il devint avocat. Il participa aux évènements révolutionnaires dès le début : proche des Girondins, il dut quitter Paris durant la Terreur. En 1797, il devint membre du Conseil des Cinq-Cents pour le département de la Marne, mais fut exclu de l’assemblée suite au coup d’Etat du 18 fructidor en IV. Fidèle partisan de la monarchie constitutionnelle, il entra au conseil secret du comte de Provence, futur Louis XVIII. Néanmoins, il se rallia à l’Empire une fois que le régime fut établi : plus que tout, c’est l’ordre auquel il tenait avant tout ! Devenu professeur d’histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne, il prit en 1815 la direction de la Commission d’Instruction publique. En 1816, il obtint l’instruction communale gratuite. Dans le même temps, il devint le porte-parole des doctrinaires, qui voulaient un retour à une monarchie tempérée, contrairement aux ultras qui réclamaient un retour à l’Ancien Régime.

Entré dans l’opposition, il se rapprocha de François Guizot avec lequel il créa la société « Aide toi, le ciel t’aidera ». En 1828, il revint au premier plan : nommé président de la Chambre des députés, il fut la même année élu à l’Académie française. Catholique pratiquant, Royer-Collard défendit le principe de la séparation de l’Église et de l’État, mais il le fit parce qu’il considérait que laisser le pouvoir temporel agir sur la religion était un rabaissement de cette dernière.

Pierre-Paul mourut en premier et fut inhumé dans le cimetière paroissial, où sa haute croix se signale à l’intérieur d’un enclos familial. Son épouse décéda huit ans plus tard, et j’ignore pourquoi son corps ne fut pas rapatrié à Châteauvieux : elle repose dans la neuvième division du cimetière Montparnasse. Elle n’y est pas seule car dans ce tombeau furent également inhumés les enfants du couple.

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Tombeau de Mme Royer-Collard - Montparnasse.

Il est intéressant de noter que les croix sont similaires à Châteauvieux et à Montparnasse, jusque dans la police de gravure des lettres, pourtant pas classique.

Augustine-Angélique Royer-Collard (1808-1874), fille des deux précédents, hérita du domaine. Elle épousa Gabriel ANDRAL (1797-1876), fils du médecin de Caroline Bonaparte. Lui-même devint professeur à l’École de médecine, où il succéda à Broussais, puis membre de l’Académie des sciences. Il se fit surtout un nom en pathologie. Tous deux reposent dans le caveau de Châteauvieux.

Leur fils, Charles Guillaume Paul ANDRAL (1828-1889) prit leur succession. Resté attaché aux traditions de la monarchie constitutionnelle et parlementaire, royaliste et libéral à la fois, il ne put faire carrière dans le contexte du Second Empire. Avocat, il devint en 1873 Vice-président du Conseil d’Etat. Il abandonna ensuite la magistrature et devint directeur du réseau de chemins de fer Paris Orléans dont il rétablit la prospérité. Il épousa Blanche Delius, d’origine juive et convertie au christianisme. Il mourut en 1889 et fut inhumé dans ce cimetière, qui fut désaffecté l’année suivante. sa veuve fit don d’une parcelle de terrain assez importante pour l’implantation d’un plus grand cimetière, qui ouvrit officiellement en 1898.

Elle même décéda à 88 ans en 1925 et fut inhumée au Père Lachaise à Paris. Sans héritiers proches, elle légua le domaine de Châteauvieux à la Société Philanthropique de Paris, à charge pour elle d’installer une maison de repos sous la direction d’une communauté religieuse, pour dames et jeunes filles fatiguées. En 1998, l’établissement fut transformé en maison de retraite médicalisé.


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